Aux États-Unis, les jeunes démocrates entre espoir et résignation

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Monde PolitiqueUn seul gagnant pour l’instant, le suspense. Et le scénario de l’élection présidentielle étasunienne redouté par beaucoup a bien lieu : le président sortant veut contester le scrutin devant les tribunaux. Plus que le résultat des urnes, c’est ce qui effraie de jeunes électeurs qui ont voté pour Joe Biden.
- Montréal (Québec, Canada), correspondance
Juste avant l’élection, Andrew, coordonnateur du mouvement « Les étudiants avec Biden » à l’université du Michigan, ne laissait pas de place au doute : « Joe Biden est le candidat qui peut nous amener à un avenir meilleur, et il va battre Trump. » Ce matin, le sourire du jeune homme de 19 ans s’est envolé. « Je suis encore optimiste, mais de moins en moins. Nous verrons. »
La vague bleue [1] qu’il espérait ne s’est jamais formée. Même si le candidat démocrate disait encore ce matin être en « bonne voie pour gagner l’élection », il reste bien des inconnues. Des États clés ciblés par Joe Biden, comme l’Ohio, sont restés dans l’escarcelle du président sortant et la course est très serrée dans plusieurs autres États cruciaux, comme le Michigan. Plusieurs médias étasuniens utilisent l’expression « nail-biter » pour décrire la course en cours, une élection où l’on se ronge les ongles, en attendant.
Pour l’emporter, un candidat doit obtenir le soutien d’au moins 270 des 538 grands électeurs du collège électoral. Leur nombre est fixé notamment selon le poids démographique de chaque État. À 17 h (heure française), Joe Biden avait une courte avance. Mais les doutes sur l’identité du futur locataire de la Maison-Blanche risquent de s’éterniser car le Nevada, un État important, ne publiera pas de nouvelle mise à jour de ses résultats avant jeudi matin, 9 h.
Lindsay, 24 ans, s’est tournée vers Joe Biden par dépit après avoir pris part à la campagne de Bernie Sanders lors des primaires. « Je voulais m’abstenir jusqu’au dernier moment. » Elle a finalement pu voter pour le parti Vert et pour Joe Biden, grâce à un système de vote particulier dans le Maine, où elle vit. « Je pense que Biden est une marionnette. Mais le changement climatique est la seule chose qui compte pour moi, donc je devais voter. Et aussi, je suis une femme et j’ai peur pour le droit à l’avortement, peur de ne pas pouvoir en avoir un dans un centre familial. Je pense que c’est pour cela que j’ai mis le nom de Biden. J’aurais bien pu ne pas mettre. Je l’ai fait aussi pour mes amis et pour la santé de ma planète. » Joe Biden propose dix millions de nouveaux emplois dans l’énergie verte pour lutter contre le changement climatique et compte faire des États-Unis un pays carboneutre d’ici 2050.
« Je suis inquiet des troubles que l’on va vivre dans les mois qui viennent
Assez confiante les jours précédents l’élection, Lindsay était sur les nerfs la soirée de mardi et n’ose plus prédire une victoire démocrate. « Je suis modérément optimiste, l’équation semble encore possible pour Biden, mais ce n’est plus que de la spéculation », avant d’ajouter qu’elle n’a en revanche aucun doute sur le fait que Donald Trump ira défendre son point de vue sur le scrutin devant la Cour suprême.
Car le président sortant estime avoir déjà gagné l’élection et souhaite tenter de mettre fin au décompte de bulletins de vote, frauduleux selon lui. L’équipe de Biden dit avoir des équipes de juristes mobilisées pour empêcher cela. Seth, électeur démocrate originaire de Caroline du Nord, espère toujours que les votes envoyés par courrier, qui mettent du temps à être tous comptés à cause de leur nombre record, soient en faveur de l’ancien vice-président de Barack Obama. « S’il n’y a pas de contestation en justice du dépouillement, je suis plutôt confiant. Mais le décompte pourrait être combattu [par les républicains] et cela m’effraie. »
Plus que le dépouillement, ce qui angoisse Seth, ce sont les risques que l’incertitude s’allonge et que la tension dégénère en violences dans les rues. « Je suis inquiet des troubles que l’on va vivre dans les mois qui viennent et je me prépare à combattre toute forme de violence. C’est une période stressante. Mais si Biden gagne, il faudra, à gauche, que l’on mette de la pression sur les démocrates pour que la couverture médicale universelle soit mise en place, et que de véritables politiques environnementales soient enclenchées. »
Les 18-35 ans représentent un tiers des électeurs du pays. Lors des mid-term de 2018, qui renouvellent la chambre des représentants et un tiers du Sénat, ils ont voté deux fois plus que lors des élections présidentielles de 2016, et en grande majorité pour les démocrates. Au dernier scrutin présidentiel, les plus de 50 ans avaient grandement contribué à l’élection de Donald Trump. Andrew, Seth et Lindsay espèrent que leur génération s’est bel et bien rendue aux urnes pour décider de l’avenir du pays.