Mon beau sapin, roi des forêts.... il est métallique !

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ForêtsPériode de fêtes oblige, de nombreuses municipalités érigent des sapins d’au moins douze mètres sur leur territoire. Sauf que ces grands sapins deviennent de plus en plus rares. Un entrepreneur propose donc des sapins à structure métallique.
Difficile d’imaginer la période des fêtes de Noël sans sapin, aussi bien pour les particuliers que pour les municipalités. Ces dernières rivalisent chaque hiver par l’installation d’un grand sapin sur le parvis de l’hôtel de ville ou de la gare. « On dirait qu’il y a une compétition pour avoir le plus grand sapin possible de la part des villes. Le problème que cela pose est qu’il y a une demande croissante des communes de sapins de 12 mètres ou plus, alors qu’il y en a de moins en moins dans les plantations destinées à être coupées pour les fêtes », dit Mickaël Goux, gérant d’Abies décor, une société basée dans l’Yonne et spécialisée dans la livraison de sapins.
« Il y a deux-trois ans, on trouvait encore des sapins de cette taille auprès des pépiniéristes, mais compte tenu de la hausse de la demande, l’offre se raréfie. Pour y répondre, les producteurs sont obligés de couper des sapins qui ont mis 30 à 40 ans à pousser en forêt, juste pour décorer les villes pendant quelques mois », dit le professionnel, qui s’occupe depuis dix ans de livraisons d’arbres de Noël à travers l’Hexagone. Pour lutter contre ce phénomène « problématique », il a imaginé un sapin caméléon qui, pour donner l’illusion d’un grand sapin, serait composé de plusieurs dizaines de petits sapins. Installés à la manière de branches, ils sont soutenus par une structure en acier pesant plusieurs tonnes. « J’ai dessiné un croquis au début de l’année et ai demandé à un ami de faire un prototype. J’ai ensuite déposé le brevet de mon “sapin caméléon” avant de le proposer à plus de trois mille villes à travers la France », précise-t-il. Cette structure, louée aux municipalités pendant plusieurs années, est disponible en différentes tailles, allant de 9 à 13 mètres de hauteur.
133 épicéas naturels de moins de deux mètres composent un grand sapin

La ville alsacienne d’Ensisheim, dans le Haut-Rhin, fait partie des huit communes françaises à avoir opté pour un « sapin caméléon ». Elle a choisi la plus grande structure pour orner le centre-ville cet hiver. Pour la garnir, 133 épicéas naturels ont été nécessaires, mesurant chacun un peu moins de deux mètres. Ces petits sapins, qui auront mis entre cinq et sept ans à atteindre cette taille, viennent tous de pépinières. À la fin de la saison, les sapins seront compostés pour faire du terreau naturel. L’armature métallique sera rangée jusqu’à l’année suivante.
Dans le département voisin du Bas-Rhin, à Strasbourg, qui se proclame « capitale de Noël », il aura fallu trois tentatives pour installer un grand et vrai sapin. Le premier, gorgé d’eau lors de son prélèvement, s’est brisé au moment de son chargement dans la forêt vosgienne. Le second s’est fissuré une fois installé au milieu de la place Kléber. Il a dû être remplacé en urgence par un troisième sapin de 26 mètres, qui trônera jusqu’à la mi-janvier dans la capitale de la région Grand-Est. Une mésaventure qui plaide pour les sapins métalliques ?
Pas sûr. Les grands sapins ne sont pas si rares, selon Frédéric Bedel, du Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snupfen) - Solidaires : « J’exerce comme forestier dans les Vosges. Ici, les prélèvements de sapins ont un impact minime sur la forêt. Évidemment, si une municipalité dans la Beauce veut un grand sapin alors qu’il n’y a pas de forêts à proximité, il vaudrait mieux qu’elle s’interroge sur l’impact écologique qu’aura son installation, qu’un sapin soit issu d’une exploitation naturelle ou non. Mais ce n’est pas un problème de quantité, la forêt française peut largement fournir des sapins de 13 mètres. »
Composés d’un nombre trop important de nœuds, ces grands arbres ne sont pas commercialisables
Il confirme que ces sapins de 13 mètres et plus sont issus de forêts françaises et que cette pratique, réalisée uniquement sur demande, est maîtrisée : « Ces sapins sont prélevés dans des forêts publiques, sous le contrôle des agents de l’Office national des forêts (ONF). Ils ne sont pas choisis au hasard. Nous prenons les plus touffus, ce qui arrange les communes pour leur côté esthétique. Il faut savoir que des sapins de cette taille, si l’on prend l’exemple d’une ancienne parcelle vosgienne, il y en a au minimum 150 par hectare. Bien que toute la France ne soit pas aussi fournie en sapins que le massif vosgien, elle compte tout de même un total de plusieurs millions d’hectares de forêt », dit le forestier.

Par ailleurs, ces grands arbres, composés d’un nombre trop important de branches et donc de trop de nœuds, ne sont pas commercialisables et finissent généralement par être éliminés lors d’éclaircies. Selon Frédéric Bedel, « il n’est donc pas idiot qu’ils servent de sapins de Noël pour une commune, puisqu’ils sont facilement recyclables en fin de saison ».
Mais selon Mickaël Goux d’Abies décor, les forestiers défendent leur activité : « Évidemment, pour eux il n’y a pas de problème à couper des arbres, surtout dans les Vosges, où il y a un business dans la fabrication et le débit de planches. S’ils trouvent un arbre suffisamment beau pour le vendre à une municipalité, c’est financièrement intéressant pour eux. Les communes sont prêtes à mettre le prix pour avoir un beau sapin », souligne-t-il.
Le débat est ouvert. En tout cas, la ville de Strasbourg, pour ses trois sapins, aura dépensé 50.000 euros de plus que prévu.