Pour les produits végétariens et véganes, le Nutri-score n’est pas une garantie

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AlimentationEncore non obligatoire en Europe, le Nutri-score donne pourtant de bons indices sur la composition nutritionnelle des aliments. Mais les notes attribuées ne sont pas forcément gage de qualité, comme pour les produits végétariens et véganes.
Les produits végétariens ou véganes sont-ils plus sains que les autres ? Pas tous, comme le montre notre enquête. Alors comment s’y retrouver ? En 2016, dans le cadre de la loi Santé, le gouvernement avait recommandé la mise en place d’une information nutritionnelle claire. On a alors vu émerger le Nutri-score, attribuant aux produits un classement allant de A à E, du vert au rouge, en fonction de leur composition nutritionnelle. Cependant il n’est pas obligatoire. « Sa présence sur le paquet se fait sur la base du volontariat des entreprises », explique à Reporterre le député socialiste Guillaume Garot, qui lutte entre autres contre le gaspillage alimentaire.
Et en ce qui concerne les produits végétariens et véganes, le Nutri-score est encore peu présent. Dans l’enquête publiée à ce sujet par l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) en septembre 2020, seuls 21 % des paquets analysés présentaient ce Nutri-score. Un chiffre qui baisse à 9 % pour les produits achetés dans les magasins bio, qui « sont à la traîne », souligne la CLCV. Les enseignes contactées par Reporterre n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Pour remédier à la faible utilisation du Nutri-score par les industriels, le Guillaume Garot pense « qu’il faut le rendre obligatoire au niveau européen, car nous avons aussi beaucoup de produits importés dans nos rayons ». Le sujet est en effet parvenu à Bruxelles. « Dans la “stratégie de la ferme à la fourchette”, la Commission européenne envisage un étiquetage nutritionnel obligatoire harmonisé. On est en phase de consultation, avec le dépôt de propositions législatives qui sortiront probablement en 2022 », indique à Reporterre l’eurodéputé EELV Claude Gruffat, membre de la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs. Le 16 mars dernier, 270 scientifiques ont également lancé un appel à la Commission européenne pour que ce système d’étiquetage soit adopté en Europe.

« De la chimie comestible ultratransformée mieux notée que de vrais aliments »
Mais avoir un bon Nutri-score n’est pas pour autant gage de qualité pour certains produits, selon la CLCV. Si 73 % des produits végétariens et véganes étudiés par l’association présentent un Nutri-score A ou B, le degré de transformation du produit n’est pas pris en compte dans le calcul. « C’est un calcul ultraréductionniste qui ne permet pas d’avoir une idée sur la qualité nutritionnelle globale de l’aliment incluant l’effet matrice, observe Anthony Fardet, membre du comité scientifique Siga et chercheur en alimentation préventive, durable et holistique dans l’unité de nutrition humaine de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). On peut ainsi se retrouver avec de la chimie comestible ultratransformée qui est mieux notée que de vrais aliments, c’est incohérent ! »
Il existe pourtant le score Nova pour déterminer la transformation d’un aliment, qui n’est pour l’instant pas affiché sur les produits, mais repris dans le développement de l’application Siga. Lorsque nous avons fait le test, nombre de produits avec un Nutri-score A sont notés par Siga comme étant en effet ultratransformés. Le chercheur souligne que, « en théorie, vous pouvez donc remplir vos besoins nutritionnels avec des produits industriels étiquetés A-B et potentiellement tomber malade chronique si ces aliments sont ultratransformés. Consommés avec excès, ces produits ne sont bons ni pour la planète ni pour la santé humaine ».
Se faire passer pour de bons produits
Les consommateurs se soucient de l’écologie et de l’origine des ingrédients. Depuis avril 2020, il est obligatoire d’indiquer la provenance de l’ingrédient principal et les industriels ont encore un délai pour écouler les stocks qui ne sont pas en règle. Dans le souci de présenter leurs produits comme verts, ils multiplient néanmoins les pictogrammes sur leurs emballages. « La législation est encore faible et du coup trompeuse. Il suffit qu’une seule opération soit faite en France, même juste l’emballage, pour pouvoir inscrire l’allégation “origine France” », dit Claude Gruffat.
« Les industriels jouent sur le côté “Ce produit est végétal, donc naturel, donc sain”. On voit bien sur le packaging qu’ils utilisent la couleur verte, qui évoque la nature, mais aussi des petites feuilles, le tout avec un drapeau français. Tout est fait pour nous faire croire qu’il s’agit de produits responsables. Or, ce n’est pas toujours le cas », dit de son côté Mathieu Jahnich, chercheur consultant en marketing responsable. Il n’existe pas de label végétarien ou végane officiel, et on peut ainsi voir se multiplier les appellations en tout genre. « Il est même courant qu’une marque invente son propre label », souligne Mathieu Jahnich.

L’un des plus répandus est le V-Label, créé par l’Union végétarienne européenne (EVU) et dont le cahier des charges est consultable par les consommateurs. « Toutes les entreprises peuvent faire la demande, mais seuls les produits qui correspondent à nos critères peuvent être certifiés », indique Astrid Lefournier, responsable de V-Label et des relations avec les entreprises. La CLCV, elle, demande « la création d’un label officiel reconnu par l’État […], avec un cahier des charges commun et contrôlé par des organismes indépendants ». De son côté, le V-Label a pu expliquer à Reporterre qu’en 2011, « le législateur a chargé la Commission européenne de définir quels aliments peuvent être véganes et végétariens. Dix ans plus tard, la Commission a échoué à accomplir son devoir et n’a pas commencé à travailler sur le sujet ». En effet, que ce soit en France ou au niveau européen, aucun projet de label officiel n’est en cours.
Dans son rapport, la CLCV indique que le prix non plus n’est pas un gage de qualité. Alors qu’ils contiennent, en moyenne, moins d’ingrédients d’origine végétale, les produits panés sont en moyenne les plus chers. « Quand on fait un produit industriel complexe, on fait appel à de la recherche et à des technologies qui rendent le produit final coûteux », explique le député européen Claude Gruffat. Pour autant, en janvier 2020, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une enquête soulignant que « la marge brute des professionnels sur les produits véganes semble […] plus importante que pour des produits “traditionnels” ». D’après Mathieu Jahnich, « ils s’adressent à des personnes qui ont sûrement un plus fort pouvoir d’achat et qui pensent que ces produits vont répondre à leur volonté de naturel ». Pour ceux qui souhaitent abandonner la viande, la meilleure chose à faire pour la planète et la santé reste de cuisiner chez soi des légumes bio et d’une provenance locale.