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ReportageLuttes

« Ce ne sont que des tentes » : les opposants à l’A69 réfutent l’idée d’une zad

À Vendine, sur le tracé du projet d’autoroute Toulouse-Castres, les militants ont installé un camping pour lutter contre les abattages d’arbres. Ils sont formels : ce n’est pas une zad, contrairement à ce qu’affirme Gérald Darmanin.

Vendine (Haute-Garonne), reportage

Les quelques tentes qui longent l’alignement de platanes de Vendine (Haute-Garonne) passent presque inaperçues pour les automobilistes empruntant la nationale 126. C’est ici, dans un champ, qu’un campement a pris forme depuis un mois, symbole de la contestation au projet d’autoroute entre Castres et Toulouse. Plusieurs pancartes sont accrochées aux arbres. Sur la souche d’un platane fraîchement abattu, une inscription : « Adieu mon bel ami. »

Les travaux de l’autoroute A69 ont démarré le 6 mars avec l’abattage d’arbres le long du tracé. Les premières tentatives de militants écologistes pour s’opposer à ces actes ont été vaines. À Vendine, l’activiste tarnais Thomas Brail a pu sauver plusieurs platanes en s’accrochant en haut d’un arbre, au grand dam des gendarmes qui n’ont pu le déloger.

Pour stopper l’autoroute Toulouse-Castres, l’activiste Thomas Brail se suspend à des platanes centenaires à Vendine. © AFP / Valentine Chapuis

Le fondateur du Groupement national de surveillance des arbres est resté perché dix jours 24h/24, dormant dans une tente suspendue aux branches. Son acte lui a valu le soutien chaleureux des opposants au projet d’autoroute. D’autres grimpeurs, surnommés les « écureuils », lui ont tenu compagnie puis l’ont remplacé pour s’assurer que les abatteuses ne finissent pas le travail.

« C’est pour ça qu’a été créé le campement : pour soutenir les écureuils et s’assurer qu’ils n’aient besoin de rien », explique Rhino [*], une jeune cordiste présente sur place le 19 avril. Elle a pris place dans un champ exproprié par le concessionnaire Atosca, où des fouilles archéologiques préventives ont laissé des trous béants dans la terre.

Le campement, inauguré le 7 avril, a été appelé le « camping des platanes ». © Anouk Passelac / Reporterre

« On cherche à nous stigmatiser »

Les tentes abritent de quoi boire, manger et se chauffer. Chaque nuit, plusieurs personnes dorment sur place. L’ambiance est conviviale, à l’image de l’inauguration le 7 avril du campement appelé le « camping des platanes », qui a réuni 300 personnes autour de concerts et d’animations.

En plus de servir de base de vie, le lieu est devenu le symbole de l’opposition à l’autoroute. « Des gens passent nous voir, pour nous aider ou nous demander si on a besoin de quelque chose », raconte Laurent Aguts, membre du collectif La Voie est libre, qui se mobilise depuis plus d’un an contre l’A69. Près de lui, un habitant de Cuq-Toulza demande des renseignements sur le prochain rassemblement, un autre, délégué syndical, discute et apporte son soutien aux forces vives.

« Ce ne sont que des tentes, pas une forteresse »

Mais ces marques de soutien ne permettent pas d’oublier les propos du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Auditionné le 5 avril à l’Assemblée nationale, ce dernier a affirmé que l’autoroute Toulouse-Castres était « le prochain objectif de l’ultragauche ». « Nous aurons des volontés d’installer des zad », a prévenu Gérald Darmanin, avant d’évoquer « des volontés de manifestations extrêmement violentes contre les forces de l’État », en référence au rassemblement prévu les 22 et 23 avril organisé avec Les Soulèvements de la Terre, dont il espère obtenir la dissolution.

Lire aussi : Descola, Damasio, Tondelier… 20 personnalités soutiennent Les Soulèvements de la Terre

Dans une lettre ouverte adressée au préfet du Tarn, le collectif La Voie est libre parle « d’allégations mensongères qui relèvent de prophéties autoréalisatrices ». « On cherche à nous stigmatiser, dénonce Laurent Aguts. Nous, on veut parler du fond du problème, pas de possibles violences. » Le militant balaie l’idée d’une zad à Vendine : « Ce ne sont que des tentes, pas une forteresse. S’ils veulent nous déloger, on ne luttera pas. »

« Des gens passent nous voir, pour nous aider ou nous demander si on a besoin de quelque chose. » © Anouk Passelac / Reporterre

Le militant insiste sur l’état d’esprit pacifiste des opposants et leurs actions qui ont toujours été non violentes. En face, pourtant, la réponse sécuritaire est jugée disproportionnée. « Au moment où Thomas Brail s’est perché dans un arbre, il y avait 10 fourgons de gendarmerie pour 20 manifestants », dit Rhino.

Présence sécuritaire disproportionnée

Guillaume, un militant d’Extinction Rebellion (XR) Toulouse, évoque également « une réponse pénale importante ». Une dizaine de personnes, dont des membres de son collectif, ont été placées en garde à vue pour s’être perchées sur des arbres ou des abatteuses afin de stopper le chantier.

L’un des militants d’XR soupçonnés d’avoir tagué les mairies de Soual et Puylaurens avec des slogans anti-autoroute est resté 48 heures en garde à vue le 6 mars : « Son logement a été perquisitionné, l’ordinateur n’a pas été récupéré mais le lieu a été mis à sac », explique Guillaume. Lui-même indique avoir été empêché de filmer des actions du collectif alors qu’il se trouvait sur la voie publique.

Les propos du ministre de l’Intérieur et l’agitation médiatique qui en ont découlé font planer l’hypothèse d’une interdiction de la mobilisation de ce week-end. Les organisateurs ont déposé leur déclaration de manifestation à la préfecture du Tarn dans les délais. En réponse, celle-ci a publié un communiqué de presse qui stipule que le préfet « prend acte du respect de la procédure qui permet de mener un dialogue constructif pour l’organisation de cet évènement. Des discussions vont maintenant pouvoir commencer avec les organisateurs pour permettre d’identifier un parcours de manifestation précis afin de garantir la sécurité de tous ».

« On espère que cela sera la plus grosse de nos manifestations, mais surtout la dernière ! » espère Laurent Aguts. Les militants réclament l’abandon total du projet.


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