Des polluants éternels dans les cheveux des députés

Des députés à l'Assemblée nationale le 28 janvier 2021. - © Anne Speltz/Reporterre
Des députés à l'Assemblée nationale le 28 janvier 2021. - © Anne Speltz/Reporterre
Durée de lecture : 5 minutes
Pollutions SantéQuatorze députés Europe Écologie-Les Verts ont accepté de faire analyser leurs cheveux. Résultat de l’expérience : ils sont tous contaminés par des polluants éternels.
On a beau être écolo, on n’échappe pas aux polluants éternels. Ces substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS) ont été retrouvées dans les cheveux de quatorze députés Europe Écologie-Les Verts (EELV), soit la totalité des élus qui se sont prêtés à l’expérience initiée par Nicolas Thierry, député girondin très engagé sur cette question des composés perfluorés.
Au total, huit des douze PFAS recherchés ont été détectés. Toutes les mèches prélevées contenaient du PFOA (acide perfluorooctanoïque). Cette molécule utilisée dans la fabrication du Teflon est interdite depuis 2020 en France. Elle a notamment été remplacée par le PFNA, acide carboxylique perfluoré, qu’on retrouve dans 86 % des échantillons de cheveux. Le troisième composé le plus présent est interdit depuis 2009. Il s’agit du PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) détecté dans 64 % des prélèvements.
🔴Aujourd’hui lors de la conférence de presse sur les #PFAS nous avons fait tomber notre veste.
Je fais partie des 14 députés qui ont fait tester leurs cheveux.
Le résultat est sans appel : nous sommes toutes et tous contaminé•es.#STOPPFAS #DirectAN pic.twitter.com/8uSC3jZMAf— Francesca Pasquini - Députée (@FMPasquini) June 28, 2023
« Je cherche à savoir pourquoi je suis autant exposé »
Deux députés sont particulièrement contaminés : Marie-Charlotte Garin, députée du Rhône, et Charles Fournier, député d’Indre-et-Loire. La première est celle dont les cheveux contiennent le plus de PFAS recherchés, huit sur douze. Le second est celui qui a les taux les plus forts, jusqu’à dix fois plus que ses collègues. Marie-Charlotte Garin habite dans « la vallée de la chimie », au sud de Lyon, près des sites industriels d’Arkema et Daikin, deux groupes chimiques accusés du rejet de plusieurs tonnes de PFAS dans l’environnement.
« J’ai l’impression d’avoir une bonne hygiène de vie. Je fais attention à mon alimentation, à ce que j’achète. Pourtant, je me retrouve la plus contaminée parmi mes collègues », s’alarme la députée. Elle s’inquiète de la santé de la population de sa région. Même chose pour Charles Fournier. « Depuis que j’ai découvert que j’étais sur le triste podium des députés les plus contaminés, je cherche à savoir pourquoi je suis autant exposé, raconte le député. Il doit y avoir des explications dans mon territoire à Tours : l’aéroport, la base militaire, les sites de stockage de déchets industriels... Je découvre aussi qu’il y a trente ans, il y a eu un accident industriel important avec interdiction de boire l’eau. Beaucoup de mousse à incendie a été utilisée. Peut-être que c’est lié à ça ? Les hypothèses sont multiples. »
5 000 sites industriels vont devoir analyser leurs eaux
La présentation des résultats de ces analyses intervient au lendemain de la publication au Journal officiel de l’arrêté imposant l’analyse des PFAS dans les rejets aqueux de quelque 5 000 sites industriels. Ce texte les oblige également à lister tous les perfluorés utilisés, produits, traités ou rejetés par l’installation. « Cet arrêté est l’une des premières mesures significatives prises dans la mise en œuvre du plan d’action annoncé le 17 janvier 2023 », se félicite le ministère de la Transition écologique dans un communiqué du 27 juin.
Les associations qui suivent le sujet sont beaucoup moins satisfaites. Générations futures regrette ainsi la suppression de l’article 5 qui prévoyait une surveillance pérenne des rejets. Une décision qui « constitue un net recul par rapport à la proposition initiale », juge l’ONG.
Pour France Chimie, c’est au contraire une victoire. Dans sa contribution à la consultation publique du projet, l’organisation professionnelle remerciait ainsi la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) d’avoir supprimé cet article. Selon les industriels, la surveillance pérenne nécessite « d’être traitée dans un second temps ».
Un seuil de détectabilité jugé trop élevé
Générations futures rétorque que la surveillance sur le long terme doit être mise en place « le plus rapidement afin de protéger en amont les personnes et l’environnement ». Elle cite en outre l’exemple de Pierre-Bénite qui a permis d’observer que les émissions fluctuaient : « Une surveillance régulière est donc nécessaire pour permettre de détecter d’éventuels pics d’émissions. »
Autre critique : le décret fixe un seuil de détectabilité à 100 nanogrammes/litre, « sous prétexte qu’en dessous de ce seuil, on n’est pas sûr d’en trouver », raillent les députés EELV. Selon eux, ce seuil va permettre à une majorité d’émetteurs de polluants éternels de passer sous les contrôles. « La question qu’on peut se poser est : est-ce que cet arrêté a été pris par France Chimie ? »
Face à ces résultats alarmants, le député Nicolas Thierry réclame de rendre obligatoire le contrôle de ces PFAS dans l’eau potable. Il a déposé fin avril une proposition de loi en ce sens. Il espère que la démonstration implacable du test sur les cheveux servira « d’électrochoc » pour une prise de conscience générale et permettra de pousser les pouvoirs publics à agir face à un problème identifié depuis déjà vingt-cinq ans aux États-Unis.