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Animaux

Commerce des espèces menacées : le pangolin respire, l’éléphant d’Afrique vacille

La 17e Conférence internationale sur le commerce des espèces menacées s’est achevée en Afrique du Sud. Les 150 États représentés se sont accordés sur une protection renforcée pour les animaux et les plantes en danger, comme le pangolin ou le bois de rose. L’éléphant d’Afrique, en revanche, reste dans une situation fragile.

Les États donnent un nouveau répit aux espèces menacées. Mardi 4 octobre, au sortir du centre des congrès de Sandton, à Johannesburg (Afrique du Sud), des soupirs de soulagement répondent aux sourires satisfaits. La 17e conférence des parties de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées) s’est terminée avec 24 heures d’avance, sous une pluie d’applaudissements. Cette sorte de COP de la biodiversité sauvage vise à réglementer voire à interdire le commerce des espèces en danger.

Après dix jours de discussions à bâtons rompus, la majorité des ONG présentes salue ce cru 2016, à l’instar de Charlotte Nithart, de l’association Robin des bois : « C’était une bonne conférence, avec des avancées dans la protection de la faune et de la flore. » Aujourd’hui, le taux de disparition des espèces est environ mille fois supérieur au taux naturel. Nombre d’experts prédisent même une sixième extinction de masse. En cause, la dégradation des habitats, mais aussi le commerce. Entrée en vigueur en 1975, la Cites permet donc de classer des animaux ou des plantes menacées dans une de ses trois annexes. Le classement en Annexe 1 entraîne l’interdiction totale du commerce, comme pour l’orang-outang ou la tortue verte, tandis que les Annexes 2 et 3 instaurent des contrôles et des limitations strictes. « Ce processus de classement est efficace, il permet d’éviter une catastrophe écologique, explique Charlotte Nithart. Mais ce n’est pas non plus le miracle : les tigres sont en Annexe 1, et pourtant ils continuent de diminuer. »

Un tigre (« Panthera tigris ») du Parc national de Kanha, en Inde. Malgré un classement en Annexe 1, la population des tigres diminue.

Le perroquet gris du Gabon ou le macaque de Barbarie

Cette année, les représentants de 152 des 182 pays signataires de la Cites se sont accordés pour renforcer la protection de nombreuses espèces menacées. Ainsi, le perroquet gris du Gabon ou le macaque de Barbarie ont obtenu le plus haut niveau de protection. C’est également le cas de l’emblématique pangolin, cet animal à l’allure préhistorique très prisé pour ses écailles, qui est le mammifère le plus braconné au monde. Victimes de la pêche accidentelle et du trafic de leurs ailerons, les requins soyeux et les requins-renards ont pour leur part rejoint l’Annexe 2.

Le pangolin, petit mammifère d’Afrique et d’Asie du Sud-Est, est l’une des espèces les plus braconnées au monde.

Côté végétal, les ONG saluent le classement en Annexe 2 du genre des Dalbergia, communément appelés bois de rose. Arbre indispensable aux écosystèmes tropicaux, il est très prisé pour la fabrication de meubles et des instruments de musique. Son commerce a ainsi explosé ces dernières années, notamment en Chine. « Jusqu’alors, seules 61 des 304 espèces de Dalbergia étaient inscrites aux annexes, précise Charlotte Nithart. Les entreprises profitaient de l’incapacité des douaniers à faire le tri entre les espèces réglementées et celles libres de contraintes. Le classement du genre tout entier constitue donc une grande avancée. »

Du bois de rose coupé illégalement dans la région du parc national de Masoala, dans le nord-est de Madagascar.

« Dès qu’il y a de gros intérêts économiques en jeu, c’est beaucoup plus compliqué » 

Elle se montre en revanche beaucoup plus inquiète quant au sort réservé par la Cites aux éléphants d’Afrique. « Dès qu’il y a de gros intérêts économiques en jeu, c’est beaucoup plus compliqué, et il vaut mieux aujourd’hui être un lézard qu’un éléphant », s’afflige-t-elle. À ce jour, le pachyderme est classé dans l’Annexe 1, sauf les populations d’Afrique du Sud, du Bostwana, de Namibie et du Zimbabwe, considérées en « meilleur état ». Ces pays peuvent donc, avec des autorisations spéciales, vendre leurs stocks d’ivoire, comme ce fut le cas en 1999 et 2008. Selon Charlotte Nithart, cette exception empêche une protection efficace de ces animaux, alors que l’Afrique traverse une crise du braconnage. « Si on n’interdit pas totalement le commerce d’ivoire, on envoie un mauvais message aux braconniers et aux consommateurs : on leur dit, allez-y, continuez ! » En dix ans, le nombre de pachydermes africains victimes des trafics s’est dramatiquement accru pour atteindre 110.000 spécimens massacrés, selon l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN). La Cites a donc validé ce statu quo, en interdisant toutefois à la Namibie et au Zimbabwe de vendre leurs stocks.

Des défenses d’éléphant saisies par des patrouilles antibraconnage, au Gabon.

Stéphane Ringuet, du WWF, préfère quant à lui se concentrer sur d’autres mesures, comme le renforcement des plans d’action nationaux pour l’ivoire (Pani), qui permettent de contrôler sévèrement ce commerce. « Le classement dans les Annexes ne suffit pas », dit-il. Il se félicite également de l’adoption de mesures pour réduire la demande en ivoire, notamment à travers la possible fermeture de marchés en Asie. « Il y a aussi eu des discussions constructives sur la corruption, la cybercriminalité, l’implication des communautés locales aux mesures de conservation ou l’élevage en captivité », note-il.

Reste à présent le plus dur : l’application de l’accord dans les 182 pays de la Cites. Adaptation des lois nationales, formation des douaniers, mise en place de contrôles aux frontières, information des consommateurs. Comme le souligne Stéphane Ringuet, « la réussite de la Cites dépend désormais de la volonté des gouvernants et de la prise de conscience des citoyens de la planète ».

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