Yannick Jadot présente son programme écologique et social

Yannick Jadot à Lyon, le 29 janvier 2022. - © Moran Kerinec / Reporterre
Yannick Jadot à Lyon, le 29 janvier 2022. - © Moran Kerinec / Reporterre
Durée de lecture : 6 minutes
Yannick Jadot a présenté, samedi à Lyon, des éléments de son programme : Smic à 1 500 euros, 10 milliards par an contre les passoires énergétiques, interdiction de la vente de voitures thermiques d’ici 2030.
Lyon (Rhône), reportage
« Les jours heureux sont à portée de main ! » Le ton est ferme, les yeux braqués sur l’Élysée. Depuis la scène ouverte, Yannick Jadot harangue les 700 militants présents ce samedi à son meeting à Lyon : « Ensemble, nous avons le pouvoir de prendre notre destin en main et de retrouver la maîtrise de nos vies ! » L’étape dans le berceau de la Macronie passé aux mains des Verts se veut un coup double : dynamiser une campagne jusqu’ici laborieuse et démontrer la crédibilité des élus écologistes en responsabilité.
Depuis dix-huit mois, EELV dispose à Lyon d’une majorité confortable à l’Hôtel de ville comme à la Métropole. De quoi se confronter à l’exercice du pouvoir, à ses controverses et ses choix cornéliens. L’agenda est ambitieux : expérimentation d’un revenu de solidarité jeune, planification d’un réseau de 355 kilomètres d’« autoroutes à vélos », doublement des transports en commun, rénovation thermique à marche forcée… « Nous ambitionnons d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2030, assure le maire de Lyon Grégory Doucet, nous avons une capacité d’agir inégalée, et nous l’utilisons pleinement. »

Rediffusés par un triangle d’écrans géants, les maires de Strasbourg et Poitiers — Bordeaux échouant à tenir la liaison — appuient le trait en détaillant l’application de leurs programmes. Éric Piolle, le maire de Grenoble, les écoute depuis les travées avec un sourire. Des expériences « aux manettes » que Yannick Jadot souhaite prendre en exemple pour gravir l’Élysée. « Un écolo doit toujours faire plus sérieux et crédible, car c’est là-dessus qu’on le remet en cause », glisse son entourage.
« L’écologie peut apporter l’équivalent d’un 13ᵉ mois en s’attaquant aux dépenses contraintes »
Pour démontrer le sérieux qui l’anime, Yannick Jadot a égrené son « projet des possibles » devant l’assemblée lyonnaise. Au total, 120 propositions et une devise : « Réparer, protéger, préparer. » Avec pour objectif de baisser de 55 % les émissions de gaz à effet de serre, le député européen veut manier de concert environnement et justice sociale : « L’écologie peut apporter l’équivalent d’un 13ᵉ mois en s’attaquant aux dépenses contraintes. » À savoir : celles provoquées par la hausse du prix des énergies fossiles qui se répercute sur le porte-monnaie des Français.
Côté fiscalité, il promet « la règle d’or climatique appliquée aux dépenses publiques » : arrêt et réaffectations des 18 milliards d’euros de subventions à l’égard des énergies fossiles, impôt de solidarité sur la fortune climatique, modulation de la TVA sur les produits bio, Smic revalorisé à 1 500 euros net, et revenu citoyen de 918 euros dès 18 ans. « Le bonus malus fiscal écologique, ce sera notre règle pour tous les impôts. Les sociétés les plus vertueuses paieront moins, les plus polluantes paieront plus », assène le candidat écologiste.

