Vendre des tomates bio en hiver, une « aberration » désormais autorisée

Vendre hors-saison des légumes et fruits d’été bio cultivés sous serre chauffée est à nouveau possible. - Pixabay
Vendre hors-saison des légumes et fruits d’été bio cultivés sous serre chauffée est à nouveau possible. - Pixabay
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AgricultureLe Conseil d’État a donné raison au secteur agro-industriel qui pourra reprendre la culture des légumes d’été bio sous serre chauffée. Au grand dam des petits producteurs.
Vous ne trouviez plus de tomates bio françaises en janvier ? Normal, vendre hors saison des légumes et fruits d’été bio cultivés sous serre chauffée était interdit depuis l’hiver 2019-2020. Mais cette mesure défendue par les petits producteurs bio va être abrogée. Deux acteurs majeurs du secteur agro-industriel, à savoir la Fédération des producteurs de légumes de France et Felcoop, qui contestaient cette interdiction, ont obtenu gain de cause devant le Conseil d’État le 28 juin dernier.
Le Conseil d’État souligne que le règlement européen 2018/848 relatif à la production biologique ne contient aucune disposition quant à « une prohibition ou un encadrement, pour la production agricole biologique, de la culture sous serre chauffée ». Autrement dit, la France n’était pas légitime à aller plus loin que la réglementation européenne. Résultat : tomates, courgettes, poivrons, concombres et aubergines bio « origine France » reviendront dans les rayons durant la période allant du 22 décembre au 30 avril.
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Dans un communiqué, le ministère de l’Agriculture dit prendre acte de cette décision : « Selon la haute juridiction, cette disposition plaçait juridiquement les producteurs français dans une situation de distorsion de concurrence par rapport aux produits importés. » C’est l’argument vigoureusement utilisé par la FNSEA lors de l’adoption de la décision par le Comité national de l’agriculture biologique (Cnab) en 2019 : « Cela empêchera-t-il les consommateurs de consommer [des tomates, concombres, aubergines, poivrons et courgettes biologiques] en avril ? interrogeait l’organisation professionnelle. Non, cela signifie que ces légumes biologiques ne pourront pas être français. Ils seront demain belges, hollandais ou allemands, et auront bénéficié du chauffage bien entendu. La balance commerciale française s’en trouvera une fois de plus dégradée. »
« Ne pas respecter la saisonnalité est une aberration »
Si ce retour en arrière devrait satisfaire pleinement la FNSEA, il est fermement dénoncé par la Confédération paysanne. « Toute avancée sociale, environnementale ou sanitaire semble donc être considérée comme un frein au développement de la filière, réagit-elle dans un communiqué. Ne pas respecter la saisonnalité des fruits et légumes est une aberration en agriculture, qu’elle soit conventionnelle ou biologique. » Selon des chiffres de l’Agence de la transition écologique (Ademe), produire une tomate sous serre chauffée émettrait douze fois plus de CO2 qu’une tomate produite sous abri non chauffé.
Pour la Confédération paysanne, cette décision « favorise clairement la filière bio industrielle au détriment des paysan∙nes ». En 2019, plusieurs organisations – Fédération nationale d’agriculture biologique, Réseau Action Climat, Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace – avaient lancé une pétition réclamant l’interdiction des productions de légumes et de fruits bio hors saison. Elles rappelaient que le cahier des charges AB exige « une utilisation responsable de l’énergie » ainsi que « le respect des cycles naturels ». L’initiative avait à l’époque recueilli plus de 86 000 signatures.
Un point positif toutefois : la décision du Conseil d’État ne remet pas en cause l’autre partie du compromis adopté par le Cnab il y a quatre ans : les producteurs bio n’ont le droit qu’aux énergies renouvelables pour chauffer leurs serres construites depuis janvier 2020. Pour les installations plus anciennes, ils doivent renoncer aux énergies fossiles d’ici janvier 2025, en se tournant vers la géothermie, les systèmes de biomasse ou encore les panneaux solaires.