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Présidentielle

Primaire des Républicains : l’écologie, la grande oubliée du scrutin

Les candidats à la primaire des Républicains, lors du débat organisé par France 2 et France Inter le 30 novembre 2021.

Michel Barnier, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Éric Ciotti ou Philippe Juvin : Les Républicains désigneront d’ici le 4 décembre leur représentant à la présidentielle. Quel que soit le gagnant, les perdants sont déjà connus : l’environnement et la justice sociale.

  • Actualisation — Jeudi 2 décembre, 15 h 15 — À l’issue du premier tour, Éric Ciotti (25,59 %) et Valérie Pécresse (25 %) sont qualifiés pour le second tour du scrutin. Michel Barnier (23,93 %), Xavier Bertrand (22,26 %) et Philippe Juvin (3,13 %) sont éliminés. Les résultats du second tour seront connus samedi 4 décembre.

Les 139 918 adhérents aux Républicains (LR) ont jusqu’à jeudi 2 décembre 14 heures pour s’exprimer, par vote électronique, lors du premier tour de la primaire ; les deux candidats retenus s’affronteront ensuite dans un second scrutin, le samedi 4 décembre. C’est donc la dernière ligne droite d’une primaire de plus d’un mois, au cours de laquelle les questions de climat et de biodiversité n’ont pas été abordées, ou très peu. Le dernier débat audiovisuel est à ce titre révélateur : organisé par France 2 et France Inter mardi 30 novembre, il a duré 180 minutes. Seul un petit quart d’heure a été consacré à l’écologie, sous forme de « quiz ».

Autrement dit, les cinq concurrents — Michel Barnier, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Éric Ciotti et Philippe Juvin — étaient invités à « faire des réponses courtes », sans développer leur pensée — ben oui, l’extinction du vivant et le dérèglement climatique, c’est simple ! Les journalistes ont posé deux questions, censées éclairer le public sur la vision de chaque candidat sur ce sujet : « Faut-il stopper les éoliennes ? » et « Faut-il interdire la chasse le week-end ? ». Voilà donc la principale crise du XXIe siècle résumée en deux prises de position simplistes.

Mais passons, et attardons-nous tout de même sur les réponses. À propos des éoliennes, tous les candidats — à l’exception de Philippe Juvin — souhaitent un moratoire sur les parcs terrestres. Et tous veulent relancer le nucléaire. Quitte à revenir sur la loi de transition énergétique votée en 2015, qui impose une réduction de la part de l’atome dans notre mix énergétique. Quitte à annoncer entre 6 à 10 nouveaux EPR — des réacteurs nouvelle génération — alors même qu’EDF n’a pour le moment été capable d’en construire que deux, dans la centrale de Taishan, en Chine. L’un de ses réacteurs a d’ailleurs été mis à l’arrêt en juillet dernier à cause d’une accumulation de gaz rares radioactifs dans son circuit primaire, remettant en cause la faisabilité du programme EPR.

Mais rien à faire, le nucléaire nous sauvera, tout comme « la science, le progrès, la croissance et la technologie », selon Éric Ciotti. Le député des Alpes-Maritimes a d’ailleurs argué que « la France est un des pays les moins pollueurs au monde ». L’Hexagone se place pourtant à la 12e place des pays les plus émetteurs, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni certes, mais devant ses autres voisins européens.

Place à la chasse

Deuxième sujet abordé, la chasse. Unanimité à droite pour fustiger la position « dogmatique » du candidat des Verts, Yannick Jadot — qui souhaite interdire ce loisir le week-end — et pour célébrer les chasseurs « écologistes de bon sens », selon Xavier Bertrand. Les candidats entendent donc « défendre nos traditions », et promouvoir ce hobby « populaire », dixit Michel Barnier. Là encore, rappelons que les chasseurs sont un peu plus de 1 million — soit 8 % des ruraux. En comparaison, 16 millions de personnes pratiquent régulièrement la randonnée pédestre ; un Français sur trois fait souvent du vélo, et 1 Français sur 3 pratique la course à pied.

