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Nature

L’« expérience de la nature » menacée d’extinction

Les populations les plus éloignées de la nature vivent en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l'Est.

Nous vivons une « déconnexion » à la nature très dommageable, notamment pour les jeunes, affirment des chercheurs.

Les humains se coupent de plus en plus de la nature. On le pressentait, c’est désormais prouvé par une recherche parue en décembre dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment. Nous vivons une « extinction de “l’expérience de la nature” », assurent les scientifiques. Premier enseignement : on vit de plus en plus loin des campagnes et des forêts. La distance moyenne d’un être humain de la zone naturelle la plus proche est actuellement de 9,7 kilomètres, 7 % de plus qu’en 2000. Les populations les plus éloignées de la nature vivent en Amérique du Nord, en Europe et, dans une moindre mesure, dans l’est de l’Asie. En Allemagne, par exemple, cette distance moyenne est de 22 kilomètres, en France 16 kilomètres. Ceci peut s’expliquer par la baisse du couvert forestier en ville.

« Dans ces deux pays, on vit dans des aires urbaines entourées de moins de forêts et de plus de zones dégradées par une agriculture relativement intensive », explique Victor Cazalis, un des auteurs de l’étude, à Reporterre. « Quasiment tous les autres pays, notamment en Amérique latine, en Afrique et en Asie de Sud-Est sont en train de suivre la même voie. »

Comment quantifier la « déconnexion à la nature » ?

Comment quantifier, plus généralement, la « déconnexion à la nature » des humains ? L’équipe franco-allemande de scientifiques s’est appuyée sur une multitude d’études (hors période pandémique) déjà publiées sur le sujet. Cette revue de la littérature scientifique leur a permis d’étudier les « expériences directes de la nature, comme le nombre de visiteurs dans les parcs nationaux aux États-Unis, ou indirectes comme la présence de la nature dans les livres pour enfants », dit Victor Cazalis. Un exemple ? Une des études analysée montre une diminution de la richesse des espèces animales et de la présence d’éléments naturels dans des films Disney et Pixar depuis 1937. Cela peut s’expliquer par le fait que les créateurs de ces œuvres vivent eux-mêmes en ville. Cette diminution est « très dommageable pour les jeunes, dans leur manière d’imaginer la nature et de vouloir la préserver », affirme Victor Cazalis. « Un haut niveau d’“expérience de la nature” dans l’enfance détermine fortement la connaissance, les valeurs associées et l’attachement émotionnel à la nature des humains », écrivent les scientifiques. Une autre étude montre que « les termes liés à la nature dans les livres de fiction, les paroles de chanson, et les scénarios de film ont décliné considérablement depuis 1950 ».

Certes, nous avons accès à davantage d’informations sur la biodiversité et la crise climatique aujourd’hui, mais cela ne peut être comparé, émotionnellement parlant, à une immersion dans la nature. « Voir un documentaire sur la forêt stimule moins nos sens qu’une balade », résume Victor Cazalis. N’est-il pas paradoxal de vouloir plus d’humains dans des lieux encore préservés ? Selon le chercheur, il faudrait sacraliser des endroits uniquement dédiés à la nature, sans humains, et créer des zones dédiées à ces interactions, où l’on peut randonner par exemple. Ceci afin que « l’humain rende visite à la nature, sans que l’on installe de grosses infrastructures, que l’on bétonne, mette des barrières, du bâti… qui ont encore plus d’impact sur la nature ».

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