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ReportageTransports

« Pas de billet » : face à la dégradation des TER, un appel à la désobéissance

Au départ de la manifestation «Pas de guichet, pas de réductions, pas de billets !» en gare de Veynes le 27 mai 2023.

Explosion des tarifs, horaires inadaptés, guichets fermés… Pour dénoncer la politique de la Région Paca, des usagers et élus des Hautes-Alpes ont manifesté en prenant le train sans payer, avec un « billet de lutte ».

Veynes et Chorges (Hautes-Alpes), reportage

« Monsieur le maire, est-ce que vous savez pourquoi il n’y a pas de train avant 10h30 ? » Sur le quai de la gare de Veynes, un adolescent interroge l’édile qui s’apprête à embarquer dans un TER. « Parce que la Région ne veut pas en mettre », répond Christian Gilardeau affublé de son écharpe tricolore d’élu. Son ancienne cité cheminote au croisement des lignes de Valence, Grenoble et Marseille vers Briançon compte 3 200 habitants.

Avec une vingtaine de manifestants munis de pancartes, le maire (Divers gauche) veut rallier Chorges, une autre petite ville des Hautes-Alpes, pour dire son mécontentement à propos de la politique des TER de la Région Provençe-Alpes-Côte-d’Azur.

Le maire de Veynes Christian Gilardeau et son adjointe à la culture et à la participation citoyenne Françoise Bellanger ont pris le train sans billet mais avec leurs écharpes. © Pierre Isnard-Dupuy / Reporterre

Ce samedi 27 mai, le groupe prend le train de 12 h 27... sans billet. Ou plutôt avec « un billet de lutte offert par les défenseurs du service public ». La protestation se poursuit avec un rassemblement d’une cinquantaine de personnes en gare de Chorges.

Fermeture de guichets dans les gares, hausse spectaculaire des tarifs et absence d’horaires adaptés pour les travailleurs et les scolaires sont autant de raisons qui alimentent le mécontentement du collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes à l’origine de cette mobilisation.

Du côté de la Région, on dénonce cette action de désobéissance : « Une ligne rouge a été franchie. Moi-même je suis maire, ça ne me viendrait pas à l’idée de soutenir un appel à la fraude », considère le vice-président aux transports joint par Reporterre, le macroniste de la première heure Jean-Pierre Serrus.

« Tous les stades d’avant ont été tentés pour nous faire entendre »

« C’est une décision que l’on pensait ne jamais prendre mais tous les stades d’avant ont été tentés pour nous faire entendre : en participant à la fausse consultation de la Région, par des pétitions, des rassemblements », affirme Philippe Saugier, membre de l’étoile de Veynes.

L’abandon total des guichets à Veynes, Laragne et Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) annoncé pour le 1ᵉʳ septembre et la réduction de leur ouverture à quelques heures par jour dans les autres gares de la ligne des Alpes ont fait déborder le vase de leur colère.

Les manifestants ont brandi leur « billet de lutte » avant de monter dans le train pour rejoindre Chorges. © Pierre Isnard-Dupuy / Reporterre

« Le guichet, c’est l’accès aux informations sur les réductions que ne donne pas la billetterie automatique », expose Christine Ricard, première adjointe à Furmeyer, une commune de 180 âmes, limitrophe de Veynes. Dans les gares de la ligne des Alpes, les bornes ne permettent de prendre que des billets de TER. Pour les TGV et les grandes lignes et même le train de nuit Paris-Briançon, les usagers peuvent difficilement réserver autrement que par internet.

Pour le maire de Veynes, un guichet qui ferme, c’est un service public de plus qui disparaît. « On m’a fermé quatre classes en cinq ans, on m’a fermé les impôts. Mais pour que des familles s’installent, il faut des services et des solutions de mobilité », dit-il.

L’enjeu est aussi bien entendu écologique. « 400 voitures vont à Gap tous les matins. En train le trajet est de 20 minutes. En voiture, en 20 minutes on est au rond-point à l’entrée, il faut encore 20 minutes de plus pour traverser la ville », pointe Christian Gilardeau.

« Jamais personne n’avait osé une augmentation aussi brutale »

L’autre pomme de discorde concerne la politique tarifaire. Depuis janvier 2023, la majorité de droite de Renaud Muselier a mis fin à la carte de réduction Zou 50/75 %, mise en place sous l’ancienne majorité de gauche. Moyennant 30 euros par an, elle permettait de bénéficier de 50 % de réduction sur tous les TER et 75 % sur un trajet choisi.

Sa remplaçante, la carte Zou malin offre une réduction de 30 %. Résultat : un aller-retour Veynes-Marseille coûtait, « 16 euros avec Zou 75 % » contre « 51 euros avec Zou malin. Depuis la naissance du chemin de fer jamais personne n’avait osé une augmentation aussi brutale », expose le collectif de l’étoile de Veynes.

La politique de la région Paca a fait exploser les coûts des voyages en train, dénoncent les manifestants. © Pierre Isnard-Dupuy / Reporterre

De plus, les réductions pour les cartes nationales, comme la carte senior ou grand voyageur, et le passe interrail européens ne sont plus permises à bord des TER de PACA. Jean-Pierre Serrus assume de « prioriser les abonnements travail », jusqu’à moins 75 % mensuel, « les tarifs de groupe jusqu’à moins 50 % et les réductions pour les foyers les plus modestes ».

Avec la carte Zou solidaire, les usagers peuvent bénéficier de réductions en fonction de leur quotient familial. Auparavant, c’était selon leur statut : chômeur non-imposable ou RSA.

« À 710 euros de quotient familial, on peut bénéficier d’une réduction de 50 %. Pour quelqu’un qui habite à Briançon, ça fait 51 euros l’aller-retour à Marseille. Qui peut se le permettre avec un tel revenu ? » fustige Nicole Tagand de l’étoile de Veynes. Et pour le tarif à moins 90 %, il faut être très très pauvre avec un quotient familial égal ou inférieur à 500 euros par mois.

Une amende de 100 euros a été adressée au maire de Veynes. © Pierre Isnard-Dupuy / Reporterre

Le collectif promet de lever son « appel à la désobéissance » si la Région « renonce à toute fermeture des guichets jusqu’à la fin du mandat, et rétablit les réductions Zou 50/75 % et cartes nationales SNCF ».

En face on joue la fermeté. À Veynes, un contrôleur spécialement venu en taxi et quatre agents de la police ferroviaire montent dans le train. Personne morale responsable de la manifestation, le maire se voit dresser une amende de 100 euros, qu’il refuse de payer.

« J’ai invité le président et le vice-président aux transports de la Région. Aucun ne m’a répondu. J’en ai ras-le-bol. Ce n’est que le début », assure Christian Gilardeau, qui envisage des actions fortes, comme une grève de la faim.

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