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Agriculture

« Nouveaux OGM » : la dérégulation s’accélère

Le but de la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne : aboutir à un assouplissement de la réglementation début 2024.

Députés et associations environnementales sont fort inquiets. À Bruxelles, l’assouplissement de la réglementation sur les « nouveaux OGM », issus de l’édition génomique, pourrait aboutir très rapidement.

Le sort européen des « nouveaux OGM » sera-t-il scellé dans moins de deux mois ? C’est en tout cas le souhait de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne qui a placé le dossier parmi ses priorités. Les dirigeants ibériques ont agencé un calendrier des négociations ultraserré. Leur but : aboutir à un assouplissement de la réglementation début 2024, au grand dam de certains eurodéputés et des associations environnementales.

Ces nouveaux OGM sont issus de nouvelles méthodes de sélection variétale (NGT, pour new genomic techniques), dites « d’édition génomique ». Ces outils technologiques récents permettent d’intervenir finement sur le génome des plantes et ainsi copier des caractéristiques intéressantes, présentes dans d’autres organismes, comme la résistance à la sécheresse, à un ravageur, à un herbicide ou encore une composition nutritionnelle améliorée.

Pour l’instant, la mise sur le marché de ces variétés est régie par la directive européenne de 2001 sur les OGM. Cette législation fournit de nombreux garde-fous, comme une évaluation du risque spécifique, une traçabilité et un étiquetage des produits qui en découlent. Les promoteurs des NGT aimeraient toutefois que cette réglementation soit abolie au profit de mesures plus souples leur permettant d’utiliser ces nouvelles technologies sans entrave et de vendre plus facilement leurs produits sur le marché européen — comme ils peuvent le faire aux États-Unis par exemple. Leur vœu semble sur le point de se réaliser, grâce à cette nouvelle réglementation en cours de discussion.

Le consommateur ne sera pas informé

Présenté en juillet dernier par la Commission européenne et modifié depuis, le projet prévoit de distinguer les variétés NGT en deux catégories. Celles qui présentent plus de 20 mutations génétiques resteraient soumises à la réglementation OGM, ce serait le type 2. Mais celles en comportant moins de 20 (type 1) y échapperaient, au prétexte que ces plantes auraient pu apparaître « naturellement ou être produites par la sélection conventionnelle », selon la Commission.

Ces semences seraient exemptées d’une évaluation du risque spécifique, mais également de toute obligation de traçabilité et d’étiquetage. Autrement dit, il deviendra impossible pour le consommateur de connaître l’origine technologique (ou non) des fruits et légumes qu’ils mangent et pour l’agriculteur de savoir exactement ce qu’il plante. De plus, aucun suivi à long terme des effets sanitaires ou environnementaux de ces nouveaux produits ne sera envisageable. Pourtant, les variétés NGT mises sur le marché à l’échelle mondiale restent aujourd’hui rarissimes et le recul quasi-nul.

En plus, « les critères qui permettent de distinguer type 1 et type 2, notamment le seuil de vingt mutations, sont arbitraires et ne reposent sur aucun fondement scientifique », explique à Reporterre l’eurodéputé socialiste Christophe Clergeau. Autre surprise : alors que proposition initiale excluait des semences de type 1 les variétés développées pour résister à un pesticide, le texte en débat ne comporte plus ce garde-fou, dénonce l’eurodéputé.

« On étouffe toute possibilité de débat »

Les États eux-mêmes n’auront plus le choix. Alors que la réglementation de 2001 sur les OGM dispose d’une clause de sauvegarde autorisant les États-membres qui le souhaitent à interdire les OGM sur leur territoire, la nouvelle réglementation n’en contient aucune. Il deviendra donc techniquement impossible à tout État d’interdire de cultiver les variétés NGT. « C’est un choix unilatéral fort que l’on tente de nous imposer », dénonce la chargée de campagne chez Pollinis Charlotte Labauge.

À Bruxelles, les députés de la commission Environnement ont jusqu’au 15 novembre pour déposer leurs amendements, et jusqu’au 11 janvier pour en discuter. Ces débats parlementaires, réalisés à marche forcée, pourraient sceller définitivement le sort des nouveaux OGM sur le sol européen, avant même que les citoyens n’aient pris conscience des enjeux sous-jacents.

« Accélérer le débat législatif, c’est étouffer toute possibilité de dialogue et débat démocratique avant même qu’il n’ait eu le temps d’émerger », conclut rédacteur en chef d’Inf’OGM Christophe Noisette.

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