Pour son anniversaire, Nature et Progrès réinvente la douceur de vivre ensemble

Durée de lecture : 4 minutes
AgricultureLa grande association d’agriculture biologique a soufflé ses cinquante bougies dans les bois : les Rencontres de Nature et Progrès, en Lozère, ont marqué la vitalité de l’association et montré joyeusement ce que pourrait être une vie écologique et collective.
- Chambalon (Lozère), reportage
Nature et Progrès a clos mercredi 3 septembre les Rencontres organisées pour son cinquantième anniversaire. Sur le causse Méjean, dans les bois, et par un beau soleil, à l’image de l’extraordinaire ambiance qui a régné pour cet anniversaire.
Car Nature et Progrès, créée en 1964 par des fous lucides – il fallait l’être en ces années d’industrialisation frénétique pour déceler les ravages encore ignorés de l’agriculture chimique –, se porte mieux que jamais. La vénérable association connaît depuis quelques années un renouveau réjouissant, et voit venir à elle, sans rien renier de son exigence fondamentale, des jeunes par dizaines. C’était étonnamment visible durant ces Rencontres, qui ont vu près d’un millier de participants partager pendant dix jours une vie écologique et proche des idéaux portés par l’association.
Un grand camp hippie, si ce terme a encore un sens, où se mêlaient caravane sauna, cueillette de champignons et d’orties, réflexion sur le compagnonnage alternatif, ateliers pour enfants, séances de bricolages autonomes, cuisine végétalienne, chants diphoniques, trituration de la cameline (sésame)… Et tout autant des myriades de discussions, spontanées ou dans des forums communs, et de réflexions sur le traité TAFTA, le concept de forêt nourricière, ou la convergence des mouvements sociaux et écologiques de l’agriculture. Et aussi sur la bataille en cours au Testet, plusieurs participants y étant impliqués et revenant raconter la lutte.
- Voir le programme.
Les organisateurs de Nature et Progrès ont voulu une expérience originale : ce n’est pas une foire et c’est plus qu’un rassemblement estival : « On voulait créer du lien, dit Glenn, un des paysans de Lozère qui a coordonné les Rencontres, et il n’y a pas meilleur moyen de se lier que de travailler ensemble ». Alors tous ceux qui le voulaient étaient bienvenus pour, pendant deux jours, créer le village autonome qu’a été le camp, deux jours étant aussi consacrés au démontage mardi 2 septembre et mercredi 3, tandis que les tâches collectives étaient gérées en commun, notamment au cours de l’assemblée générale quotidienne discutant des problèmes concrets – évacuer les toilettes sèches ou couper du bois pour chauffer l’eau des douches, par exemple.
« Il s’agit de faire participer tout le monde, dit Glenn, en vivant et en travaillant ensemble, pour lutter contre les démons qui nous empêchent de participer : la solitude et la peur de l’autre ».
Décisions en commun, auto-organisation, repas et boissons à prix libres, échanges de savoir, ont été quelques-uns des traits de cette vie commune, marquée par une atmosphère de douceur et de bonne humeur.
- Danse yoga -
- Ecouter ici :
Mettre en oeuvre un autre mode de vie, mais aussi faire connaitre les technologies appropriées et autonomes, comme des poêles à bois efficaces ou les éoliennes Piggott, que l’on peut fabriquer soi-même.
Comme le dit Eliane Anglaret, présidente de Nature et Progrès, « notre association est peut-être une petite lumière vers des alternatives à notre société consumériste »
- Ecouter ici :
- Eliane Anglaret -
En tout cas, Nature et Progrès se porte bien. Après avoir connu le ressac dans les années 1990, après que le label d’Agriculture biologique a été officiellement reconnu, l’association a rebondi. Essentiellement parce que plusieurs de ses membres, les « boycotteurs », ont jugé que l’on ne pouvait pas se reposer seulement sur une gestion par l’Etat de la mention « bio » et qu’il fallait maintenir une forte exigence sur les pratiques de l’agriculture biologique. Ainsi, alors que de nombreuses autres associations du même type disparaissaient, Nature et Progrès a maintenu le cap. Et, à mesure que le label officiel perd de sa force et que la « bio » est détournée de son ambition transformatrice par la grande distribution, les « puristes » de Nature et Progrès apparaissent en fait comme les plus modernes, les plus pertinents. « On n’est pas obscurantiste, dit Glenn. Ce que nous voulons, c’est un progrès qui ne soit pas contre nature ».
Alors que l’association comptait environ 1.400 adhérents il y a huit ans, elle atteint maintenant les deux mille membres, et voit venir à elle, non seulement des paysans producteurs, mais aussi des artisans, tels que paysans-boulangers, micro-brasseurs de bière, savonniers.
Si l’ojbejctif est technique et réglementaire - sur les cahiers des charges, les procédures de certification des produits bio -, il est tout autant social et politique : Nature et Progrès ne voit pas l’agriculture bio comme un simple enjeu agronomique et sanitaire, mais bien comme une vision du monde à créer, « une agro-écologie inspirée par une vision sociale », dit Eliane Anglaret.
« Nous voulons recréer du lien social. La disparition des resssources naturelles nous oblige à être inventifs ».