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Luttes

Au Nevada, la lutte contre une mine de lithium et le mirage de l’économie verte

Depuis mi-janvier, deux activistes étasuniens campent sur un plateau venteux du Nevada, à Thacker Pass, pour faire obstacle à un projet de mine de lithium. Ce métal joue un rôle essentiel dans l’économie « verte », mais son extraction condamnerait un écosystème entier.

Le 15 janvier dernier, Max Wilbert, militant de Deep Green Resistance, et Will Falk, écrivain et avocat, sont partis pour Thacker Pass, dans le Nevada. Ils ont monté leurs tentes sur un plateau boueux ouvert à tout vent, une vaste fruticée d’armoises sèches, où vivent de nombreuses espèces adaptées à cet environnement difficile, notamment des oiseaux. En cette saison, les températures tombent à -30 °C la nuit.

Ce jour-là, le Bureau of Land Management (BLM) des États-Unis, l’administration qui gère cette terre fédérale, venait d’approuver le projet de la société canadienne Lithium Americas Corp., cela grâce aux dernières décisions de destructions autorisées par l’administration Trump qui, ce jour-là aussi, a ajouté l’exploitation minière à la liste des industries qui peuvent bénéficier d’une procédure d’autorisation accélérée.

Un grand nombre d’espèces animales et végétales sont menacées

Max et Will ne sont pas venus pour faire du tourisme. Ils défendent ces terres sauvages contre un projet de mine de lithium qui détruirait près de 2.500 hectares de terres. La mine géante à ciel ouvert mesurerait plus de 520 ha, auxquels s’ajouteraient une usine de traitement de l’acide sulfurique et des montagnes de résidus plus ou moins toxiques. L’opération consommerait dix millions de litres d’eau et 98.500 litres de carburant diesel par jour. Lithium Nevada affirme que sa mine sera neutre en carbone, et servira l’économie verte qui a besoin de lithium à cause de la demande croissante pour les batteries de véhicules électriques et les systèmes de stockage d’énergie, petits et grands. La mine promet aussi jusqu’à mille emplois pendant sa construction et trois cents emplois permanents pendant les quarante-six ans que durerait son exploitation.

La tente de Max Wilbert et Will Falk. La nuit, les températures peuvent descendre jusqu’à - 30 °C.

Mais les dommages écologiques sur ce fragile paysage dépasseraient, eux, les perspectives humaines, car il serait détruit. Un grand nombre d’espèces animales et végétales sont menacées, notamment le tétras des armoises (Centrocercus urophasianus), le lapin pygmée (Brachylagus idahoensis), la truite fardée de Lahontan (Oncorhynchus clarkii henshawi), une espèce d’escargot endémique en danger, connue sous le nom de Pyrg de la rivière Kings, le « big sagebrush » (Artemisia tridentata), et le sarrasin de Crosby, pour ne citer que celles qui sont importantes localement. L’aigle royal (Aquila chrysaetos), l’antilope pronghorn (Antilocapra americana) et le mouflon d’Amérique (Ovis canadensis) sont également présents dans ce secteur.

Max et Will craignent que le plan climatique de Joe Biden ait pour effet d’accélérer les projets de mines de lithium comme celui-ci. Ils expliquent que « les voitures électriques auxquelles est destiné le lithium de cette mine ne sont pas une solution : les batteries ne sauveront pas la planète. La seule solution est de réduire le nombre des voitures ». Ils estiment que l’économie verte est un leurre, et alertent sur la crise de la diversité du vivant, dont on parle trop peu, tout aussi grave que la crise climatique. Ils font remarquer qu’au cours des cinquante dernières années, la Terre a perdu presque les deux tiers de sa faune et de sa flore sauvage, principalement à cause de la destruction des terres. Ils veulent faire comprendre que les humains ne peuvent pas continuer à détruire des habitats importants pour les animaux et les plantes sans faire s’effondrer tous les écosystèmes.

L’abandon immédiat du projet et la création d’une zone protégée 

Will et Max se disent prêts à rester en place et à bloquer physiquement toutes les activités de construction, d’exploitation minière et de construction de routes jusqu’à ce que Lithium Americas abandonne son projet de développement de la mine. Ils réclament l’abandon immédiat du projet et la création d’une zone protégée à Thacker Pass, réservée aux générations futures, à la faune et à la flore, y compris le pygargue de Kings River, et la préservation de la qualité de l’eau ; et des excuses sincères de la part de Lithium Americas Corp. pour avoir prétendu que Thacker Pass est un projet « vert ».

Paysage de Thacker Pass.

Dimanche 24 janvier, Will Falk mettait sur le site de leur lutte une vidéo et un appel :

Pardonnez mes mains qui tremblent (il fait très froid à Thacker Pass aujourd’hui et les armoises sont plus photogéniques que moi). Nous avons besoin de soutien ! Lithium Americas a déjà réussi à lever 400 millions de dollars en une semaine. Si nous voulons arrêter la mine, il faut que d’autres personnes nous rejoignent ici ! Nous ne protégerons Thacker Pass, et tous les endroits menacés de la planète que si nous acceptons de prendre des risques. Il nous faut des corps pour venir se mettre avec nous face aux machines ! Pensez à ce que vous voulez faire de votre vie, la situation de la biodiversité empire d’heure en heure. Jusqu’où irons-nous pour la sauver ? »


POUR ALLER PLUS LOIN

• Le site internet où est fait le récit de l’occupation

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