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« Où est l’égalité ? » En Guadeloupe, vie chère et pollution attisent la contestation

Un barrage près de Pointe-à-Pitre le 22 novembre 2021, en Guadeloupe.

Barrages routiers, grèves... Les mesures prises par l’État contre le Covid ont déclenché une forte contestation en Guadeloupe. Au-delà de la politique sanitaire, les manifestants se mobilisent contre la cherté de la vie et les pollutions environnementales.

Petit-Bourg (Guadeloupe), reportage

Ce lundi soir 22 novembre, alors que la nuit est tombée depuis peu, Sabrina et son amie sont « juste venues voir ». En jeans, baskets et t-shirt de sport rose, la mère de famille d’une quarantaine d’années, accompagnée de son petit garçon, dénote au milieu des tessons de bouteille et des épaves de voitures calcinées sur le barrage de Montebello, à Petit-Bourg.

« Il y a une misère sociale en Guadeloupe. Des problèmes d’eau, les minima sociaux, le sentiment de ne pas être entendu par le gouvernement, un peu tout. Les gens veulent que ça bouge à tous les niveaux », lance celle qui ne se définit pas comme une manifestante mais qui soutient le mouvement.

Blocages routiers, grèves... Depuis huit jours, la Guadeloupe est secouée par une forte mobilisation contre la gestion de la crise de Covid-19 sur l’île. Motifs de la colère : le passe sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants. Mais pour beaucoup, ce n’est que la goutte d’eau qui fait déborder un vase d’injustices.

Des barrages coupent la circulation. Les Guadeloupéens dénoncent notamment l’obligation vaccinale des soignants. © Clémence Apetogbor/Reporterre

Coupures d’eau à répétition

Plusieurs d’entre elles sont directement liées au porte-monnaie des Guadeloupéens : vie chère, hausse des prix du gaz et de l’essence. D’autres ont des racines environnementales et sociales. Le scandale du chlordécone, un dangereux insecticide, et l’accès à une eau potable sont en première ligne. « Avant l’obligation vaccinale, il y avait déjà énormément de soucis en Guadeloupe. Il y a une souffrance, il faut l’entendre », dit Sabrina.

Dans certaines communes de Guadeloupe, des coupures programmées, appelées « tours d’eau », rythment les journées des habitants. L’« île aux belles eaux » souffre d’un mal profond. Un réseau d’eau vétuste et mal entretenu, victime de nombreuses fuites. « Liberté, égalité, fraternité. Où est l’égalité ? » peste Ary, adossé à un réverbère et entouré de quelques copains, tous présents depuis plusieurs jours sur l’axe routier. Aucun autre département français ne connaît une telle situation, assure-t-il. La remise en état de l’ensemble du réseau d’eau potable est estimée à un milliard d’euros.

Lire aussi : Vaccination aux Antilles : après le chlordécone, les habitants ne font plus confiance à l’État

Le scandale du chlordécone, pesticide toxique utilisé aux Antilles pendant vingt ans, explique en partie la défiance de nombreux Guadeloupéens envers la parole publique. « Ils nous mentent depuis des années, ils nous ont empoisonnés », continue Ary. La pollution liée à l’insecticide va persister six cents ans et touche toutes les terres agricoles et les rivières de l’archipel. L’État est sommé de faire toute la lumière sur le dossier. En juillet dernier, le bureau de l’Assemblée nationale a accepté d’ouvrir à la justice les archives de la commission d’enquête sur le chlordécone, suspecté d’être responsable du nombre élevé de cancers de la prostate en Guadeloupe. [1]

Au-delà de la lutte contre l’obligation vaccinale, « il y a une misère sociale, les gens veulent que ça bouge à tous les niveaux », dit une habitante croisée sur un barrage. © Clémence Apetogbor/Reporterre

Sabrina aussi attend des « réponses gouvernementales » aux problèmes qui minent la société guadeloupéenne. « Il faut qu’il y en ait pour sortir de la crise » qui, selon elle, pourrait s’enliser. En 2009 déjà, la Guadeloupe avait été le théâtre d’une grève générale longue de quarante-quatre jours, notamment pour dénoncer la vie chère. Selon l’Insee, le niveau des prix de l’alimentaire est 32,9 % plus élevé en Guadeloupe qu’en France métropolitaine [2]. En attendant l’issue du conflit en cours, Sabrina tente d’expliquer à son fils de 5 ans les raisons de la colère. « Il ne va pas à l’école, il faut qu’il sache pourquoi, qu’il comprenne à son niveau ce qui se passe. Cette mobilisation, ce n’est pas que pour les gens d’aujourd’hui, c’est aussi pour l’avenir. En étant là, il a un peu mieux compris. C’est aussi l’histoire de son pays. »

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