Pour épauler les 5,6 millions de familles en situation de précarité énergétique et éliminer les émissions de gaz à effet de serre du parc immobilier, Yannick Jadot prévoit d’investir 10 milliards d’euros par an dans la rénovation thermique. Un coup triple selon l’écologiste : « L’isolation permettra de réduire la facture des ménages les plus modestes de 700 euros par an. Cela réduira de 18 % nos émissions de gaz à effet de serre, et créera 100 000 emplois. » Sur le flanc des énergies, l’ancien directeur de Greenpeace n’en a pas encore fini avec l’atome. S’il entend abandonner les projets d’EPR et supprimer dix réacteurs d’ici 2035 pour atteindre l’équilibre entre nucléaire et renouvelables, le calendrier de fermeture de la filière reste vague : « Quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans peut-être. »
Fin des ventes de véhicules thermiques en 2030
Yannick Jadot s’affirme ambitieux sur les transports. Lui président, la vente de véhicules thermiques sera interdite d’ici 2030. S’il comprend que « dans beaucoup de territoires, on ne peut pas se passer de la voiture », le candidat veut proposer des alternatives : 5 milliards d’investissement pour étendre les lignes desservies, 4 milliards investis par an sur le ferroviaire, baisser la TVA de 5,5 % sur les transports collectifs, augmenter de 500 millions d’euros par an le fonds vélo… « Le résultat : une division par 4 de l’impact carbone des véhicules particuliers et des utilitaires en France », anticipe-t-il.

Pour renforcer les services publics dont la crise sanitaire a souligné les carences, Yannick Jadot prévoit de recruter 200 000 fonctionnaires, infirmiers et policiers, et d’augmenter la rémunération des enseignants de 20 %. Pour résorber les déserts médicaux, il projette de limiter les nouvelles installations de médecins dans les secteurs déjà bien couverts. « Un médecin ne pourra s’y installer que lorsqu’un autre médecin du territoire cessera son activité, détaille-t-il, nous mettrons en place une obligation d’effectuer la dernière année d’études médicales et les deux premières années d’exercice dans les territoires peu densifiés. »
Une Primaire populaire qui agace
Dans les allées du meeting, l’ombre de la Primaire populaire pèse sur les militants. Plusieurs témoignages ébauchent une ambiance « morose » ces dernières semaines au sein de la campagne. « On a déjà fait notre primaire, je ne vois pas pourquoi nous participerions à une autre primaire que celle lancée », s’agace Zemorda Khelifi, vice-présidente de la Métropole de Lyon et élue municipale à Villeurbanne. « C’est difficile d’activer une dynamique tant qu’elle n’est pas achevée », souffle Lucie, une militante lyonnaise. Certains espèrent que son processus de sélection, qui consiste à noter les candidats sur une échelle graduée de « très bien » à « insuffisant », rendra le vote illisible.
Les ralliements au profit de Jean-Luc Mélenchon créent également des tensions. Ancienne chargée de campagne aux Amis de la Terre, l’activiste pour le climat Alma Dufour a rallié le parlement de l’Union populaire le 21 janvier. L’ancienne porte-parole des jeunes écologistes, Claire Lejeune, l’a rejoint quelques jours plus tard. Le déficit de traction se fait sentir en interne. « Il n’y a que trois choses qui intéressent les médias : la dynamique, bonne ou mauvaise, le clash, ou l’originalité. Avec Jadot, on est sur le fond. Il y a un programme, c’est plus dur d’accrocher dessus », observe une cheville ouvrière de la campagne.

Beaucoup veulent faire du rendez-vous lyonnais un tournant gagnant. « Il faut espérer que ce meeting relance le mouvement. Il y a de bonnes idées. Ça change du vide à droite et chez Macron, qui ne proposent rien de nouveau, si ce n’est les mêmes idées depuis 30 ans », tacle Jean-Charles Kohlhaas, vice-président chargé des transports à la Métropole de Lyon. « La campagne commence maintenant. On a présenté un projet, maintenant les gens vont pouvoir se renseigner, c’est concret », se persuade Hugo Dalby, conseiller métropolitain EELV.
Confronté à des sondages qui les placent entre 5 et 7 % d’intentions de vote, le chemin vers « les jours heureux » semble encore long pour les écologistes. Pas de quoi décourager Yannick Jadot, qui assure pouvoir « transformer l’espoir en victoire ». Épaulé par les maires de quatre métropoles de premier plan, il assure : « Notre programme montre que nous sommes prêts à gouverner. »