Une bonne idée pour relancer l’auto-stop

Durée de lecture : 6 minutes
Le système Rezo-Pouce est né en 2010 dans le sud-ouest de la France pour pallier le défaut de transports en commun d’une dizaine de collectivités locales. Depuis, le réseau gagne du terrain et entend concurrencer le covoiturage. Reporterre a testé ce moyen de transport alternatif dans les Yvelines.
- Méré (Yvelines), reportage
Depuis l’essor de la célèbre plateforme Blablacar, le stop est de moins en moins utilisé comme moyen de transport. Le sentiment d’insécurité fait reculer plus d’un et surtout plus d’une devant ce moyen de transport pourtant économique et écologique. C’est pourquoi Rezo-Pouce a mis en place un système de stop organisé. Le concept ? L’auto-stoppeur, pancarte en main, se place sous un panneau Rezo-Pouce et attend qu’un conducteur veuille bien l’emmener à destination. Pour plus de sécurité, tous deux ont été préalablement inscrits dans la base de données de Rezo-Pouce. N’espérez cependant pas rejoindre la Bavière avec ce système, qui est conçu pour des petits trajets à l’échelle de la commune.
« Surtout un argument pour rassurer »
Avant de pouvoir lever son pouce, l’inscription est nécessaire et, surtout, gratuite. En ligne ou directement à la mairie, il suffit d’apporter sa carte d’identité et son permis de conduire (dans le cas des conducteurs) et le tour est joué.
Je choisis l’option du site internet. Après avoir entré mes informations personnelles, j’envoie un scan de ma carte d’identité par courriel pour finaliser mon inscription. Une semaine plus tard, je reçois le kit du parfait auto-stoppeur, à savoir ma carte d’identification, un macaron pour la voiture, des fiches destination et des conseils pour passagers et conducteurs. Parmi ces derniers : « Préférez les zones où les voitures ne roulent pas à plus de 50 km/h » ou encore « Ne pas utiliser Rezo-Pouce le soir quand il fait nuit ».

C’est à Méré, petite ville de campagne des Yvelines, que je tente l’aventure. Arrivée dans la commune à 8 h, je me place, comme indiqué par le site de Rezo-Pouce, devant l’un des trois panneaux de la ville, juste à côté de la mairie. Je lève mon pouce ainsi que mon panneau « Gare SNCF ». Les minutes passent et les voitures défilent… Plusieurs passants me lâchent un « bon courage » et d’autres me regardent d’un air surpris.
Après une demi-heure d’attente, je me décide à monter dans la voiture d’une certaine Stéphanie. Certes, elle n’est pas inscrite à Rezo-Pouce, mais elle a le mérite de m’emmener jusqu’à la gare SNCF. J’apprends aussi que le stop est bien connu dans le coin. « Ici, c’est la galère pour les transports. Les jeunes n’ont plus de car le soir pour revenir de la gare. Il y en a seulement le matin. Du coup, on en voit beaucoup faire du stop, nous sommes habitués. » En revanche, Rezo-Pouce vient de s’implanter et n’est pas encore bien connu : « J’ai vu les panneaux il y a quelques semaines et je me demandais ce que c’était. Avec des amis, on a regardé sur internet pour voir comment ça marchait, mais je n’ai pas très bien compris. » Le trajet n’aura pas duré plus de cinq minutes et me voilà déjà à destination.

Souvent utilisé par les adolescents, le stop souffre d’une mauvaise réputation, il est souvent jugé trop risqué par les parents. Rezo-Pouce entend les rassurer. Un numéro de téléphone a été mis en place afin d’y envoyer le numéro de la plaque d’immatriculation du conducteur, qui est également répertorié sur le réseau. Voilà qui devrait pousser les habitants à faire confiance à ce moyen de transport. Les administrateurs de Rezo-Pouce avouent qu’ils n’ont « pas reçu beaucoup de numéros depuis le début. C’est surtout un argument pour rassurer. Mais quand on fait régulièrement du stop, on apprend à faire confiance et, surtout, à se faire confiance. Quand on ne veut pas monter dans une voiture, on n’y est pas obligé. »
Monter dans la voiture d’un ou d’une inconnue, discuter quelques minutes, est pourtant aussi une façon de créer du lien social. Et même si la première raison de Rezo-Pouce est de combler le manque de transports dans les villes de campagne, cette démarche est aussi écologique. « Dans les voitures qui passent aujourd’hui, on ne voit souvent qu’une seule personne à bord. Rezo-Pouce est aussi une façon de réagir à ce problème environnemental », explique l’association. « Nos publics sont les jeunes sans voiture et les personnes en situation de précarité. Notre défi est d’expliquer et de faire comprendre aux gens qu’on peut tous faire du stop, que ça fonctionne très bien. »
« On est en pleine expansion »
Rezo-Pouce n’en est pas à son coup d’essai. Tout a commencé en 2010 avec le maire de Moissac, Alain Jean, qui souhaitait trouver une solution pour les transports de sa commune. Neuf collectivités du Tarn-et-Garonne et de Haute-Garonne ont pris part au projet, qui s’est transformé par la suite en une association nommée Covoiturons sur le pouce, puis Rezo-Pouce, gérée exclusivement par les collectivités locales. Le réseau s’est ensuite développé dans toute la France et compte aujourd’hui 2.000 adhérents. Dans les Yvelines, les associations Beynes en transition et Villages d’Yvelines en transition, très impliquées dans des projets écologiques, ont convaincu plusieurs communes de se lancer.
Armel Pitois, président de Pouce d’Yvelines, explique : « On voulait travailler sur les transports. Des choses avaient déjà été tentées mais sans succès. On ne voulait pas faire un truc seul de notre côté. On a vu que Rezo-Pouce fonctionnait bien dans le Sud, on a donc décidé d’en parler aux élus, qui ont accepté. La région Île-de-France, en charge des transports, nous a aussi donné son accord. On a donc pu obtenir une subvention écomobilité d’une valeur de 50.000 euros pour mettre en place le projet. »
Dix communes bénéficient actuellement du système : Marcq, Thoiry, Bazoches-sur-Guyonne, Boissy-Sans-Avoir, Méré, Mareil-le-Guyon, Les Mesnuls, St-Léger-en-Yvelines, Émancé et Villiers-le-Mahieu.

« En ce moment, on est en pleine expansion. Tous les arrêts ne sont pas encore mis en place car certains endroits dépendent du département et non pas de la commune. » De son côté, la mairie de Méré explique son choix : « On a décidé d’installer Rezo-Pouce pour faire face au manque de transport, notamment entre le centre-ville et la gare SNCF, qui est très mal desservie dans la journée. » Les employés municipaux en sont d’ailleurs membres : « Je me déplace en train. Le problème est que les bus ne sont pas synchronisés avec l’heure d’arrivée des trains, donc j’utilise souvent le stop sauvage. Mais, je me suis inscrite à Rezo-Pouce la semaine dernière car ça rassure les gens qui s’arrêtent », témoigne l’un d’eux.
