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ReportageNuit debout

Nuit debout s’interroge sur la violence

Des actions radicales allant à la confrontation avec la police sont-elles contraires à Nuit debout ou complémentaires ? Le débat s’est poursuivi place de la République.

-  Paris, reportage

Place de la République, à Paris, dimanche 24 avril, Nuit debout s’est concentrée sur la question de la violence, dans une Journée thématique proposée par « des occupant.e.s qui s’organisent ». L’enjeu : répondre aux questions levées par les actions radicales de manifestations sauvages qui se multiplient depuis le 9 avril. Environ 400 personnes l’ont suivie dans l’après-midi froide, jusqu’à 19 h.

Une suite d’interventions programmées s’est déroulée. Les premiers orateurs ont expliqué que la violence venait d’abord de l’Etat. Une représentante du Syndicat de la magistrature, Marion, a exposé les mesures répressives qui se multiplient dans les lois, et notamment dans le projet de loi Urvoas « contre le crime organisé », qui autorise la généralisation des fouilles, et la possibilité de retenir une personne au commissariat, même si elle a justifié de son identité. Nacira Guénif, de l’Appel contre les violences policières, a dit : « Depuis cinquante ans, en France, assassinats et meurtres par la police touchent des gens au nom à consonance étrangère, racialisés, sauf Rémi Fraisse. Cette racialisation a été le laboratoire d’une violence policière qui est maintenant déchaînée, (...) et s’étend à l’ensemble de la population ».

Après avoir expliqué qu’il était « contre la violence, qui consiste à faire souffrir les autres », l’écrivain Serge Quadruppani a jugé que notre société était imprégnée de violence au quotidien : « Par exemple, les téléphones portables intègrent des terres rares dont la production alimente la guerre au Kivu. Tous les objets usuels sont ainsi imprégnés des violences de leurs conditions de production ». Il a rappelé l’impunité dont jouissent les exactions de la FNSEA, avant de s’interroger : « On nous dit que la violence dessert la cause, parce que les médias en parleront mal. Mais les médias seront toujours du côté de l’eau tiède. La seule question sur la violence est stratégique : est-elle utile ou pas, à tel moment ? Les mouvements qui ont le mieux réussi sont ceux qui n’ont pas eu peur d’affronter la violence : la lutte contre le CPE [Contrat première embauche], la Zad, voire les banlieues en 2005. (...) Il ne faut plus que la jeunesse radicalisée soit séparée du reste des manifs. (...) On n’a jamais vu une société nouvelle naître en respectant les règles de l’ancienne. »

Pour Mathieu Burnel, se présentant comme « activiste », « la question de la violence est compliquée parce que la ’violence’ est toujours une manipulation pour décrédibiliser une action de résistance. C’est un concept du pouvoir. Il ne faut pas poser la question de la violence sur le plan moral, mais comme une question stratégique. (...) Tous les mouvements révolutionnaires ont un temps de confrontation. »

Toutes ces interventions avaient en fait pour but de légitimer les actions radicales, en les posant comme s’articulant avec Nuit debout (voir texte exprimant ce point de vue : Le coup d’après).

Les prises de parole libres qui ont suivi n’ont guère mis en cause ce point de vue, hors Mickael, pour qui, « si tu utilises la violence, tu vas recevoir la violence. La violence amène la violence. Vive la paix ! ».

Mais la discussion est partie dans une direction inattendue, avec l’intervention de plusieurs femmes, qui ont dénoncé les violences sexuelles. Il est apparu en effet que, vendredi matin tôt, vers trois heures, une femme aurait été violée sur l’autre partie de la place de la République, que n’occupe pas Nuit debout. Le témoignage en a été recueilli par des personnes de la Commission féminisme. En arrière de l’AG, des femmes chantaient « L’hymne des femmes » en portant une grande banderole.

Mais nombre de participants étaient partis pour le théâtre de l’Odéon, qu’ont commencé à occuper des intermittents du spectacle pour protester contre le tour pris par la négociation sur les indemnités chômage. Lundi matin, le théâtre restait occupé.


Pour suivre le mouvement Nuit debout :

-  Nuit Debout sur Internet : les liens, les adresses

-  Le dossier de Reporterre sur Nuit debout

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