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ReportageÉnergie

Rabbin, bouddhiste, évêque : des religieux s’élèvent contre TotalÉnergies

Des religieux devant une station TotalÉnergies à Paris, le 29 novembre 2022.

Figures du bouddhisme, de l’islam, du judaïsme et du christianisme ont manifesté le 29 novembre contre Eacop. Ce projet d’oléoduc en Ouganda et en Tanzanie est mené par TotalÉnergies. Ces prises de parole sont une première.

Paris, reportage

Dans le ballet incessant des voitures, défilant les unes après les autres à la pompe à essence au beau milieu du trafic routier du 15e arrondissement parisien, la scène est surréaliste. Un rabbin, un moine bouddhiste, un évêque et une pasteure protestante se tiennent devant une station TotalÉnergies, sous les regards curieux de ses employés qui n’osent pas approcher. Tout autour d’eux, des militants dressent des pancartes jouant sur les mots de leurs religions respectives : « Délivrez-nous de Total », « Encore plus de pétrole nous mène au shéol [1] », « Pour une planète en équilibre, yallah yallah ! »

Dans le viseur : le mégaprojet pétrolier Eacop de TotalÉnergies, cet oléoduc chauffé censé traverser, sur 1 443 kilomètres, l’Ouganda et la Tanzanie. Ce rassemblement non déclaré a été organisé par l’ONG GreenFaith, ainsi que par la branche religieuse d’Extinction Rebellion, XR Spi, née au printemps. Parmi les personnalités religieuses présentes, Caroline Ingrand-Hoffet est la seule à être rodée à ce type d’actions. « On en arrive à la désobéissance civile, car malheureusement le cadre légal ne suffit pas, explique cette pasteure protestante au regard limpide, anciennement engagée sur la zad à Strasbourg contre le contournement autoroutier GCO. L’urgence climatique est telle qu’on ne peut pas faire autrement. »

Religieux devant une station TotalÉnergies à Paris, le 29 novembre 2022. © Clément Tissot/GreenFaith

« Nos traditions religieuses nous poussent à ne pas rester silencieux »

Un peu plus tôt dans la matinée, une cérémonie interreligieuse a eu lieu au Forum 104, lieu de rencontre spirituel dans le 6e arrondissement de Paris. Là encore, la scène avait de quoi étonner : des journalistes qui se déchaussent avant d’entrer dans la crypte au sous-sol ; des militants écologistes reprenant un chant religieux au piano… Et des leaders de toutes confessions s’exprimant un à un devant un cercueil arborant des dessins de zèbres, d’antilopes et d’un village au soleil couchant.

« Jamais auparavant des personnalités religieuses n’avaient pris la parole en public au nom de leur foi contre le projet mortifère de TotalÉnergies, souligne Amélie Franco, chargée de mobilisation Stop Eacop chez GreenFaith. Nous nous sommes levés de nos lieux de prière pour unir nos voix. »

© Les Amis de la Terre France / Survie

« Au cœur du judaïsme, il y a deux principes : aimer la vie et défendre la justice. Le projet Eacop va à l’encontre de tout cela, dit le rabbin Yeshaya Dalsace. Nos traditions religieuses et spirituelles nous poussent à ne pas rester silencieux face à la destruction de la nature. » L’ancien évêque de Troyes, Marc Stenger, s’indigne pour sa part de la situation des « 100 000 paysans » ougandais et tanzaniens dont les terres sont impactées par le chantier. Le moine Olivier Reigen Wang-Genh, longtemps à la tête de l’Union bouddhiste de France, est aussi présent aux côtés de la nonne bouddhiste Kankyo Tannier, qui chante et fait résonner un bol tibétain pour ponctuer les discours.

Les communautés croyantes, « levier fort de mobilisation » ?

Au-delà de l’union symbolique des diverses confessions, l’événement visait à démontrer leur alliance avec la société civile. Les ONG Les Amis de la Terre France, 350.org ou encore Reclaim Finance, toutes apolitiques et areligieuses, étaient de la partie.

« Nous avons un levier fort de mobilisation, en tant que croyants », défend à ce sujet Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France et ex-président du Conseil français du culte musulman. La présence de cette figure très institutionnelle dans cette action non déclarée, contre un géant des énergies fossiles, résume le caractère inédit de l’événement. Pour M. Kbibech, l’enjeu est de peser par ces prises de position publiques, leurs communautés de croyants représentant beaucoup de citoyens en France. « Nos vies valent mieux que leurs profits ! » conclut même l’homme face aux caméras.

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