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Énergie

Rénovation énergétique : les aides diminuent

Travaux sur un toit.

La politique de rénovation énergétique du gouvernement était déjà chaotique et insuffisante. Voilà qu’au 1e mai, une nouvelle mesure diminue encore l’aide aux travaux. Premières victimes : les ménages les plus pauvres.

Le gouvernement promettait un « big-bang » des aides à la rénovation. Depuis un an, on assiste surtout à des coups de massue dans un système déjà peu solide. La façade semblait belle : 650 000 rénovations en 2021 grâce à France Rénov’, le service public de la rénovation. Mais à regarder de plus près les résultats présentés en février par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), deux tiers de ces 650 000 « rénovations » sont en fait des changements du mode de chauffage, tandis que moins d’un quart des opérations ont entraîné des travaux d’isolation. Or « installer une pompe à chaleur ou un poêle à granulés n’a pas d’intérêt si son logement reste mal isolé », dit à Reporterre Isabelle Gasquet, responsable de projet efficacité énergétique au sein du Réseau pour la transition énergétique (Cler). Pire : les seules données qualitatives publiques recensent 60 000 rénovations globales, moins de un sur dix.

À ce tour de passe-passe statistique s’ajoutent maintenant des inquiétudes sur les financements privés. Car depuis 2005, les entreprises de l’énergie ont l’obligation de financer des actions pour maîtriser les consommations d’énergie, via des certificats d’économie d’énergie (CEE). Ce système de financement intégré directement aux factures des artisans a donné lieu à des effets d’aubaine.

On a ainsi vu fleurir des publicités pour des « offres à 1 euro » plus ou moins honnêtes, entraînant leur lot de litiges et de malfaçons. Incapable d’imposer un contrôle efficace, le gouvernement tente aujourd’hui d’assécher les financements à la source. En juillet 2021, il supprimait les « coups de pouce » pour le chauffage et l’isolation créés en 2019. Ce bonus pouvait par exemple atteindre 4 000 euros pour un remplacement de chaudière. Exit également depuis le 1er janvier 2022 un autre bonus, qui permettait de doubler la prime spécifique perçue par les ménages très modestes. Résultat : « On observe déjà une baisse des demandes de travaux et même une mise à l’arrêt de certains chantiers », dit Isabelle Gasquet.

Une baisse au pire moment

Ce qui ressemble fortement à un sabotage de toute velléité de sobriété se poursuit ce 1er mai. Désormais, les « opérations standardisées », finançant les travaux les plus courants, sont à leur tour rabotées. Dans le viseur ? Tous les travaux d’isolation : combles, planchers, murs, réseau d’eau chaude sanitaire, etc. Le message est clair : changez votre mode de chauffage, et tant pis pour les courants d’air. La crise ukrainienne n’a fait que renforcer cette tendance, avec une aide publique de 1 000 euros supplémentaires pour se débarrasser de sa chaudière au fioul ou au gaz.

Le tout intervient dans un contexte particulièrement tendu : depuis six mois, les prix de l’énergie ont explosé du fait de la situation internationale et vont selon toute vraisemblance rester durablement élevés pendant des mois. Le prix de la tonne de carbone a également augmenté, renchérissant aussi le coût des combustibles fossiles. En face, le prix des certificats d’économie d’énergie (CEE) s’effondre. Car depuis la fin 2021, ce « marché » se retrouve saturé de certificats, ce qui en fait mécaniquement baisser les prix. Équivalent à 8 euros le mégawatt-heure (MWh) il y a un an, le prix du CEE a perdu aujourd’hui 15 % de sa valeur.

À ce jeu, ce sont évidemment les plus pauvres qui sont les premiers perdants : avec des CEE de moindre valeur et des travaux moins bien valorisés, impossible de financer le reste à charge de plusieurs milliers d’euros pour des travaux qui ne sont aidés qu’à 50 % par les aides publiques (maximum 60 % pour une rénovation globale). D’où l’urgence, selon l’initiative Rénovons, dont fait partie le Cler, de mettre en place un bouclier énergie et de refondre globalement le système pour favoriser les économies d’énergie et les rénovations globales. Une mesure essentielle alors que selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 3,5 millions de personnes déclaraient avoir souffert du froid durant l’hiver dernier.

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