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ReportageLuttes

Pour stopper l’autoroute Toulouse-Castres, il se suspend à un platane centenaire

L'activiste Thomas Brail s'est suspendu à un arbre à Vendine tôt le 21 mars 2023. Plusieurs fourgons l'ont encerclé.

Depuis le 21 mars, Thomas Brail est attaché à un arbre destiné à être abattu avec une trentaine d’autres. Ceux-ci se situent sur la future autoroute Toulouse-Castres, un projet « destructeur » que l’activiste veut empêcher.

Vendine (Haute-Garonne), reportage

C’est une petite tache orange suspendue à un platane à plusieurs mètres du sol. Thomas Brail, militant écologiste et fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), s’est suspendu à un arbre tôt le 21 mars pour empêcher son abattage et celui d’une trentaine d’autres congénères. La scène se passe sur une route départementale à Vendine en Haute-Garonne, une commune qui sera traversée par la future autoroute reliant Toulouse à Castres.

Ce projet est « désastreux » selon Thomas Brail qui, dans une vidéo publiée sur Twitter, rappelle que l’enquête publique a récolté une majorité d’avis défavorables ainsi qu’un avis négatif de l’autorité environnementale. Les opposants entament donc une course contre la montre pour freiner ces coupes jusqu’au 1er avril : l’abattage des arbres n’est autorisé que jusqu’au 31 mars — commence ensuite la période de nidification qui interdit de les toucher pendant quatre mois.

Sur l’ensemble du projet, 400 hectares de terres seront artificialisés. « 13 hectares de zones boisées sont voués à l’abattage, dont ce bel alignement de Vendine qui est remarquable », indique Thomas Brail, rappelant au passage que les arbres centenaires jouent un rôle important dans la séquestration du carbone.

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Impossible d’approcher de l’activiste : quatre fourgons de gendarmerie mobile bloquent l’accès à la route. Les militants présents sur place avant les autorités ont été repoussés à quelques dizaines de mètres. « On m’isole pour que je n’ai pas de contacts ni de nourriture », décrypte Thomas Brail. Sa sœur était pourtant venue lui apporter des chocolatines.

Thomas Brail est toujours suspendu à l’arbre tôt le 22 mars. « Moi, j’ai du temps », dit-il. © Anouk Passelac / Reporterre

« Ces arbres sont un refuge pour la biodiversité : les chauves-souris, les oiseaux, les insectes », se désespère Cendrine Froment, fondatrice du GNSA Pays toulousain, devant le cordon de gendarmes. Comme elle, une trentaine de militants est présente ce mardi après-midi et acclame Thomas Brail.

Troncs piégés et tagués

Les travaux de la future A69 ont démarré il y a deux semaines, suite à la publication des arrêtés préfectoraux de Haute-Garonne et du Tarn. Et les arbres en sont les premières victimes. Très rapidement, les opposants ont cherché par tous les moyens à stopper ces actions sans savoir à l’avance où elles avaient lieu. Des militants d’Extinction Rebellion se sont perchés dans des cèdres (trois personnes ont été placées en garde à vue). Un blocage a été organisé quelques jours plus tard pour freiner l’avancée des machines.

Une trentaine de militants sont venus soutenir Thomas Brail. © Anouk Passelac / Reporterre

Puis des activistes d’Extinction Rebellion ont planté des clous dans des arbres destinés à être abattus, tout en prévenant de leur action par des affiches. « Continuer la coupe actuelle mettra à risque l’utilisation de machines et risque de mettre en danger les employé·es », expliquait le collectif dans un communiqué. Les arbres ont aussi été tagués pour rendre les marquages d’abattage illisibles et ainsi brouiller les pistes.

Une destruction irréversible

Dans cette course contre la montre, le champ judiciaire est aussi investi. Un recours en annulation doit être déposé par plusieurs associations sur le fond du dossier de l’autorisation environnementale. L’objectif : pouvoir ensuite déposer un référé suspension afin de stopper les travaux et stopper l’abattage d’arbres, « une destruction irréversible », rappelle Laurent Aguts, membre du collectif d’opposants La Voie est libre.

Plusieurs fourgons de gendarmerie ont encerclé les militants. © Anouk Passelac / Reporterre

Dimanche dernier, un rassemblement citoyen était organisé à Vendine par La Voie est libre « pour célébrer ces platanes centenaires qu’on savait condamnés », raconte Mathilde, militante d’Extinction Rebellion. 500 personnes ont participé à des animations dans une ambiance bon enfant. « C’était très émouvant. Maintenant il faut passer à l’action », poursuit l’étudiante toulousaine, venue soutenir l’action de Thomas Brail.

Ce dernier a réalisé plusieurs actions médiatiques comme en 2019, où il était resté vingt-huit jours dans un platane devant le ministère de la Transition écologique pour protester contre des coupes abusives dans le Gers. L’action de Vendine est différente, selon le Tarnais. « Ce sont des millions d’euros qui sont en jeu et du temps perdu pour le concessionnaire », explique Thomas Brail, suspendu dans son hamac orange. Et de conclure, déterminé : « Moi, j’ai du temps. » Ce mercredi 22 mars au matin, l’écologiste était toujours perché dans le platane.

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