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Politique

Sur l’écologie, Macron préfère les réunions à l’action

Le président de la République s’est exprimé jeudi 25 avril pour répondre aux attentes exprimées lors du « grand débat national ». Ses annonces ont beaucoup déçu les organisations écologistes.

Ce jeudi 25 avril 2019, à l’occasion d’une conférence de presse au palais de l’Élysée, Emmanuel Macron a dévoilé les mesures destinées, selon lui, à amorcer « un nouvel acte de notre République qu’appelle l’attente de nos citoyens ». Cette « attente » s’est, à ses yeux, exprimée à travers le « grand débat national » — dont le Président s’est dit « fier » — et le mouvement des Gilets jaunes — « un mouvement inédit qui dit sa colère, son inquiétude, son impatience ».

Au cours de son allocution, Emmanuel Macron a affirmé avoir compris les « inquiétudes » et le « sentiment d’abandon, d’injustice fiscale, territoriale et sociale » des Français. Pour y remédier, plutôt qu’un changement de cap, il a estimé que « les fondamentaux des premières années [de son mandat] doivent être préservés, poursuivis et intensifiés ».

Le président de la République a rejeté l’idée d’un vote obligatoire, la reconnaissance du vote blanc et l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). Il a toutefois annoncé que le seuil nécessaire à la mise en place d’un référendum d’initiative partagée serait abaissé à 1 million de signatures [1].

D’après le chef de l’État, le nombre de parlementaires sera également abaissé et une réforme du Conseil économique, social et environnemental (Cese) lancée : 150 citoyens tirés au sort pourraient intégrer le Cese dès le mois de juin. Emmanuel Macron a aussi promis à « ceux qui travaillent » que leurs impôts diminueraient, que certaines niches fiscales seraient supprimées, mais n’envisage pas de retour de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.

« Remettre le climat au cœur de notre projet national » 

Dans son discours, le président de la République a placé le climat au troisième rang de ses quatre « orientations » principales, sans annoncer la moindre mesure concrète. En deux minutes, il a affirmé que « beaucoup a été fait ces deux dernières années » et présenté deux nouvelles instances supplémentaires pour « remettre le climat au cœur de notre projet national » : une « convention citoyenne » et un « conseil de défense écologique ».

La plus urgente, la plus impérieuse [des transitions], c’est évidemment le climat. Le climat doit être au cœur du projet national et européen. L’état d’urgence climatique, il est là. Notre jeunesse nous le dit à chaque instant. Et nos citoyens veulent agir, ils agissent déjà au quotidien. Ils veulent qu’on les aide à aller plus loin, qu’on les accompagne, qu’on les aide à trouver des solutions concrètes mais il y a une conscience citoyenne sur ces sujets qui s’est profondément transformée ces dernières années, qui va beaucoup plus vite que les politiques publiques. Beaucoup a été fait ces dernières années. La semaine prochaine, nous irons plus loin en matière de politique énergétique puis dans les semaines à venir en matière d’économie circulaire pour lutter contre toutes les formes de gaspillage. Mais je veux qu’on puisse changer plus fortement nos méthodes pour répondre plus concrètement et de matière plus radicale aux attentes. Changer de méthode, c’est d’abord utiliser davantage l’intelligence collective sur ce sujet.

On a beaucoup de solutions, je l’ai souvent dit, mais elles sont souvent trop complexes pour nos citoyens, pas utilisées, peu connues, peu adaptées. Qu’il s’agisse des aides pour changer la chaudière, pour changer de véhicule, c’est en train de s’améliorer mais enfin, il y a beaucoup à faire. C’est pourquoi la convention citoyenne de 150 citoyens tirés au sort dès le mois de juin aura pour première mission de travailler sur ce sujet, de redessiner toutes les mesures concrètes d’aide au citoyen sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements, qu’il s’agisse de l’isolation ou du chauffage, pour les rendre plus efficaces. De définir, si besoin était, d’autres mesures incitatives ou contraignantes et, si besoin était, de définir aussi des ressources supplémentaires et de proposer des financements pour ce faire. Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre, soit au vote du parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe.

