Mégabassines : à Sainte-Soline, garderie et psychologues en soutien des manifestants

Dans la base arrière de Sainte-Soline, après avoir enfilé bleu de travail et lunettes de protection contre les gaz lacrymogènes, les manifestants réalisent une dernière étape avant la manifestation : le brossage de dents. Le 26 mars 2023. - © Quentin Hulo / Reporterre
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Luttes MégabassinesPour que les manifestants puissent se mobiliser en masse à Sainte-Soline contre les mégabassines, une cantine, une garderie ou encore une infirmerie psychologique ont été mises en place.
Sainte-Soline (Deux-Sèvres), reportage
« Ils sont où, vos enfants ? » lancent deux manifestants à un couple d’amis qu’ils retrouvent dans un des cortèges qui s’approchent de la mégabassine de Sainte-Soline, lors de la mobilisation qui a eu lieu le week-end du 24 au 26 mars. « On les a laissés à la base arrière ! » répondent les autres.
Les manifestants, au nombre de 30 000 selon les organisateurs, étaient de tous âges, mais les plus jeunes étaient plus rares que lors de l’édition précédente, samedi 29 octobre. Et pour cause : les organisateurs de l’événement avaient mis en place une garderie militante dans la commune de Melle, à une trentaine de kilomètres du lieu de la manifestation, pour accueillir les enfants de ceux déterminés à monter au front.

« Les parents qui nous ont confié leurs enfants n’avaient pas tous un profil militant ; ils ont vu le degré de violence à laquelle nous avions été exposés lors de la précédente manifestation, et il leur semblait inconcevable d’emmener leurs enfants avec eux », décrit une des animatrices de la garderie, qui tient à garder l’anonymat. La garderie avait donc deux buts : « On ne voulait pas que la violence policière entrave la liberté de manifester, ni que la parentalité empêche d’être militant », poursuit cette animatrice.

Deux mois de préparatifs
Les Soulèvements de la Terre, qui appelaient à la mobilisation ce week-end, s’étaient illustrés, lors de la précédente mobilisation, par une logistique au cordeau, aussi bien dans la manifestation pour mener les cortèges qu’en dehors. Mais, comme l’explique une autre membre du collectif, toujours sous couvert d’anonymat, il fallait « tirer les conséquences de la première manifestation ».

Les organisateurs ont donc déployé une « base arrière » d’une ampleur sans précédent sur ce type de mobilisation : un pôle de soutien légal, des cantines paysannes qui distribuaient des sandwichs aux manifestants, une radio où chacune et chacun pouvait prendre la parole pour exprimer son point de vue sur les bassines, un tableau de covoiturage, des groupes pour former des « binômes affinitaires » afin de ne pas manifester seul, un pôle pour aider les personnes en situation de handicap à participer à la manifestation, ou encore un collectif antisexiste, Riots Fight Sexism, pour prévenir les violences sexistes et sexuelles pendant et hors de la manifestation.
« Cela fait deux mois qu’on prépare la base arrière, pour s’assurer que l’autre, quel qu’il ou elle soit, puisse venir manifester », raconte encore l’animatrice de la garderie.

Suivi psychologique
L’autre grande nouveauté de cette base arrière, c’est une infirmerie psychologique, venue suppléer l’infirmerie traditionnelle où défilait une partie des 200 blessés (d’après les chiffres communiqués par les organisateurs). Devant la tente, une dizaine de personnes attendent en discutant avec un peu de nervosité.
Une membre de l’infirmerie psychologique, qui agit d’habitude aux côtés des street médics, en explique la nécessité : « Beaucoup sont sous le choc parce qu’ils ont traversé une épreuve de violence très déshumanisée. On commence donc par les remettre dans un contexte humain : écouter leur vécu, dans un cadre safe et dans une relation de confiance. »

Elle et ses camarades ont surtout vu défiler deux types de « patients » : d’un côté, les moins habitués aux manifestations qui ont été choqués par les quelque 4 000 grenades de désencerclement et lacrymogènes tirées par les forces de police, ou les cris d’appel aux médics qui résonnaient en permanence à travers la plaine. De l’autre, les manifestants plus aguerris, qui ont plus eu tendance à aller au front, et qui « s’en sont pris plein la gueule » ou « ont vu un camarade évacué dans un sale état ».
Face à certaines situations, « prendre soin » ne suffit pas et les plus traumatisés sont ensuite orientés vers d’autres psychologues. Ils pourront à présent continuer de partager leurs expériences en visioconférence, plusieurs semaines après que le calme soit revenu sur Sainte-Soline.