Un candidat à l’élection présidentielle, Jean-Marie Matagne, opposé au nucléaire militaire

Un Mirage 2000 de l'armée française, modèle porteur de missiles nucléaires. Il a été remplacé par le Rafale. - CC BY-SA 2.5/Blueshade/Wikimedia Commons
Un Mirage 2000 de l'armée française, modèle porteur de missiles nucléaires. Il a été remplacé par le Rafale. - CC BY-SA 2.5/Blueshade/Wikimedia Commons
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Armée Nucléaire PrésidentiellePrésident de l’association Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (ACDN), Jean-Marie Matagne vient d’officialiser sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. Engagé de longue date contre le nucléaire, tant militaire que civil, cet habitant de Saintes, en Charente-Maritime, entend imposer ce sujet dans la campagne et porter le débat à l’échelle du pays.
« L’objectif, c’est de parler du désarmement nucléaire, le plus grave problème que l’Humanité ait à résoudre », a-t-il dit au Parisien. Le militant chevronné n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2002, il avait déjà tenté de se présenter à l’élection présidentielle. Il avait alors obtenu une dizaine de parrainages, tous accordés dans les Charentes. En 2016, il s’était aussi porté candidat à la primaire du parti écologiste avant de se retirer de la course. Désormais non encarté, proche des Gilets jaunes, il retente sa chance et souhaite rallier différents mouvements citoyens pour défendre « un monde décarboné, dénucléarisé et démilitarisé ».
Nous publions ci-dessous une tribune écrite à l’initiative de son association l’ACDN. Elle a reçu le soutien de 45 responsables associatifs, élus, artistes et écrivains, dont une quinzaine à l’étranger. Chacun peut lui apporter son soutien, rappelle Jean-Marie Matagne.
Affirmer la vie contre la terreur atomique
Il y a 60 ans, le 24 novembre 1961, l’Assemblée générale de l’ONU déclarait formellement que « tout État qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation » (Résolution 1653 XVI).
Aujourd’hui, à 100 secondes de l’Apocalypse selon le Bulletin des savants atomistes, l’humanité menacée dans sa dignité et son existence même doit disposer d’un droit fondamental : le droit à la vie, avec pour corollaire le droit des peuples à disposer pacifiquement de leur survie.
D’après la déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (Article 1), « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » (Article 3) et « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune »(Article 2.1).
Dans le même esprit, la peine de mort est abolie en France depuis la loi du 9 octobre 1981. Ainsi, la France, encore moins qu’aucun autre pays, ne peut condamner ni mettre à mort aucun individu, ni chez elle, ni à l’étranger, et se rendrait coupable d’un monstrueux crime contre l’humanité en utilisant des armes nucléaires pour ce qui serait une exécution de masse.
De plus, le 2 août 1992, la France a ratifié le Traité de Non-Prolifération nucléaire dont l’article 6 stipule : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ». La Cour internationale de justice l’a confirmé à l’unanimité dans son avis consultatif du 8 juillet 1996 : « Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace. »
La France est donc tenue de négocier avec les autres États dotés d’armes nucléaires l’élimination complète de ces armes de crimes contre l’humanité. Un tel pouvoir d’anéantissement est exorbitant et tyrannique. Une dizaine de chefs d’États, dont celui de la France, peuvent décider d’en user à tout moment, sans procès ni appel, sans avoir à en rendre compte à personne, et d’exécuter immédiatement leur sentence. Jamais les peuples des États dotés d’armes nucléaires n’ont été consultés sur la possession de ces armes ni ne le seront sur leur emploi, alors qu’ils sont obligés de les financer et qu’elles mettent en jeu leur propre vie aussi bien que celle des autres peuples.
La France dispose de ces armes depuis 1960. Elle leur a consacré plus de 300 milliards d’euros et ne cesse de les développer. Ses quelque 300 bombes pourraient faire un milliard de morts — une « stricte suffisance » selon ses stratèges… Situation absurde, inhumaine, contraire au droit international et à la Constitution française, qui place les droits de l’Homme au-dessus de tout et impose leur respect, ainsi que le respect des traités.
Contraire au bon sens, car il est illogique de défendre les valeurs républicaines, dont la fraternité, en menaçant de commettre des massacres ; illogique de lier les « intérêts vitaux » de la France à l’emploi d’armes fatalement suicidaires contre un pays qui en aurait aussi ; illogique de prétendre garantir sa propre sécurité par ces armes, tout en les interdisant aux autres ; illogique d’encourager ainsi leur prolifération, tout en prétendant la combattre ; illogique de vouloir faire des économies et de gaspiller des milliards dans des engins de mort inutilisables contre d’autres États nucléaires, inutilisables pour des raisons morales et politiques contre des États non dotés, incapables de dissuader des terroristes et tout juste bonnes à tomber entre leurs mains.
Contraire à la démocratie, enfin, car le peuple français n’a jamais eu son mot à dire et l’on sait par un sondage (IFOP-ACDN, 2018) que plus de huit Français sur dix (85 %) répondraient oui à la question : « Voulez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
C’est la question qui aurait dû être résolue depuis longtemps, qui doit l’être d’urgence, que nous posons à tous les candidats à la présidence de la République comme à tous les futurs candidats au Parlement, et que nous voulons voir posée au peuple français. Car nous savons que seul le peuple est capable de forcer l’État à respecter le droit qu’il bafoue depuis des décennies, seul il peut vaincre le poids des lobbies militaro-industriel et nucléaire. Et nous faisons confiance au cœur de chacun de nous pour choisir, comme disait Albert Camus le 8 août 1945, « entre l’enfer et la raison ».
Écarter l’épée de Damoclès atomique suspendue au-dessus de nos têtes, ce sera décupler à la fois notre sécurité et notre liberté, dans le plein respect des Droits de l’Homme et de la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Ce sera faire bénéficier tout être humain, sans distinction aucune, de la loi française abolissant la peine de mort. Soixante ans après la résolution de l’ONU, quarante ans après la décision du Parlement français d’abolir la peine de mort, il est urgent de changer d’ère, de prendre enfin au sérieux et de protéger la vie. Ne pas le faire relèverait d’une folie criminelle.
Premiers signataires :
En France : Jean-Marie MATAGNE, Philippe MEIRIEU, Éva JOLY, Sabine RUBIN, Alain BRUNEEL, Catherine QUÉRÉ, Maina SAGE, Jean-Michel CLÉMENT, Sophie TAILLÉ-POLIAN, Benoit BITEAU, Francis LENNE, Roland DESBORDES, Yves LENOIR, Catherine LIEBER, Pierre PÉGUIN, Pierre FETET, Larbi BENCHIHA ; Kolin KOBAYASHI, Jean-Jacques DELFOUR, Gabriela BARRENECHEA, André LARIVIERE, Jean-Marc BRUNEEL, Béatrice HOVNANIAN, Michel MARIE, Françoise BOMAN, André BOUNY, Angélique HUGUIN, Loïc PELLETIER, Bruno BOUSSAGOL, Aude FLEURANT, Jean-Marie BROM
À l’étranger : Noam CHOMSKY (USA), Tony ROBINSON (Abolition 2000), Alice SLATER (USA), Yehuda ATAI (ISRAEL), Wayne HALL (GRECE), John HALLAM (AUSTRALIE), Oleg BODROV (RUSSIE), Ria VERJAUW (ICBUW), Bruce GAGNON, David KRIEGER, Matthew SPELLBERG, Steven STARR (USA), Michel MONOD (SUISSE), Mikaël BÖÖK (FINLANDE)
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