Moins d’avions dans le ciel : la meilleure solution pour le climat

Pour lutter contre le changement climatique, il faut réduire le nombre d'avions dans le ciel, selon une récente étude. - Pexels/CC0/Pixabay
Pour lutter contre le changement climatique, il faut réduire le nombre d'avions dans le ciel, selon une récente étude. - Pexels/CC0/Pixabay
Le secteur aérien nuit au climat, et aussi au portefeuille de la France. Telle est la conclusion d’une étude dévoilée le 12 juillet par l’ONG Transport & Environment (T&E). D’après ses calculs, la France a perdu 4,7 milliards d’euros de recettes en 2022, en raison des très faibles niveaux de taxation du secteur. Au total, les États membres de l’Union européenne (UE) ont abandonné plus de 34 milliards d’euros de recettes au secteur aérien cette année-là.
En cause, les multiples niches fiscales dont bénéficie l’aviation. En France, le kérosène n’est pas taxé. Les vols long-courriers sont exemptés de TVA et les vols intérieurs bénéficient d’une TVA réduite. Au niveau européen, le secteur profite de dysfonctionnements du marché carbone : les compagnies aériennes bénéficient de quotas gratuits et les vols long-courriers (à destination de pays hors UE) ne sont pas couverts. En l’absence de réforme fiscale, ces manques à gagner déjà stratosphériques pourraient encore augmenter jusqu’à atteindre 6,1 milliards en France en 2025.
Ce document intervient une semaine après la publication d’une autre étude mettant un peu plus à mal le secteur aérien. Pour lutter contre le changement climatique, conclut-elle, il faut moins d’avions dans le ciel. Dans cette étude, publiée le 6 juillet dans la revue Nature Communications, des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (Suisse) et de l’ETH Zurich ont calculé comment le secteur aérien pouvait atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 — l’ambition affichée de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de nombreuses compagnies aériennes. Ils en ont conclu que cet objectif ne pourrait être atteint par les mesures de lutte contre le changement climatique habituellement mises en œuvre : nouveaux moteurs, carburants moins polluants et captage et stockage du CO2 atmosphérique. « Il faut en outre réduire le trafic aérien », indique Marco Mazzotti, professeur d’ingénierie des procédés à l’ETH.
Une seule alternative : réduire le nombre d’avions
Plusieurs effets néfastes de l’aviation sur le climat n’ont effectivement pas été pris en compte ou ont été minimisés, observent les chercheurs. Si le trafic aérien continue d’augmenter au rythme actuel, les émissions de CO2 des avions ne représenteront que 20 % de l’impact carbone du secteur en 2050. Il faudra donc aussi décarboner la production de carburant et l’ensemble des infrastructures aéronautiques. En outre, les émissions de particules de suie et d’oxydes d’azote, qui réagissent avec l’atmosphère pour former du méthane et de l’ozone, ainsi que la vapeur d’eau et les traînées de condensation, regroupées sous l’appellation « forçages climatiques de courte durée » (SLCF), provoquent un important effet de serre largement négligé jusqu’à présent. « Le problème est que nous produisons de plus en plus de SLCF au fur et à mesure que le trafic aérien augmente, de sorte que ceux-ci s’additionnent au lieu de disparaître rapidement », explique Viola Becattini, de l’ETH.
En conclusion, pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 et dans l’hypothèse que des dispositifs de capture et de stockage de carbone soient déployés, le trafic aérien doit être réduit de 0,8 % par an chaque année d’ici 2050. Cela le ramènerait à 80 % de son volume actuel. Si les avions se mettaient à utiliser des combustibles non fossiles (batteries électriques, piles à combustible ou hydrogène) produits à partir d’électricité issue d’énergies renouvelables, la réduction du trafic pourrait être limitée à 0,4 % par an.
Les chercheurs s’intéressent également à la piste du « carburant d’aviation durable » (SAF). Produit à partir de CO2 et d’eau, ce carburant peut être issu d’énergies renouvelables et rejette moins de méthane, d’ozone, de vapeur d’eau et de condensation qu’un carburant classique. Par contre, il est 4 à 7 fois plus cher. Sa généralisation pourrait donc entraîner une hausse du prix des billets d’avion, ce qui pourrait être une bonne chose, selon Viola Becattini. « Une hausse des prix aussi importante devrait considérablement réduire la demande de vols et nous rapprocher de l’objectif de neutralité climatique », se réjouit la chercheuse.