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À Besançon, « la lutte pour des jardins populaires, c’est une lutte des classes »

Une banderole est déployée sur la façade de la chambre d’agriculture du Doubs et du Territoire de Belfort avant le départ de la manifestation et la reprise des terres.

Les premières assises nationales des jardins populaires en lutte se sont tenues ce week-end à Besançon. Les jardiniers y ont défendu la rénovation des logements face aux nouvelles constructions destructrices des jardins, souvent les derniers espaces urbains à échapper au béton.

Besançon (Doubs), reportage

Un an après la marche qui avait lancé ici même les mobilisations nationales des « soulèvements de la terre », environ 200 personnes se sont de nouveau réunies ce 2 avril à Besançon « contre la bétonisation des Vaîtes ». Ni le froid ni la neige n’ont entamé leur détermination à « reprendre les terres » toujours menacées par un projet d’écoquartier.

Après la suspension des travaux par la justice dans une procédure toujours en cours, et après une convention citoyenne très critique, la municipalité Europe Écologie-Les Verts (EELV) a récemment revu à la baisse l’étendue des zones à urbaniser de ce projet datant de plusieurs dizaines d’années. Toujours inacceptable pour Les Jardins des Vaites, Extinction Rebellion, la Confédération paysanne et l’ensemble des organisateurs qui se battent pour l’abandon définitif du projet et empêcher toute artificialisation de terres de qualité remarquable situées en cœur de ville.

La neige n’aura pas empêché ces jardiniers de préparer une parcelle. © Felix Matosso / Reporterre

Juste à côté de barres d’immeubles déjà anciens, un tracteur flanqué d’une banderole de la Confédération paysanne travaille le sol d’une parcelle encore préservée, mais plus cultivée, de l’ancienne ceinture maraîchère de Besançon. Sur les plans de l’écoquartier revisité, cette friche devient un parking. Pour conjurer ce sort, en une matinée, des planches de patates, d’échalotes, d’oignons, de fèves et de pois sont tracées, un cabanon pour entreposer des outils est monté et une petite clôture mise en place pour délimiter la zone d’installation d’une maraîchère.

Pendant que cette parcelle est ouverte à la culture, l’annonce de la création d’une Amapirate est lancée avec l’objectif de fournir 30 paniers hebdomadaires pour les habitants du coin et montrer qu’une production alimentaire pérenne est possible, et souhaitable, ici. Juste à côté, un espace de jardins populaires est créé. « Les jardins ne pourront pas tout résoudre, affirme Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, mais ils représentent un enjeu pour la reconnexion avec la saisonnalité, avec la connaissance de la production alimentaire, d’éducation autour de l’alimentation et l’accessibilité à des produits frais et de qualité. »

La joie des semis

Pour Louise, membre d’Extinction Rebellion, qui s’est rendu compte que le jardinage n’était pas « un truc de mamie », contrairement à ce qu’elle pensait encore il y a peu, cela représente aussi autre chose. « J’ai été étonnée de voir à quel point le fait de faire pousser mes semis me donnait beaucoup de joie et d’enthousiasme. Face à l’écoanxiété, à l’effondrement de la biodiversité, c’est important de se reconnecter au vivant. »

Et ce jour, en plus de la reprise de la terre, la question de la défense des jardins menacés par des projets d’urbanisme est centrale avec l’ouverture des assises nationales des jardins populaires en lutte. « Nous sommes venus jusqu’aux Vaites pour ces assises, parce que nous pensons qu’il faut une lutte collective », s’enthousiasme Dolores, des jardins d’Aubervilliers, venue avec plusieurs amis, tous ravis de partager leur joie d’avoir gagné les recours juridiques contre la construction d’une piscine olympique sur l’emplacement de jardins populaires.

« On est confronté aux mêmes problèmes »

« L’idée, c’est que l’on est confronté aux mêmes problèmes, que nous avons des luttes analogues », explique Rudolphe, des Lentillères à Dijon. Il s’agit de mutualiser nos expériences, voir quels sont nos points communs, nos différences, faire ensemble l’inventaire de la palette d’actions possibles, voir comment s’organiser pour partager et rendre visibles nos luttes. » Au programme des assises, plusieurs thèmes abordés : questions juridiques, actions possibles sur le terrain, communication face aux arguments des promoteurs ou des municipalités, etc.

La création d’une Amap a été annoncée en même temps que la mise en culture d’une parcelle. © Felix Matosso / Reporterre

« Ce sont toujours les mêmes arguments, ils parlent de la nécessité de densifier, nous disent que nous sommes issues de catégories sociales privilégiées et que l’on s’oppose au nouveau standing d’habitation des classes populaires », poursuit Rudolphe, tout en les réfutant et se félicitant que leurs actions obligent les pouvoirs publics à les écouter. Une dynamique qu’il souhaite renforcer avec ce nouveau collectif.

« Le fond de la question, c’est que la construction de logement est plus rentable que la rénovation »

Il faut sortir de nos problématiques locales. La problématique est globale et cette coalition nous aidera à porter nos revendications au niveau national », ajoute Claire Arnoux, coprésidente des Jardins des Vaîtes à Besançon, qui accueille cette première session des assises des jardins populaires en lutte. Outre Besançon, Aubervilliers et Dijon, des représentants de jardins menacés et en lutte de Lille, de Rouen et de Tourcoing étaient présents.

« Le fond de la question, c’est que la construction de logement est plus rentable que la rénovation et que les derniers espaces non bétonnés en ville, bien souvent, ce sont les jardins populaires. C’est là que nos élus décident d’implanter diverses infrastructures », résume Claire Arnoux. Elle n’en peut plus du slogan repris à tout-va « l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ». Pour elle, l’utilité écologique et sociale de ces jardins ne fait aucun doute, « la lutte pour des jardins populaires, c’est une lutte des classes ».

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