Reportage — Pédagogie Éducation
Ces enfants qui ont école dans la forêt

À Lirac, dans le Gard, les élèves d'une école sont dans leur seconde salle de classe : la forêt pédagogique. - © David Richard/Reporterre
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Pédagogie Éducation Alternatives ForêtsObserver les animaux, faire des bancs en rondins... Dans le Gard, des élèves ont école dans la forêt. Une salle de classe d’un nouveau genre qui crée de l’engouement en France.
Lirac (Gard), reportage
D’un pas décidé, les écoliers de Lirac se dirigent vers leur forêt pédagogique. Inaugurée il y a deux ans, la parcelle jouxte l’école de ce village de la vallée du Rhône. Aujourd’hui, les élèves de CM1-CM2 ont pour mission d’imaginer l’aménagement de ce qui deviendra leur seconde salle de classe. Avec quelques contraintes : l’infrastructure doit être éphémère et réalisée avec des matériaux recyclables peu coûteux, voire gratuits, le tout sans électricité.
Nadia Schnell-Warin, institutrice et directrice de l’école, prévoit d’y emmener ses élèves toutes les semaines. « On peut faire l’école dehors et aborder n’importe quel thème, explique la directrice. L’idée est de pouvoir aussi prendre la liberté de s’arrêter quand des oiseaux passent ou pour observer qu’un arbre a poussé. » Toute la classe semble enchantée par le projet. « J’aime bien venir ici, on entend le bruit du vent et des oiseaux », dit Lisa. « C’est soulageant d’avoir la nature à côté de nous ! » explique Erwan.

Par groupe de cinq, les élèves de Lirac se creusent la tête pour mener à bien leur mission. Un calepin à la main, certains ébauchent des plans. Tables en forme de champignons, toilettes sèches, bancs en rondins, portemanteaux sur les arbres… Les idées fusent. Ils ont encore toutes les vacances pour peaufiner leur projet d’aménagement. Après concertation à la rentrée, les élèves devront le défendre en mairie afin qu’il soit accepté.

Situé entre Avignon et Orange, Lirac est l’un des premiers villages à avoir pris part au programme Dans 1 000 communes, la forêt fait école, imaginé par la Fédération nationale des communes forestières. Les écoles se voient ainsi confier par la mairie une parcelle de la forêt communale (la forêt-école). Les élèves, généralement les CM1 et CM2, ont pour mission d’en assurer la gestion toute l’année avant de la transmettre à leurs camarades, l’année suivante. Chaque école choisit les activités qu’elle souhaite mettre en place : plantation d’arbres, production d’une pépinière, installation de nichoirs, création de sentiers découverte… Aujourd’hui, près de cent établissements font partie du programme. À terme, ils devraient être mille en France.

« Plus les élèves connaissent et s’attachent à leur milieu, plus ils auront envie de le protéger »
Si le programme séduit les petites communes, il tend à se développer dans les zones plus urbaines. « C’est plus simple à mettre en place dans les écoles de campagne, mais on va petit à petit vers les villes », explique Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières.
C’est le cas à Dax, où les élèves se sont vu confier une parcelle de quatre hectares. Pour s’y rendre, ils doivent prendre un bus. La forêt de cette ville des Landes est peu connue de ses habitants. Certains enfants ont pu la découvrir pour la première fois. « Ils y prennent goût. Ils y amènent leurs parents, vont s’y balader le dimanche… C’est comme ça que les choses vont progresser, se réjouit Martine Eridia, élue en charge du programme forêt-école sur Dax. Les messages urgents de protection de l’environnement et de sensibilisation circulent beaucoup mieux en étant en contact direct avec la nature. »

En effet, en plus d’acquérir des connaissances sur leur environnement et la gestion forestière, ces forêts-écoles permettent aux enfants de développer leur contact avec la nature. Une récente étude publiée dans Frontiers in Ecology en décembre pointait du doigt l’éloignement croissant des humains avec la nature.
Les scientifiques de cette étude démontrent par ailleurs qu’il existe une corrélation entre le contact avec la nature dès l’enfance et la tendance à développer des comportements « pro-environnementaux ». C’est ce qui a motivé Isoline Gaspard, enseignante à Lans-en-Vercors (Isère), à prendre part au programme : « On se dit que plus les élèves connaissent et s’attachent à leur milieu, plus ils auront envie de le protéger. »

Sensibiliser aux feux de forêt, un objectif partagé
À Mimizan dans les Landes, les élus ont choisi, de concert avec l’équipe pédagogique, de confier à l’école de la Plage une parcelle dévastée par les incendies d’août 2021. Les élèves ont découvert l’année dernière cette parcelle noircie par les feux de forêt. Depuis, ils participent à son reboisement en utilisant des méthodes de régénération naturelle. La mission continue cette année. La prévention contre les incendies est abordée dans chacune des forêts-écoles de différentes manières.

À Lirac, les enfants ont eu droit à une démonstration des pompiers avec camions et lance à eau. Ils ont appris par la même occasion tous les bons gestes pour éviter les feux de forêt. « On a aussi débroussaillé pour que les incendies se propagent moins vite et pour que les pompiers aient le temps d’arriver », explique Giulian, élève de CM2. De quoi faire comprendre aux élèves le travail des forestiers et leur insuffler l’envie de protéger les forêts.