Poêles à bois, éoliennes… Des chantiers pour devenir autonome

L'un des chantiers proposées par la Grange de Montabot, début octobre 2022. - © Guénolé Carré / Reporterre
L'un des chantiers proposées par la Grange de Montabot, début octobre 2022. - © Guénolé Carré / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
AlternativesPendant une semaine, une grange autogérée dans la Manche proposait de s’initier aux low-tech. Objectifs : se « réapproprier des savoir-faire » et devenir autonome en énergie.
Montabot (Manche), reportage
Alors qu’un soleil illumine le vert bocage normand, un brouhaha studieux, parfois ponctué du grincement métallique d’outils, emplit l’espace entre les bâtiments de l’ancienne ferme autogérée. Du 1er au 9 octobre, la Grange de Montabot, située sur la petite commune du même nom dans la Manche, organisait la troisième édition de ses « chantiers énergie ». Cette année, près de 70 personnes y ont participé.
Créée dans la foulée de la lutte contre la ligne très haute tension (THT) Cotentin-Maine en 2012, la Grange de Montabot fête cette année ses dix ans d’existence. Bien que la ligne THT ait été construite, la grange a perduré comme lieu de convergence des luttes locales contre les grands projets industriels — notamment électriques —, tels le nucléaire, l’éolien industriel ou les lignes THT.

Ateliers poêle à bois, en terre-paille...
Ce début octobre, ateliers et conférences se sont succédé, avec l’autonomie énergétique comme fil rouge. Un axe important, à l’heure où des coupures de courant pourraient avoir lieu cet hiver. Dans chaque groupe, chacune et chacun s’affaire avec sérieux et passion. Autour d’une table, une petite troupe armée de fers s’initie à la soudure à l’étain. D’autres se concentrent sur la fabrication d’un chargeur pour piles vendues comme non rechargeables, mais tout à fait réutilisables.
Arriver facilement à transmettre des savoirs très techniques à des personnes non initiées, tel est l’objectif de l’événement. Le but : qu’elles « transmettent à leur tour », indique Mariette, l’une des organisatrices. « Les ateliers permettent de se réapproprier des savoir-faire qui ne sont pas partagés dans la population, de dédramatiser ces connaissances », précise Achille, qui participe à l’évènement.

À l’arrière de l’ancienne ferme, les meuleuses crissent et lancent des gerbes d’étincelles orangées. À travers la tôle de bidons métalliques, plusieurs trous sont découpés pour y faire passer des tuyaux métalliques. Entreposés çà et là à différents stades de leur fabrication, ces poêles à bois à fort tirage (rocket stove) attendent d’être achevés. Non loin d’eux, un autre groupe s’affaire méticuleusement autour de modèles en terre-paille, potentiellement réalisables sans outils.
Parmi ces ateliers, certains sont entièrement en mixité choisie. « Ça permet de prendre confiance, de se dire “Ah ouais, je peux le faire”, lance Achille. Il n’y avait aucun mec cis [1] avec nous pour nous dire comment faire, on apprenait ensemble à se servir des outils et à maîtriser les techniques. »

Autonomie collective
Au-delà de sa dimension pédagogique, cette semaine de chantiers — organisée conjointement par la Grange de Montabot et le collectif La Chose — a également été l’occasion de rencontres et de discussions, notamment sur les luttes environnementales.
Dans cette optique, une assemblée « contre la transition énergétique » s’est tenue samedi en présence de plusieurs collectifs, principalement impliqués dans des luttes contre l’énergie nucléaire et l’éolien industriel. « La technologie éolienne n’est pas en soi problématique, précise Lisa. C’est le projet dans lequel elle s’inscrit qui n’a rien d’écologique. La transition implique de lâcher les anciennes sources de production d’énergie, pour aller vers des sources plus propres. Ce n’est pas la dynamique actuelle. Au contraire, les gens qui la portent veulent faire perdurer le modèle capitaliste qui les sert. »

Cette logique d’affranchissement des réseaux se retrouve d’ailleurs dans la philosophie de Montabot. De ce fait, la grange — qui n’est pas reliée au réseau électrique — produit elle-même son électricité. Actionnée par la fraîche brise qui, en ce mois d’octobre, fait tomber glands et châtaignes, une éolienne tourne ainsi résolument en haut de son mât. Celle-ci a été entièrement autoconstruite et installée lors des chantiers de l’an dernier. Afin de compléter cet apport, quelques panneaux solaires sont également visibles sur les toits en ardoise des bâtiments. « On est chacun avec son compteur [électrique], ses factures à payer et soumis au cours des marchés, déplore Lisa. Ça isole énormément de personnes face à leur précarité énergétique et économique. Le fait de ne pas être en autonomie comme on l’est aujourd’hui individualise. »