Pixabay/CC/Jackmac34

Mis à part ce petit « quiz » de quinze minutes, les cinq aspirants à la fonction suprême ont parlé crise sanitaire, économie et sécurité. L’occasion de dérouler leurs programmes, tous conservateurs et néolibéraux. Au menu, s’ils sont élus : réduction drastique du nombre de fonctionnaires, baisse massive des impôts, réformes des retraites et de l’assurance chômage, fin des 35 heures, etc. « Il faut rendre compétitives notre industrie et notre agriculture », a affirmé Valérie Pécresse, qui veut un « comité hache » pour « hacher menu » le Code du travail, le Code de l’urbanisme et les normes environnementales qui « étouffent les agriculteurs ».

Outre ce dernier débat, les candidats de droite se sont retrouvés à trois reprises sur différentes chaînes télé. Le Pacte du pouvoir de vivre — une alliance de soixante organisations dont la CFDT et la Fondation pour la nature et pour l’Homme — a comptabilisé les temps de parole des cinq prétendants : sur plus de 9 heures de débats, seulement 10 secondes ont été dédiées à la biodiversité, 16 minutes au climat, 2 minutes 20 à la pauvreté ou encore 3 minutes à la thématique du logement. « Les sujets au cœur du quotidien des Françaises et des Français, essentiels pour leur avenir, n’ont pas — ou très peu — été abordés, constatait le Pacte du pouvoir de vivre dans un communiqué publié le 22 novembre dernier. A contrario, l’immigration, la sécurité et les finances publiques (dettes, nombre de fonctionnaires, impôts...) ont représenté plus de 50 % des échanges. »

« Voiture, chasse et haro contre les écolos »

Les cinq compétiteurs s’inscrivent ainsi dans la droite ligne des Républicains. Sur son site, le parti liste quelques propositions pour répondre à la crise climatique : « augmenter la part des biocarburants dans le transport routier et [...] le transport aérien », « faire de la France le leader mondial de l’hydrogène » ; « refuser la fermeture des centrales nucléaires, prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu’à soixante ans et engager la construction de six EPR », « appliquer un moratoire sur l’éolien terrestre », « instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne ».

Poids lourd du parti sarkozyste, le sénateur Bruno Retailleau a publié en octobre un livre poétiquement intitulé Aurons-nous encore de la lumière en hiver, dans lequel il invite ses camarades de droite à se saisir de la question environnementale. « L’écologie a été historiquement portée par notre famille politique, affirme-t-il, du premier ministère de l’Écologie sous Georges Pompidou au Grenelle de l’environnement sous Nicolas Sarkozy, de la création de l’ONF à la première loi de protection de la nature. » Mais selon lui, « l’écologie est devenue en France le prête-nom de tous les délires gauchistes. Quand les dingues de l’écologisme veulent interdire le sapin de Noël, le Tour de France, dégenrer les cours d’école, ou quand Mme [Sandrine] Rousseau rêve d’hommes déconstruits, ils ne font pas de l’écologie, mais de l’idéologie. C’est une nouvelle religion. »

Sur le terrain, cette « écologie du réel » vantée par le sénateur vendéen se résume bien souvent au triptyque « voiture, chasse et haro contre les écolos ». Le conseil régional des Hauts-de-France, dirigé par Xavier Bertrand, a ainsi réduit drastiquement les subventions aux associations écologistes locales, afin de satisfaire les chasseurs, soutiens de la première heure du président de région. En Île-de-France, le bilan environnemental de Valérie Pécresse n’est pas non plus glorieux : la région est à la traîne concernant l’agriculture biologique et la rénovation basse consommation des bâtiments ; elle est aussi la moins vertueuse concernant la production d’énergies renouvelables et l’artificialisation des sols.

S’il n’y a pas eu de sondage sur la primaire à proprement parler, les intentions de vote au premier tour de la présidentielle affichent Xavier Bertrand comme celui étant en mesure de récolter le plus de voix (14 %, Harris Interactive du 30 novembre), devant Valérie Pécresse (11 %) et Michel Barnier (10 %).

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