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Climatoscepticisme dans les médias : des députés planchent sur une loi

Avec cette proposition de loi, ces députés veulent un meilleur traitement de la crise écologique dans les médias.

Pour un meilleur traitement médiatique de l’urgence écologique, des députés ont annoncé le 19 juillet à l’Assemblée vouloir déposer une proposition de loi. Reste à en dessiner les contours.

Y aura-t-il une loi pour réprimer le climatoscepticisme dans les médias ? C’est ce qu’envisage un groupe transpartisan de députés. Ils l’ont annoncé mercredi 19 juillet dans le cadre prestigieux de la Salle des fêtes de l’Assemblée nationale, lors d’un événement organisé par ces députés avec l’association Quota Climat. Le groupe, piloté par Stéphane Delautrette (Parti socialiste, PS), réunit des représentants de tous les partis présents à l’Assemblée, sauf Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN). Il va débuter des auditions en septembre dans le but de déposer une proposition de loi « relative au traitement médiatique des enjeux environnementaux », possiblement en décembre.

Selon un document diffusé par Quota Climat et l’Institut Rousseau, la proposition pourrait avoir les contenus suivants :

  • le renforcement des prérogatives de l’Autorité de régulation de la
    communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour garantir un traitement adapté sur ces sujets ;
  • l’intégration des enjeux environnementaux dans les chartes déontologiques des médias ;
  • la garantie d’un traitement de ces enjeux, en donnant à l’Arcom la possibilité d’établir des règles temporaires lors des campagnes électorales ;
  • le renforcement des moyens de lutte contre la diffusion de fausses informations sur la crise écologique sur les plateformes en ligne.

La présentation du projet, devant un public de près de 200 personnes, a pris la forme d’un débat sur la façon dont les médias traitent les questions écologiques. Pour Eva Morel, coprésidente de Quota Climat et attachée parlementaire de Sandrine Le Feur (Renaissance), « il y a encore trop de climatoscepticisme dans les médias ». De même, a relevé Laurent Cordonier, directeur de la Fondation Descartes, « le consensus scientifique sur le climat est en train d’exploser sur Twitter : ce réseau est pris d’assaut par les climatosceptiques, parfois par des comptes robotisés ».

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Et de grands médias, tel Le Figaro, continuent à ouvrir leurs colonnes à des textes remettant en cause l’analyse du Giec [1] sur le réchauffement climatique, comme récemment en juin — un article cependant contredit quelques jours plus tard par le même journal. De son côté, Olivier Aballain, de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille), a observé que « la profession n’a pas de culture scientifique », ce qui lui rend difficile « d’accepter l’idée qu’il y ait un consensus scientifique », plutôt que de jouer le jeu des opinions, « un pour, un contre ».

Des députés et journalistes réunis dans la Salle des fêtes de l’Assemblée nationale, le 19 juillet 2023. © Hervé Kempf / Reporterre

Un tournant médiatique

Mais si ces indices sont inquiétants, d’autres montrent que les choses évoluent rapidement. « L’été dernier [et sa canicule] a été un accélérateur, a dit Virginie Fichet, directrice adjointe de la rédaction à FranceTV. Nous avons lancé la formation au climat des 1 240 journalistes du groupe, un quart auront été formés en un an. Et nous avons lancé le JT Météo Climat, ce qui est une première mondiale. » Une cellule Planète a été créée dans la rédaction.

TF1 n’est pas en reste, a indiqué Christelle Chiroux, directrice adjointe de la rédaction de cette chaîne : « Depuis l’été 2022, il y a moins de déni dans la population française et nous avons franchi un chemin incroyable. À TF1, nous aurons formé tous les journalistes d’ici 2024. » De même, indique Laurent Cordonier à Reporterre, la profession commence à se réguler, notamment à travers la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.

Une loi alors est-elle nécessaire ? Anne-Sophie Novel, journaliste indépendante, a souligné qu’« il est plus urgent d’offrir des garanties à la presse de pouvoir exercer son métier en liberté ». Elle a ainsi rappelé les cas d’intimidation ou les menaces physiques contre les journalistes traitant d’environnement, les poursuites-bâillons ou les poursuites juridiques, les poursuites en diffamation : « C’est la réalité de notre quotidien. » Par ailleurs, « il y a un problème structurel très important dans la presse, a-t-elle poursuivi, dont témoigne le cas du Journal du dimanche » — celui-ci risque de se voir imposer par sa direction (les groupes Lagardère et Bolloré) un directeur d’extrême droite.

De son côté, Laurent Cordonier a aussi indiqué qu’« à titre personnel, [il] ne pense pas que la loi soit une bonne idée ». Comme il l’a précisé hors séance à Reporterre, « ce n’est pas en imposant le climat aux rédactions qu’on aura un effet positif, ou en encadrant encore plus la ligne des médias. La profession commence à s’autoréguler, il ne faut pas endommager la liberté démocratique ».

Le coordinateur du groupe, le député Stéphane Delautrette, indique à Reporterre que rien n’est décidé : « On va lancer les auditions et se forger une opinion, et voir si l’on déclenche une proposition de loi. Intuitivement, je pense que cela peut être utile. Mais on ne va pas reprendre point par point la proposition de Quota Climat. » Pour M. Delautrette, « sur la formation, sur la quantité d’informations, il y a des choses à explorer. Et voir si l’on peut se nourrir des expériences réussies ». Il observe aussi un élément non prévu au départ, et qui est ressorti du débat du 19 juillet : « Si on fait évoluer les choses, il ne faut pas perdre de vue que tout est lié au modèle économique de la presse. »

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