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OGM

Colza et tournesol OGM bientôt interdits en France ?

Suite à l’avis du Conseil d’État, le gouvernement a neuf mois pour interdire les semences de tournesol et de colza obtenues par mutagenèse, désormais considérées comme OGM. Problème : les semenciers n’indiquent pas toujours cette mutation génétique et la traçabilité est inexistante.

Vendredi 7 février, le Conseil d’État a estimé que les semences issues de la mutagenèse étaient des OGM (organismes génétiquement modifiés) et a demandé la suspension de leur culture. Ces plantes (alias « variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) » sont transformées par l’introduction de mutations génétiques — qui les rendent insensibles aux herbicides — grâce à des agents chimiques. Les cultivateurs de ces plantes peuvent alors abuser des produits pesticides pour éradiquer les autres herbes de leurs cultures. Depuis onze ans, la Confédération paysanne se bat contre ces « OGM cachés ». La décision du Conseil d’État est une belle récompense de cette lutte tenace. Mais la victoire ne le sera vraiment que si les actes du gouvernement suivent.

Car à partir de l’arrêté du Conseil d’État, le gouvernement dispose de six mois pour modifier le Code de l’environnement et de neuf mois pour retirer du catalogue officiel les semences de colza et tournesol classées OGM

Comme les autres OGM, elles devront être soumises à des évaluations des risques avant d’être mises sur le marché. Elles devront également être étiquetées et suivies. Le Conseil d’État précise dans un communiqué de presse que cette décision « pourra amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture ».

En 2015, neuf associations s’étaient jointes au syndicat paysan pour déposer un recours. Saisie par Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, l’Agence nationale de la sécurité (Anses) avait jusqu’à décembre 2015 pour étudier les variétés rendues tolérantes aux herbicides. Quatre ans après l’échéance, l’agence a finalement rendu son avis en décembre 2019. « Après analyse des pratiques culturales, l’Anses confirme des risques de développement de résistance des adventices [mauvaises herbes] aux herbicides et in fine d’augmentation de l’utilisation d’herbicides », indique-t-elle.

L’opaque catalogue des semences

« La difficulté est que les semenciers ne sont pas obligés d’indiquer les techniques utilisées pour créer leurs semences lorsqu’ils les inscrivent au catalogue », dit à Reporterre Daniel Evain, paysan bio engagé de longue date dans ce combat. « Ils ont juste l’obligation de préciser si elles sont hybrides [croisement de deux variétés] ou de lignée. » Impossible alors de savoir combien de variétés répertoriées dans le catalogue des semences sont des OGM

Cette opacité est aggravée par l’absence de traçabilité en Europe. Ainsi, aucune étude ne permet de l’instant de déterminer si « des produits commercialisés par le Canada ou les États-Unis » ou des endives hybrides ont subi la mutagenèse.

« Les tournesols seront semés dans un mois et demi et le colza dans sept à huit mois », indique Guy Kastler, responsable de la Commission semences à la Confédération Paysanne. D’ici les neuf mois imposés pour retirer les semences, semis et récoltes seront passés. Pour le moment, des OGM continuent donc d’être cultivés dans des champs de colza et tournesol. « L’idée n’est pas de coincer les agriculteurs et semenciers. Nous leur laissons une année de culture, jusqu’en 2021, pour trouver des alternatives », ajoute M. Kastler.

Le retour du Haut Conseil aux biotechnologies

Une des missions de la Confédération paysanne sera d’informer les paysans concernés. « Pour le colza, le marché en France n’est pas très important, ils pourront toujours le vendre dans d’autres pays. Pour les tournesols par contre c’est plus problématique », dit Daniel Evain. En France, la production de tournesol a été d’environ 1,3 million de tonnes en 2019.

« Pour le moment, la balle est dans le camp du gouvernement. Nous allons leur demander des auditions pour suivre ce qu’ils vont faire au niveau de la réglementation, dit Daniel Evain. Selon la loi, c’est le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) qui doit les conseiller. » Mais cette instance, chargée de conseiller les décisions publiques relatives aux OGM, est aujourd’hui mal en point. Sa présidente et le président du comité scientifique sont démissionnaires. Et en 2016, la Confédération Paysanne et sept associations membres de ce conseil l’avaient quitté, jugeant que l’avis d’experts divergents était censuré.

« L’utilisation dans le domaine du végétal de nouvelles technologies d’édition du génome (CRISPR-Cas9) a été un terrain d’affrontements virulents entre membres du HCB », explique un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Alors que le HCB est loin de connaître une période de stabilité, il devrait être un des interlocuteurs principaux du gouvernement. Une des solutions des associations requérantes pour faire partie des négociations serait de le réintégrer.

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