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Métros bondés, RER en retard : les usagers crient « Stop galère »

RER A, en Île-de-France.

Passe Navigo renchéri, retards à gogo, mauvaises conditions de travail, privatisation... La gauche et les écologistes se mobilisent pour sauver les transports d’Île-de-France, soumis à « une crise des financements ».

Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), reportage

Ce mardi 22 novembre au soir, la cinquantaine de personnes rassemblées dans la salle René Desvilettes est contrainte de patienter. Pour cause, les intervenants attendus sont en retard « suite à une petite difficulté sur le RER E ». D’ordinaire, l’information n’aurait pas fait sourciller. Mais pour démarrer une soirée dédiée aux problèmes dans les transports en commun, l’annonce a de quoi faire sourire.

Comment arrêter la pénurie de transports dans la région la plus peuplée de France ? Voilà l’énigme que tentent de résoudre les initiateurs de la campagne « Stop galère » qui organisaient une réunion publique, à Champigny-sur-Marne. Le lieu choisi n’a rien du hasard : au milieu de la ligne du RER E, mais aussi au cœur du fief de Laurent Jeanne, maire de la commune (Libres !) et conseiller régional proche de Valérie Pécresse.

Élus des groupes de gauche et écologistes du Conseil régional se mobilisent depuis quelques semaines pour alerter sur « la crise des financements » de l’autorité régionale chargée des transports, Île-de-France Mobilités (IDFM). Mais aussi, lutter contre la dégradation des conditions de travail et de transports, et pour réclamer le gel du prix du passe Navigo. Pour eux, il s’agit également d’instaurer un rapport de force afin de contraindre la présidente de région, Valérie Pécresse, à reculer.

« À peine le processus de privatisation est-il engagé que l’on en voit déjà le chaos », fulmine Vianney Orjebin.

Quelques heures auparavant, l’AFP a en effet révélé que le prix de l’abonnement de transports franciliens, actuellement de 75,20 euros par mois, va augmenter dès le début de l’année prochaine pour un total compris entre 80,80 euros et 90 euros. « À peine le processus de privatisation est-il engagé que l’on en voit déjà le chaos », fulmine Vianney Orjebin, président du groupe La France insoumise et apparentés du Conseil régional.

En 2025, le marché des bus va s’ouvrir au secteur privé

Pour comprendre la crise des transports publics franciliens, il faut avoir à l’esprit l’échéance de janvier 2025, date à partir de laquelle le marché des bus de Paris et de la petite couronne s’ouvrira au secteur privé, lot par lot. Autrement dit, une poignée de mois après le début des Jeux olympiques de Paris. À l’horizon 2040, la privatisation concernera aussi les métros, les RER et les tramways.

Rames bondées, temps d’attente interminable, bus qui se raréfient, postes de conducteurs de bus non pourvus…. Cela fait désormais plusieurs mois que les usagers des transports franciliens se sentent totalement démunis. « Nous sommes face à des temps d’attente que l’on n’avait jamais vus jusqu’ici, parfois longs de 30, 50, voire 90 minutes », rapporte Marc Pélissier, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) de la région. À l’appel de #StopGalère, il est venu alerter sur la situation « dégradée » et « inquiétante » qui « ne semble pas prête de s’arranger ». Il faut dire qu’il ne reste plus assez de machinistes dans les métros, les RER, et les bus.

« Les usagers n’avaient jamais vu de tels temps d’attente »

À ses côtés, Vincent, délégué syndical CGT de la RATP témoigne des conditions de travail dégradées et des abandons de postes à la hausse. « Les salariés ne font même plus la démarche d’officialiser leur départ, nous découvrons qu’ils ne viennent tout simplement plus à l’heure où ils sont supposés prendre leur service », explique-t-il. Depuis le 1er août 2022, les conducteurs sont obligés de travailler une heure de plus et certains craignent que leurs horaires augmentent encore. « Un chauffeur qui démarre est payé 1975 euros bruts, travaille du 1er janvier au 31 décembre et parfois jusque tard dans la nuit », poursuit le cégétiste.

Pour pallier ces postes non pourvus, la RATP a mis en place un système de prime à la présence allant de 100 à 450 euros bruts. À quelques mois de l’ouverture à la concurrence, la RATP sombre... D’autant qu’Île-de-France mobilités a réduit la commande de rames et de véhicules passée auprès de la RATP et la SNCF durant la pandémie de Covid-19 où la fréquence des transports a été diminuée. Malgré la reprise de l’activité depuis un an, cette politique de baisse de commande continue, rapporte Mediapart. Comme l’a rappelé Valérie Pécresse, il manque 950 millions d’euros dans les caisses d’IDFM pour l’année 2023.

Plutôt que de renforcer les transports en commun, « Pécresse construit des routes »

En guise de solutions, Céline Malaisé, présidente du groupe Gauche communiste écologiste et citoyenne à la Région avance des pistes de réflexion : « Un amendement pour stopper la loi européenne qui veut mettre fin au monopole historique de la RATP et de la SNCF en Île-de-France », ainsi que « la création d’une régie publique des bus » qui permettrait à IDFM de « contourner la privatisation ».

En attendant, ce sont les usagers qui trinquent. « Combien de boulots et de journées de travail ont-ils été perdus depuis la rentrée ? Combien d’examens ratés ? Combien de stages échoués à force d’arriver en retard ? », interpelle Fabien Guillaud-Bataille, conseiller régional communiste d’Île-de-France et administrateur d’IDFM« Tout ça fait partie de notre vie quotidienne, poursuit-il. Dans ces baisses, le temps qu’ils nous volent n’est pas calculé… C’est aussi ça qui nous oblige à gagner cette bagarre. » En parallèle, de longues files de voitures sclérosent les rues. « Le Giec nous dit qu’il faut développer les transports en commun et Valérie Pécresse construit des routes », se désole Annie Lahmer, du pôle écologiste Île-de-France.

Les instigateurs du #StopGalère appellent d’ores et déjà au rassemblement le 7 décembre prochain, devant le Conseil régional, à Saint-Ouen, à l’occasion du conseil d’administration d’IDFM qui devrait être déterminant pour la suite.

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