Climat : le nouveau plan du gouvernement ne convainc pas les écolos

Élisabeth Borne au Conseil national de la transition écologique à Paris le 22 mai 2023. - © Bertrand Guay / AFP
Élisabeth Borne au Conseil national de la transition écologique à Paris le 22 mai 2023. - © Bertrand Guay / AFP
Élisabeth Borne a présenté ses mesures pour doubler la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Des annonces peu concrètes qui n’ont pas convaincu les ONG environnementales.
Élisabeth Borne a dévoilé lundi 22 mai son plan d’action pour doubler la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), organe consultatif rassemblant parlementaires, ONG, syndicats, patronat et collectivités territoriales. « Pour atteindre nos objectifs en 2030, nous devons doubler le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre », a déclaré la Première ministre.
Une accélération nécessaire alors que le gouvernement est condamné pour inaction climatique et sommé par le Conseil d’État de prendre des mesures pour respecter ses engagements en la matière.
Malgré cette urgence, la seule grosse annonce à retenir de ces déclarations ministérielles est la répartition des contributions à réaliser par secteur : « La moitié de l’effort [de réduction des gaz à effet de serre] sera accompli par les entreprises, notamment les grandes entreprises, un quart par l’État et les collectivités, et le dernier quart par les ménages ».
Bornes électriques
La Première ministre a d’abord parlé des transports, premier poste d’émissions du territoire. Pour réduire ses émissions, l’État compte sur l’électrification du parc automobile et va installer « des bornes électriques sur tout le territoire » ce qui permettra de « de rendre accessibles ces véhicules à tous », a déclaré la cheffe du gouvernement.
Mais ce type de voitures, chères à l’achat comme à l’entretien, sont loin d’être accessibles à tous les portefeuilles comme le dit la Première ministre. De plus, elles ne sont pas écologiques. « J’ai posé une question sur les véhicules électriques car les constructeurs produisent de gros modèles qui sont très lourds. Mais je n’ai pas reçu de réponse », a commenté auprès de Reporterre Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat, présente à la réunion.
Elle a également interrogé la Première ministre à propos de la fin des niches fiscales sur le transport aérien et l’arrêt des extensions d’aéroports. « Là encore, je n’ai pas reçu de réponse sauf pour dire que le transport aérien et les autoroutes seraient mis à contribution, sans que l’on sache comment. » Le gouvernement préfère tabler sur le covoiturage, qu’il estime être « une source notable d’économies de carbone ». Le secteur de la logistique, en plein boum, devra également faire un effort. Mais là encore, aucun détail n’a été fourni.
« Nous n’avons eu aucune mesure concrète »
Dans le secteur du logement, second poste d’émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement souhaite accélérer la rénovation énergétique et le changement des modes de chauffages, avec le remplacement de millions de chaudières au fioul et à gaz. Cette dernière mesure n’est pas vraiment nouvelle : un plan d’aide financière pour changer les 11 millions de chaudières au gaz et 3,2 millions de chaudières au fioul est déjà engagé.
Quant à la rénovation énergétique, les dispositifs existants peinent à atteindre leurs cibles. « Actuellement, de moins en moins de ménages modestes utilisent le dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité car le reste à charge est trop important. J’ai posé la question à ce sujet mais je n’ai pas eu de réponse précise », continue Anne Bringault. Quant à l’agriculture, il est question de gains sur l’élevage et les engrais azotés. Mais Marc Fesneau, le ministre en charge de ce portefeuille présent à la réunion, n’a pas donné plus de détails.
Neuf autres ministres se sont rendus avec Élisabeth Borne devant le Conseil national de la transition écologique pour dévoiler des annonces qui n’en sont pas. « Au départ, cette réunion devait avoir lieu sans ministre. Seul Antoine Pellion [le secrétaire général à la planification écologique] devait faire un point d’étape. Si Élisabeth Borne a fait le déplacement avec plusieurs autres ministres, c’est peut-être pour donner un signal et montrer que la planification écologique est un sujet important au gouvernement. Mais nous n’avons eu aucune mesure concrète », déplore Anne Bringault.
Des annonces non chiffrées
D’autant que les annonces évoquées ce 22 mai n’ont pas été chiffrées par l’exécutif. « C’est plutôt un discours de la méthode, mais sans nouvelles annonces », résume Benoît Leguet, directeur général de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) auprès de l’AFP. Il pointe ainsi « deux angles morts » : les financements et la prise en compte, coûteuse, de l’adaptation au changement climatique.
Des réunions sont prévues entre ministres et acteurs concernés (énergie, agriculture, etc.), pour affiner ce plan d’ici fin juin et la tenue d’un conseil de planification écologique autour d’Emmanuel Macron. « Cela reste très frustrant, et nous attendons avec impatience le mois de juin car pour le moment nous restons sur notre faim », poursuit Anne Bringault.
Dans un communiqué de presse, Europe Écologie-Les Verts s’est déclaré « effrayé par l’absence de réelle vision et du courage politique nécessaire pour mettre en œuvre la transition ».
Taxer les riches
« Nous n’avons pas été complètement rassurés sur des points précis » a déclaré Matthieu Orphelin, directeur général de la Ligue de protection des oiseaux, à l’AFP. Il a évoqué la sauvegarde du Zéro artificialisation nette des sols, menacé de « détricotage » au Sénat, « la prise en compte de la biodiversité » dans le déploiement des renouvelables ou les « ambitions de la France sur les textes européens en cours de négociation sur la restauration de la nature » et « les pesticides ».
La veille de cette réunion, Élisabeth Borne avait reçu un rapport de France Stratégie chiffrant le coût important de l’adaptation aux objectifs environnementaux : de 250 à 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030, et jusqu’à 34 milliards d’investissement public supplémentaire par an à cet horizon. Le rapport dirigé par Jean Pisani-Ferry demande également la mise en place d’un « impôt exceptionnel et temporaire » sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés, à hauteur de 5 milliards d’euros par an.
L’un des corapporteurs de l’étude, Jean Pisani-Ferry, un économiste proche d’Emmanuel Macron, a déclaré dans un entretien au Monde que « le coût économique de la transition ne sera accepté que si les sacrifices sont équitablement répartis ».