Nucléaire : à 19 h, on les allume !

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Énergie NucléaireFace au pic de consommation électrique dû à la vague de froid, les pouvoirs publics invoquent l’écoresponsabilité des Français. L’auteur de cette tribune, au contraire, allumera ses appareils électriques pour que le réseau tombe. Deux heures durant, plongés dans le noir, nous pourrions alors réfléchir au nucléaire, à la dérégulation du secteur de l’énergie et aux responsables de cette situation.
José Pluki est ingénieur en énergie, il a travaillé sur les accidents nucléaires et est auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique. Il travaille actuellement sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Il a écrit, avec l’aide d’André Paris, le Livret d’autodéfense intellectuelle sur le nucléaire à usage de tous.
- José Pluki.
Ce mercredi, à 19 h, aura lieu un pic de consommation électrique à cause du froid. Afin que le réseau électrique ne tombe pas, il nous est demandé à tous d’être écoresponsables et que chacun allège ses consommations électriques entre 18 et 20 h.
Personnellement, j’allumerai le maximum d’appareils à ces heures en espérant que la bougie soit la denrée rare de ce soir et je vous invite à en faire autant.
Si le réseau tombe, peut-être que, bloqués une heure ou deux par la panne, on prendra le temps de réfléchir à ce que ce système électrique nucléaire veut dire. Peut-être même qu’on discutera de ce que veut dire ce système néolibéral, où l’énergie est une denrée comme les autres pour les capitalistes. Deux heures pour réfléchir à un train qui fonce dans le mur, ça ne peut pas faire de mal.
Les écoresponsables, c’est nous, on a compris, mais qui sont les coresponsables et les cons-responsables de ce problème ?
Depuis qu’EDF a construit trop de centrales nucléaires et a fait de la France le seul État du monde où 75 % de l’électricité est nucléaire, le choix de favoriser le chauffage électrique a été poursuivi avec application et force pendant 30 ans.
Résultat, à chaque vague de froid, RTE, le gestionnaire du réseau, serre les fesses pour que le réseau ne saute pas.
Heureusement, face à ce pic, ce cap, un allié de poids joue en sa faveur : le réchauffement climatique. Cet allié fait beaucoup, il fait baisser la consommation annuelle et la pointe en France et en Europe depuis des années.
Les responsables sont aussi les capitalistes, furieux que l’électricité échappe à leur prédation
Mais un ennemi pointe aussi avec le temps, un autre écueil émerge : la vieillesse, l’âge, la panne, le délabrement, le manque d’entretien, l’usure.
Le parc nucléaire est vieux, fatigué, usé, âgé de 30 ans en moyenne (il a été conçu pour durer… 30 ans).
On peut comparer le problème à la situation que voici : vous avez un parc de taxi qui ont tous déjà roulé 300.000 km, le 31 décembre tout le monde vous appelle, tous les taxis sont de sortie et le gestionnaire serre les fesses pour qu’il n’y ait pas d’accident.
Mais la différence, c’est qu’avec le nucléaire, on n’a pas droit à l’accident.
L’ASN [l’Autorité de sûreté du nucléaire] a arrêté temporairement 10 réacteurs pour des raisons de sécurité cet automne. Ils ont vite été ouverts face au problème du pic de consommation hivernale. Seuls les plus gravement affectés sont censés rester à l’arrêt, on est prié de croire ces gens qui depuis 30 ans falsifient la réalité.
Entre deux heures dans le noir et 24.000 ans de radioactivité, je préfère la bougie, même si c’est le nucléaire qui nous fait retourner à la bougie.
Les responsables sont aussi les capitaliste : furieux que l’électricité échappe à leur prédation, eux qui prennent la liberté de l’homme d’aliéner et de prédation, ils ont vite repris le grappin. Ils ont décidé qu’ils pourraient produire comme ils le souhaitent sans s’occuper du réseau. La régulation enlevée, l’électricité a été mise en Bourse, ils espéraient faire beaucoup d’argent. Mais la multiplication des énergies renouvelables, la baisse des consommations dues au réchauffement et puis, surtout, tous ces écoresponsables de tous les jours, dont je fais partie, ont provoqué une baisse de consommation, donc une surproduction. La surproduction dans un marché libéralisé provoque toujours la chute des prix. Traités comme de vulgaires éleveurs laitiers, les multinationales de l’énergie perdent des milliards depuis des années. De son côté, EDF ne met pas un sou de côté pour réparer et démanteler ses centrales déjà payées. Comme la crise bancaire due à la déréglementation de la spéculation, le pic de consommation vient de la dérégulation.
Comme pour les banques, on est chargé de renflouer.
9 milliards d’euros d’argent public pour le nucléaire en 2016 et pas un seul vote des députés sur la question.
Un accident nucléaire est notre avenir
Bilan, nous avons de grands diplômés qui essaient de résoudre les problèmes qu’on n’aurait pas eus sans eux.
RTE tire des lignes dans toute la France pour combler un problème d’organisation. Ici, dans les Hautes-Alpes, elle balafre nos Écrins. Ces autoroutes électriques, ce monopole, sont en voie de privatisation, on brade… on transforme un monopole public en monopole privé au nom de la concurrence. À quand les péages sur les ponts comme sous l’Ancien Régime ?
Les choses sont si graves qu’EDF ne veut plus commander une pièce métallique à Areva-Creusot et demande aux Japonais. Depuis trente ans, Areva envoie des pièces foirées, falsifiées et cela s’est vu.
Le moral des agents EDF est au plus bas.
Un accident nucléaire est notre avenir.
Tous ces cons-responsables qui jouent avec l’avenir du pays, un accident ruinant la santé de tous et des générations suivantes, mais aussi, messieurs les intégristes de l’argent, les djiadhistes du capitalisme, l’économie du pays.
Alors que les renouvelables sont moins chers que le nucléaire, ces cons-responsables font tout pour limiter les renouvelables et ont éradiqué toute industrie française de ce secteur pour lequel on fait la quête.
En 2015, on a produit moins de renouvelables qu’en 2014, la France est le dernier de l’Union européenne.
Alors, leur écoresponsabilité, je vous invite à leur tailler en pointe…
Je vous invite à transférer ce message,
Deux heures de pause pour parler à son collègue, ses voisins…