Pendant le confinement, la baisse de la pollution de l’air a évité 2 300 morts

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Pollutions Santé Covid-19Trafic routier ralenti, industries en berne... La baisse de l’exposition aux particules fines durant le premier confinement a permis d’éviter la mort, à long terme, de 2 300 personnes, selon une étude de Santé publique France. « Les politiques tardent à agir » face aux effets sanitaires de la pollution de l’air, regrettent les associations.
En France, le cap des 100 000 morts du Covid sera franchi aujourd’hui. À moins qu’il ne l’ait déjà été il y a plusieurs semaines, comme le laissent entendre les données du centre d’épidémiologie sur les causes de décès de l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Le confinement strict instauré du 16 mars au 11 mai 2020 a sans nul doute permis de réduire ce terrible bilan humain. Il a en tout cas eu un effet positif inattendu : l’amélioration de la qualité de l’air. Ceci a permis d’éviter, à long terme, 2 300 décès liés à l’exposition aux particules fines et 1 200 décès liés à l’exposition au dioxyde d’azote (NO2) – un polluant fortement lié au transport routier — indique une étude publiée mercredi 14 avril 2021 par Santé publique France.
En effet, le confinement a entraîné une baisse importante du trafic routier et des activités industrielles. Selon l’Ineris, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, cité dans le rapport de Santé publique France, les baisses de concentration atmosphérique du 1er au 30 mars 2020 dans les grandes villes françaises ont été en moyenne de 49 % pour le NO2, de 12 % pour les particules de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM 2,5) et 10 % pour les PM 10. Rien qu’à Paris, la qualité de l’air s’était améliorée de 20 à 30 %, selon AirParif.
« Plus l’exposition aux polluants est importante, plus la mortalité est élevée »
Plus précisément, selon cette étude réalisée dans le cadre du programme de surveillance Air et santé (Psas) en collaboration avec l’Ineris, le Centre interprofessionnel technique d’études la pollution atmosphérique (Citepa), l’Association agréée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) et l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France, 280 décès ont été évités grâce à la baisse de concentration en NO2 et 70 [1] grâce à celle en PM 10 à court terme, soit durant le confinement strict et le déconfinement progressif du 16 mars au 22 juin 2020. La moitié des vies épargnées se concentre dans les communes appartenant à une unité urbaine de plus de 100 000 habitants.

« Ces travaux reposent sur des données épidémiologiques et des connaissances scientifiques sur la toxicité des polluants – ici, en l’occurrence, les NO2 et les PM 10, explique à Reporterre Sébastien Denys, directeur de la direction santé environnement travail de Santé publique France. Les effets de la pollution de l’air sont très bien étudiés en santé environnementale, ce qui nous permet de savoir qu’il existe une relation sans seuil entre exposition et mortalité et que plus l’exposition aux polluants est importante, plus la mortalité est élevée. La mortalité prise en compte est de toutes sortes : à court terme — quand des personnes déjà atteintes de pathologies décompensent, par exemple quand une personne asthmatique voit son état s’aggraver lors d’un pic de pollution — et à long terme — en lien avec des maladies chroniques telles que maladies cardiovasculaires, cancers, maladies neurodégénératives. »
Quarante mille décès seraient attribuables à une exposition aux particules fines
Pour M. Denys, c’est clair : « Cette étude montre qu’une politique volontariste de réduction de la pollution atmosphérique a des effets sensibles sur la santé. » Ceci, alors que 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM 2,5), selon Santé publique France, qui a évalué à près de huit mois la perte d’espérance de vie causée par ces polluants.
Mais attention, « on ne veut pas passer le message selon lequel le confinement doit être généralisé ! » insiste le directeur de la direction santé environnement travail. Pour éviter toute interprétation de ce genre, le rapport Santé publique France insiste aussi sur les dégâts causés par ces privations de liberté : exposition accrue à la pollution de l’air intérieur, augmentation de la sédentarité, conséquences psychiques tels que détresse psychologique, troubles anxiodépressifs, symptômes de stress post-traumatique et troubles du sommeil, etc. « Il faut aussi élargir la réflexion sur les autres sources de pollution de l’air qui n’ont que peu baissé pendant le confinement, les émissions agricoles notamment », complète M. Denys.

« Les résultats de cette étude ne sont pas une surprise mais confirment ce qu’on savait déjà, a réagi le directeur général de l’association Respire Olivier Blond, interrogé par Reporterre. Ils nous rappellent à quel point cette mortalité est importante, car quelques microgrammes de polluants en moins peuvent sauver 2 000 personnes, ce qui est gigantesque. Ce qui est malheureux, c’est que les études se succèdent, vont toutes dans le même sens mais que les politiques tardent à agir. »
Seul regret de M. Blond, que l’étude de Santé publique France n’aborde pas le fait que la pollution de l’air aggrave l’épidémie de Covid-19. À l’échelle mondiale, les polluants atmosphériques seraient ainsi responsables de 15 % de la mortalité du Covid — 19 % en Europe. « C’est vrai qu’une abondante littérature scientifique récente évoque ce lien, dit M. Denys. Santé publique France travaille d’ailleurs à un protocole pour pouvoir bientôt travailler sur cette question. »