Le deuxième changement de méthode, c’est que je veux que nous mettions en place un conseil de défense écologique qui réunira le Premier ministre, les principaux ministres chargés de cette transition, les grands opérateurs de l’État, que je présiderai de manière régulière pour à la fois prendre les choix stratégiques et mettre au cœur de toutes nos politiques cette urgence climatique et m’assurer du suivi dans tous les champs ministériels lorsqu’une orientation est prise.

Enfin, la réussite de cette transition passe par notre ambition européenne. C’est-à-dire notre capacité à défendre au niveau européen, enfin, à obtenir un prix minimum du carbone, une taxe carbone aux frontières et une finance verte plus ambitieuse. »

L’allocution d’Emmanuel Macron a profondément déçu les organisations écologistes. Selon Loreleï Limousin, responsable des politiques transports et climat au Réseau Action Climat (RAC), « le Président n’a toujours pas pris la mesure de la nécessité d’agir vite, de manière juste et efficace pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Loreleï Limousin a regretté l’absence de mesures « concrètes, que le gouvernement a les moyens de mettre en place pour répondre à la fois aux urgences climatiques et sociales : des alternatives à la voiture individuelle, des aides financières au changement de mobilité, les chantiers de l’alimentation ou de la rénovation énergétique… Ce sont pourtant des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre, en France, et qui font directement écho aux préoccupations des citoyens. »

« Emmanuel Macron n’a aucune approche globale de la transition écologique »

Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE), s’est dit inquiet : « Le Président dit qu’il va faire confiance aux associations et, en même temps, il confie le dossier de la transition écologique à une convention de 150 citoyens tirés au sort. C’est un bon outil, mais il ne nous paraît pas adapté pour traiter un problème de l’ampleur de la transition écologique, surtout au regard de tout le travail que les associations ont fourni ces dernières années pour faire des propositions. » Dans son discours, Emmanuel Macron passe, selon Michel Dubromel, « complètement à côté du problème : il n’a aucune approche globale de la transition écologique qui se résume dans ses mots au “climat” tandis qu’il ne parle jamais d’“énergie”, de “biodiversité”, ou d’“agriculture” ». Le principal enseignement de cette allocution ? « Il faut que l’on continue à se battre parce qu’il n’a rien entendu à ce qu’on lui a dit », estime le président de FNE.

« Tout ça pour ça ? » s’est insurgé sur Twitter l’eurodéputé Yannick Jadot, qui attendait « un plan Marshall sur le climat (logement et renouvelables), une sanctuarisation des services publics (gares, maternités…) et des infrastructures vitales (aéroports, barrages…) ». Le député la France insoumise Eric Coquerel a évoqué « un vide irresponsable car ce “problème” là va finir par nous enterrer ». A contrario, le numéro deux de la liste de La République en marche (LREM) pour les élections européennes Pascal Canfin a salué l’action du chef de l’Etat.

Problème pour Pascal Canfin : l’association qu’il dirigeait il y a encore un mois, le WWF, a un avis contraire au sien. « Le président n’a pas saisi l’opportunité qui se présentait à lui pour répondre à l’urgence [climatique]. Au contraire, il a renvoyé les réponses à la création de nouvelles instances, comme un nouveau Conseil de Défense écologique aux contours et prérogatives encore flous, et à l’échelle européenne où sa capacité à convaincre ses homologues dépend justement des décisions prises en France », écrit dans un communiqué le WWF, qui se dit « déçu » du discours du Président.

Un peu plus tôt dans la soirée, Greenpeace France avait déploré, sur le même réseau social, la mise en place d’un « énième comité Théodule ». L’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement a également fait part de ses doutes : pour lui, le Président « n’a pas annoncé la création de deux commissions mais de deux séries de réunions : réunion interministérielle avec ministres et opérateurs (conseil de défense écologique) et “convention citoyenne” avec 150 citoyens tirés au sort », a-t-il réagi. Les Amis de la Terre France se sont, quant à eux, inquiétés de l’intégration des « grands opérateurs de l’État » au sein du conseil de défense écologique. « Rassurez-nous, les grands opérateurs, c’est bien différent des grands pollueurs ? » ont-ils demandé.

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