A Sivens, l’émouvant hommage rendu à la mémoire de Rémi Fraisse

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SivensDes moments de recueillement ont été organisés dimanche 25 octobre, en hommage à Rémi Fraisse, jeune naturaliste tué par un gendarme voici un an à Sivens. Malgré l’interdiction de se rassembler sur le lieu de sa mort, plusieurs centaines de personnes ont pu se rendre sur l’ex Zad du Testet. Reportage.
- Sivens (Tarn), reportage
Le point de rendez-vous a été fixé sur le parking d’un centre commercial de Gaillac à 12h précises. Bravant l’interdiction de manifester édictée par la maire de Lisle-sur-Tarn, 350 personnes sont réunies dans une brume matinale qui peine à se dissiper. A cinquante kilomètres de là, un rassemblement « légal » est sur le point de débuter à Plaisance-du-Touch, ville de la banlieue toulousaine où Rémi Fraisse a grandi.
Sur le parking de Gaillac, les opposants au projet de barrage sont pourtant décidés : « J’ai les boules, je ne comprends pas cette interdiction », souffle un Toulousain qui n’aurait manqué ce rendez-vous pour rien au monde. Appuyée sur une béquille, Viviane a elle aussi tenu à venir : « Un hommage à Rémi, ça ne peut se faire qu’à Sivens » dit-elle. Des proches de Rémi Fraisse sont présents eux aussi.

L’arrivée du secrétaire général de la préfecture du Tarn fait sensation. Par « souci d’apaisement », la préfecture a décidé de tolérer le rassemblement au Testet . Les questions fusent : « Et si les pro-barrages sont là, qu’est-ce qu’on fait ? », « On y va à pied ou en voiture ? » Une assemblée générale se tient à même le bitume. Les participants s’engouffrent dans leurs véhicules. Roulant au pas, une centaine de voitures parcourent la quinzaine de kilomètres qui sépare Gaillac de Sivens, en passant sous le nez des gendarmes déployés tout autour de la Zad.
Le convoi arrive à la Maison de la forêt de Sivens, qui surplombe la zone humide du Testet. C’est là qu’aurait dû partir la marche pacifique finalement interdite. La brume se lève. Après avoir pique-niqué, les participants descendent à pied sur la Zad. « Avant le 26 octobre 2014 : arbres abattus. Après le 26 octobre 2014 : Rémi, 21 ans, abattu » : Guy a apporté la banderole confectionnée le lendemain de la mort du jeune naturaliste. « C’est malheureux qu’elle serve encore », confie-t-il, ému.

Au creux de la vallée du Tescou, une nouvelle fleur a poussé en début de semaine dernière. En toute clandestinité, une sculpture a été installée par le collectif La Pelle masquée sur la « zone de vie » défendue sur les forces de l’ordre la nuit de l’homicide de Rémi. Dans un silence quasi-religieux, le cortège se regroupe autour la main géante en pierre surmontée d’un globe terrestre en fer. Fuyant les caméras et les flashs des photographes, la mère et la sœur de Rémi se tiennent un peu à l’écart.

Munis d’un mégaphone, des intervenants lisent des poèmes. « Nous sommes nombreux, et nous n’avons pas oublié », dit l’un d’entre eux, un œil sur la sculpture. Rémi, 77 ans, s’avance pour prendre la parole d’une voix tremblante : « Je suis un ancien paysan productiviste, nous nous sommes trompés pendant des années », déclare-t-il.
Les partisans du barrage, qui avaient empêché le rassemblement en déposant eux aussi des demandes de manifestation, ne se font pas voir. Sur la base de chantier où étaient positionnés les gendarmes mobiles la nuit du 25 au 26 octobre 2014, des tomates ont poussé. Partout autour, la végétation a repris ses droits. Le dessin d’une renoncule, la fleur étudiée par Rémi, est posée sur un petit autel. « Ca fait bizarre de revenir ici » murmure un ancien zadiste, expulsé le 6 mars dernier, « ça remue plein de souvenirs ».
C’est ici, sur la dalle d’argile que le jeune homme de 21 ans est mort sur le coup et a été trainé sur une vingtaine de mètres. Muni de sa pancarte « On éteint pas le soleil en lui tirant dessus », Helios affiche un large sourire : « Nous avons eu raison de ne pas céder aux intimidations et de maintenir ce rassemblement, cela montre que quand nous sommes nombreux, nous pouvons faire des choses », constate-t-il.

Une partie des personnes rassemblées à Plaisance-du-Touch ont rejoint la Zad de Sivens pour un hommage émouvant et paisible : « Ca ne pouvait pas se passer autrement », conclut Laurent.