Au nom des JO, l’aéroport de Beauvais va s’agrandir

Les opposants à l’extension de l’aéroport de Beauvais-Tillé demandent une évaluation de l’impact sanitaire et environnemental de son activité. - Twitter/Karima Delli
Les opposants à l’extension de l’aéroport de Beauvais-Tillé demandent une évaluation de l’impact sanitaire et environnemental de son activité. - Twitter/Karima Delli
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Luttes Transports JO 2024Nuisances sonores, conséquences sur la santé et le climat... Près de 300 manifestants ont dénoncé le 24 juin l’augmentation annoncée de l’activité de l’aéroport de Beauvais-Tillé.
Beauvais (Oise), reportage
« Les avions passent… la planète trépasse. » Munis de banderoles, près de 300 manifestants ont marché samedi 24 juin dans les rues de Beauvais (Oise), à l’appel de l’Association de défense de l’environnement des riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé (Adera), pour s’opposer au projet d’extension de l’aéroport.
Sous un soleil de plomb, ils se sont retrouvés devant le siège du Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT). Le propriétaire de l’infrastructure aéroportuaire cherche un nouveau gestionnaire dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public d’ici début 2024 : un marché de quatre milliards d’euros qui ouvre la voie à un doublement de l’activité de l’aéroport à l’horizon 2050, annonce la presse locale.
Alors que le précédent contrat de délégation faisait déjà l’objet d’un « manque de contrôle » et de « nombreuses irrégularités », le développement de l’activité est envisagé sans « véritable stratégie connue et claire », avec un cahier des charges dont les principaux éléments « ne sont pas encore définis », a épinglé la chambre régionale de la Cour des comptes dans un rapport publié le 20 juin.
Un manque de lisibilité que dénoncent également les opposants à l’extension de l’aéroport, contraints de se fier aux déclarations des élus du SMABT et de sa présidente, Caroline Cayeux, également à la tête de l’Agglomération de Beauvaisis et éphémère ministre du gouvernement d’Élisabeth Borne.
L’aéroport fait décoller les décibels
« Avec les Jeux olympiques, ils attendent 40 000 mouvements [atterrissages et décollages] en 2024 et à terme au moins 50 000 mouvements et huit millions de passagers », résume Dominique Lazarski, présidente de l’association Adera. À ce jour, l’aéroport enregistre 29 000 déplacements par an et plus de quatre millions de passagers.
Plusieurs travaux seraient envisagés pour augmenter ses capacités : agrandissement de l’aérogare, constructions de parkings à étages et d’un « taxiway » le long de la piste en vue d’augmenter la cadence des vols. L’entrepôt logistique de 110 000 m2 qui doit prochainement ouvrir ses portes à proximité de l’aéroport fait aussi craindre l’arrivée de vols cargo « plus bruyants et plus polluants ».

Ces perspectives inquiètent les riverains, déjà excédés par « les nuisances sonores et olfactives, et la pollution de l’air ». Ils décrivent un bruit « infernal » jusque tard le soir et parfois au-delà du couvre-feu nocturne, récemment assoupli. « Certaines heures, on peut avoir un avion qui passe toutes les cinq ou dix minutes », s’agace Eugénie. Les niveaux des décibels sont tels qu’ils vont jusqu’à « déclencher le babyphone, même fenêtres fermées », décrit la mère de famille.
« C’est l’espérance de vie des riverains à proximité des aéroports qui est menacée », alerte Pierre Sassier, médecin généraliste retraité, signataire d’une tribune dans Le Monde, venu soutenir la mobilisation à Beauvais. Selon une étude de l’université Gustave Eiffel, l’exposition au bruit des avions augmente fortement la mortalité par maladie cardiovasculaire.
Un projet « inadmissible, inutile et chaotique »
« À l’école, les maîtresses nous disent qu’elles sont parfois obligées de s’arrêter en plein milieu parce que c’est trop bruyant au passage d’un avion. Et puis, les enfants respirent l’air dans la cour », soupire Bénédicte. Françoise a quant à elle rejoint le cortège avec un chiffon noirci : « C’est ce que je récupère sur mes velux quand je les nettoie. » La maire de Tillé, Catherine Martin, signale les odeurs persistantes de kérosène liées à la présence de l’aéroport sur sa commune.
Son conseil municipal vient de voter une motion, à l’instar de deux communes voisines, dénonçant les nuisances et une extension de l’aéroport « incompatible avec l’urgence climatique ». À la mairie de Beauvais, les élus de gauche et écologistes vont également soumettre une motion qui sera débattue au prochain conseil municipal. Tous réclament un plafonnement du nombre de mouvements d’avions à 32 000 par an (la limite fixée dans le Plan d’exposition au bruit), une extension des horaires du couvre-feu, une interdiction des vols cargo et une évaluation des conséquences environnementales de l’activité de l’aéroport.
« Il faut que cette lutte locale devienne un enjeu national et européen », proclame l’eurodéputée (EELV) et présidente de la commission transports au Parlement européen, Karima Delli, venue afficher son opposition à un projet « inadmissible, inutile et chaotique », contraire aux objectifs européens du Pacte vert, visant la neutralité climatique d’ici 2050.
À l’appui d’élus locaux et écologistes s’ajoute désormais celui d’une trentaine d’enseignants-chercheurs spécialistes des enjeux climatiques qui ont adressé une lettre au maire de Beauvais et à la présidente de l’Agglomération du Beauvaisis. Ils redoutent une hausse des émissions de 800 000 tonnes de CO2eq par an, si l’objectif de huit millions de passagers est atteint. « Cette lutte n’est pas seulement un combat de riverains, c’est un enjeu climatique global d’intérêt général », conclut l’un des chercheurs signataires.