Valérie Pécresse et l’écologie : des mots, pas d’action

Valérie Pecresse lors de la présentation de la station de traitement d'air de Suez en test depuis un an dans la cour d'une école de Poissy, près de Paris, le 7 septembre 2020. - © Éric Piermont/AFP
Valérie Pecresse lors de la présentation de la station de traitement d'air de Suez en test depuis un an dans la cour d'une école de Poissy, près de Paris, le 7 septembre 2020. - © Éric Piermont/AFP
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Candidate à sa réélection à la présidence de l’Île-de-France, Valérie Pécresse a énormément communiqué sur l’écologie durant son mandat. Mais si quelques avancées sont à souligner, son bilan sur cette question reste médiocre.
Septembre 2015. Dans un texte publié dans Le Plus de L’Obs, Valérie Pécresse, à l’époque candidate de la droite et du centre pour la présidence de l’Île-de-France, écrivait : « Nous voulons faire de notre région, la plus peuplée de France, poumon économique du pays, la région pionnière dans le monde pour la lutte contre le réchauffement climatique. » Près de trois mois plus tard, la désormais présidente du mouvement Libres ! était élue (de justesse) devant la liste d’union de la gauche, prenant ainsi la tête du conseil régional d’Île-de-France. Mais alors qu’elle est candidate à sa réélection aux prochaines élections régionales (20 et 27 juin), qu’en est-il de son bilan écologique à l’issue de son mandat, au cours duquel cette tenante d’une croissance verte s’est targuée d’être « plus écologiste que les écologistes » ?
De l’avis de plusieurs associations de défense de l’environnement, si certaines avancées sont à souligner, les résultats de l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy s’avèrent, au mieux, insuffisants. L’équipe de Mme Pécresse n’a pas cru bon de répondre à cette assertion ni aux questions du quotidien de l’écologie : contacté par Reporterre, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président de la région chargé de l’écologie, n’a pas répondu à notre proposition d’entretien. « Il y a eu des efforts de modernisation des transports collectifs ou encore des incitations financières pour utiliser des voitures ou du chauffage moins polluants, explique Muriel Martin-Dupray, coprésidente de France Nature Environnement Île-de-France. Il faut pourtant aller plus loin : il reste nombre de choses à appliquer au-delà des annonces. Il faut aussi initier un mouvement à coordonner avec l’État, les collectivités locales, etc. de façon à ce que chacun ne se rejette pas la responsabilité des programmes non appliqués. »
Zoé Lavocat, responsable climat et territoires au sein du Réseau Action Climat (RAC), va dans le même sens : « La région ne respecte pas les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés. Elle émet plus de gaz à effet de serre qu’elle ne devrait et consomme plus d’énergie qu’elle ne devrait. Les questions de rénovation des bâtiments et de l’énergie sont essentielles en Île-de-France, or pour l’instant la région ne va pas assez loin et pas assez vite. »
Et de nous renvoyer vers l’Enviroscore récemment établi par l’Observatoire de la transition écologique des territoires, une instance qui a analysé — et classé — l’action des treize régions au cours du dernier mandat (2016-2021). L’Île-de-France se place ainsi à la septième position avec de nombreux points à améliorer (comme l’ensemble des régions, quand bien même la responsabilité de la transition écologique leur a été transférée en 2015) : elle obtient par exemple de faibles scores concernant l’agriculture biologique et la rénovation basse consommation des bâtiments ; elle est aussi la moins vertueuse concernant la production d’énergies renouvelables et sur l’artificialisation des sols, décrite comme « très préoccupante ».

Soutenir la gare de Gonesse est « une aberration »
Ce dernier point concentre d’ailleurs nombre de critiques : alors qu’en septembre 2020 Valérie Pécresse annonçait 10 milliards d’euros de dépenses publiques en faveur de l’environnement sur la période 2020-2024 dans le but d’établir une région « ZAN (zéro artificialisation nette), ZEN (zéro émission nette) et circulaire », la présidente de l’Île-de-France soutient par exemple le projet de ligne 17 du Grand Paris Express et de la gare de Gonesse (Val-d’Oise), qui devraient s’implanter sur des terres agricoles. Et ce, alors même qu’elle a dans le même temps respecté son objectif de créer 500 hectares d’espaces verts dans la région.
Pour Muriel Martin-Dupray, tout cela relève « d’injonctions contradictoires » : « Si elle a pris acte de l’abandon du mégacomplexe Europacity [lequel devait être implanté sur la zone], ce qui est positif, le fait de soutenir cette gare nous semble une aberration par rapport à l’objectif de ZAN des sols. Le triangle de Gonesse est l’un des endroits les plus fertiles à près de 25 kilomètres de Paris ! » Et d’ajouter : « Plus on rognera sur les terres agricoles, plus on continuera cette course en avant et moins on pourra tenir les objectifs de se rapprocher d’une meilleure autonomie alimentaire de la région ou de lutter contre le changement climatique. »

