Usine nucléaire de Belfort : EDF ouvre le capital au russe Rosatom

Discours d'Emmanuel Macron devant une turbine Arabelle, à Belfort, le 10 février 2022. - Capture d'écran/YouTube/Emmanuel Macron
Discours d'Emmanuel Macron devant une turbine Arabelle, à Belfort, le 10 février 2022. - Capture d'écran/YouTube/Emmanuel Macron
Malgré la guerre en Ukraine, la filière nucléaire française renforce ses liens avec le groupe nucléaire public russe Rosatom. Le Figaro a révélé mardi 8 mars qu’EDF pourrait céder à Rosatom 20 % de GEAST, filiale de GE Steam Power, l’entreprise de Belfort spécialisée dans la fabrication des turbines pour centrales nucléaires Arabelle. « Le pacte d’actionnaire entre EDF et Rosatom a déjà été validé entre les deux parties », lit-on dans le quotidien.
Le 10 février, EDF avait annoncé avoir signé un « accord d’exclusivité » pour le rachat des activités nucléaires de General Electric en France. Dans le périmètre de l’accord, les équipements d’îlots conventionnels [1] de GE Steam Power pour les nouvelles centrales nucléaires, dont les turbines Arabelle, et la maintenance et les mises à niveau des centrales nucléaires existantes. General Electric était propriétaire de ces activités depuis la vente de la branche énergie d’Alstom en 2015, alors qu’Emmanuel Macron était ministre de l’Économie.
« Le retour d’Arabelle dans le giron français a été célébré par Emmanuel Macron lors d’une visite à Belfort le 10 février. Mais ni le chef de l’État ni le repreneur n’avaient évoqué alors l’arrivée prévue dans un second temps du spécialiste russe de l’atome civil », lit-on dans Le Figaro.
Pourquoi Rosatom s’intéresse-t-il à GEAST ? Selon le quotidien, l’usine de Belfort fournit à l’entreprise publique russe les turbines Arabelle, les alternateurs et les îlots conventionnels nécessaires à la construction de ses réacteurs VVR. Les commandes de Rosatom représentent ainsi la moitié du chiffre d’affaires de GEAST.
Quid des sanctions anti-russes ?
Reste à savoir si la guerre en Ukraine compromettra cette participation russe au capital de l’entreprise française. Sans être fatales, des sanctions anti-russes dans le secteur du nucléaire seraient un coup dur pour GEAST et EDF. « Le plan de charge serait problématique pendant trois ou quatre ans, mais on pourrait par exemple accélérer le programme français de six EPR annoncé mi-février par le président Macron », a dit au Figaro une « source proche du dossier ». Ce risque de baisse du chiffre d’affaires lié à la perte des commandes russes conduirait EDF à « envisager de renégocier le prix » de GEAST avec GE. Début février, GEAST était valorisée à 1,2 milliard de dollars.
Selon Le Figaro, ces sanctions anti-russes auraient surtout des conséquences catastrophiques pour Rosatom. « GEAST construit en ce moment les alternateurs géants pour sa centrale turque d’Akkuyu. Si ceux-ci étaient bloqués en France, le chantier serait stoppé aussi longtemps que dureraient les sanctions, lit-on dans le quotidien. Plus largement, Rosatom ne pourrait plus vendre une seule centrale et perdrait probablement tous ses contrats en cours. Concevoir un autre réacteur avec un autre fournisseur de turbine, chinois par exemple, prendrait des années. »
L’entreprise GEAST est un exemple parmi d’autres des nombreuses relations commerciales entre les filières nucléaires française et russe, comme l’a montré une note de l’ONG Greenpeace publiée jeudi 10 mars.