Pour Marc Pélissier, président de l’Association des usagers des transports d’Île-de-France, la ligne 17 mais aussi la ligne 18 du Grand Paris Express ne vont « pas dans le bon sens » : « Ils ne répondent pas à des besoins de transports, ou du moins vont en créer là où il n’y en avait pas. »
S’il note des améliorations — le renforcement de l’offre de bus ou l’achat et la rénovation de nouveaux trains — certains points s’inscrivant dans la continuité de projets initiés par la précédente mandature socialiste, il décrit également des couacs : « La région n’a pas montré de volonté de rééquilibrer les zones d’emploi et de logement, ou encore de diversifier la localisation des bureaux. Si la crise sanitaire l’a masqué, c’est un vrai problème qui joue sur les besoins de déplacements. Nous avons aussi listé plusieurs projets concernant les transports en commun franciliens qui sont à l’arrêt ou menacés faute d’argent. »
Voitures, pollution de l’air...
La question des moyens mais aussi de la « trajectoire » est d’ailleurs essentielle selon Zoé Lavocat, qui signale en outre comment, entre 2014 et 2020, l’Île-de-France n’a alloué à la transition écologique que 22,06 % des fonds européens versés aux régions (Feder), loin de la moyenne française qui est de 30,30 %. Pire : en 2017, 21 millions d’euros destinés à des projets environnementaux n’avaient pas été dépensés par la région. « Des objectifs qui peuvent paraître intéressants à atteindre sont fixés, mais on ne sait pas de quelle manière on les met en œuvre. Cela ne sert donc à rien, ou alors il s’agit juste d’écoblanchiment. »
La salariée du RAC met ainsi en avant l’enjeu de l’intermodalité. « C’est une chose sur laquelle l’Île-de-France doit faire beaucoup de progrès : comment se rendre d’un point A à un point B en utilisant plusieurs moyens de transport. » Muriel Martin-Dupray acquiesce : « Son soutien au RER Vélo par exemple est une bonne chose [la région a investi 300 millions d’euros dans ce projet], mais ce n’est qu’un élément, qui doit s’inscrire dans un plan de transport ambitieux. »

Tony Renucci, président par intérim de Respire, l’association nationale pour l’amélioration de la qualité de l’air (son prédécesseur, Olivier Blond, a rejoint l’actuelle liste de Valérie Pécresse), identifie le même problème : « Même si des choses ont été faites, les garages à vélo par exemple ne sont pas assez développés, notamment en banlieue. Or si on ne peut pas aller jusqu’à sa gare à vélo pour prendre son train et son RER, il sera difficile de le substituer aux véhicules. » Il estime ainsi Valérie Pécresse « trop conciliante avec la voiture » : « Son bilan est mitigé : il y a eu des avancées, notamment les vélos Véligo ou la prime pour l’achat d’un vélo électrique, mais je retiens également ses critiques assez vives sur la piétonnisation des voies sur berge à Paris. Elle n’a pas apporté à ce moment-là de réflexion sur les moyens de développer la mobilité douce à une échelle au moins régionale. L’idée n’est pas d’être anti-voitures, mais bien de porter un discours plus positif par rapport à l’alternative aux véhicules thermiques. »
Concernant la qualité de l’air, les bilans d’Airparif montrent que la pollution a globalement stagné voire légèrement diminué en Île-de-France entre 2016 et 2020 (pandémie oblige) tout en restant largement supérieure aux normes réglementaires et aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Respire a par ailleurs récemment publié un rapport alarmant sur la pollution au sein des stations des transports en commun franciliens, et a porté plainte en mars contre la RATP. En 2018, Valérie Pécresse avait pourtant annoncé un plan doté de 1 million d’euros de façon à les dépolluer. « Cela demande un investissement considérable, explique Tony Renucci. Mais la région finance beaucoup la RATP, elle est donc en mesure d’instaurer un rapport de force favorable. »
Les Franciliens et Franciliennes en veulent également plus : d’après une enquête publiée en mai par le Réseau Action Climat, l’European Climate Foundation et Harris Interactive, ils et elles sont 54 % à penser que l’Île-de-France n’en fait pas assez pour répondre aux enjeux climatiques, contre 47 % en moyenne sur l’ensemble des régions.