En techno-manif avec Alternatiba : « La danse est un outil de lutte »

Dans le cortège d'Alternatiba, à Paris, le 23 mars 2023. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
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Retraites LuttesDes cortèges dansants et festifs pour des manifestations joyeuses : à Paris, Alternatiba a participé en chants et en musique à la manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites.
Paris (Île-de-France), reportage
Tient-on là le prochain tube de l’été ? À l’arrière du camion de l’Alliance écologique et sociale (Greenpeace, Attac, Solidaires, la CGT…), des jeunes activistes dansent et chantent avec fougue sur un son inventé par des membres d’Alternatiba Paris. « Pas de retraité⋅es, sur une planète brûlée / Retraites, climat, même combat », scandent-elles sur des gros BPM de techno, bientôt accompagnées par de nombreux manifestants ravis de faire la fête (à Macron).
Nous sommes le jeudi 23 mars dans le XIᵉ arrondissement de la capitale, il est un peu plus de 14 h, et quelque 800 000 personnes — selon la CGT — s’élancent direction Opéra pour la neuvième manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites. L’occasion pour ces militantes de montrer qu’en ces temps démoralisants la danse, le chant, et plus généralement la joie et la teuf sont des instruments au service des mouvements sociaux.

« La danse est un outil de politisation énorme, et le corps un outil de lutte ! » clame Mathilde Caillard, 25 ans, entre deux chorégraphies où, lunettes de soleil noires sur le nez, elle donne à voir sa détermination et sa « rage ». « La joie, c’est l’un des derniers espaces que ce système oppressif ne nous prendra pas. On peut tenir un propos politique sérieux tout en chantant et en dansant, cela a toujours fait partie des mouvements sociaux. », dit l’activiste d’Alternatiba, connue sous le nom de « mc danse pour le climat » sur les réseaux sociaux, et que Reporterre avait rencontrée en 2022.
Techno-grève
Quelques jours auparavant, une vidéo de Mathilde en pleine session de voguing techno-gréviste — un summum de charisme, il faut bien le dire — a fait près de 4 millions de vues sur Twitter. « Tout ce qu’on fait ici résulte d’un travail collectif, souligne celle qui est aussi assistante parlementaire de la députée LFI Alma Dufour. Mais si ces images ont pu donner envie à des gens de s’engager, c’est génial ! »

D’après Élodie Nace, d’Alternatiba Paris, c’est le cas : dans la foulée de cette vidéo, de nombreuses personnes ont proposé leur aide pour organiser la manifestation du 23 mars. « La danse et les chants sont un moyen de toucher un autre public, plus jeune et pas syndiqué. Il complète tout ce que l’on fait déjà par ailleurs pour lutter contre cette réforme injuste et climaticide, par exemple notre soutien aux travailleurs sur les piquets de grève », ajoute la porte-parole du mouvement.
Dans le cortège en tout cas, les chants et les chorégraphies s’enchaînent. « Bloque bloque bloque bloque bloque », lancent les activistes sur l’air du titre Work de Rihanna. Gros succès également pour Taxer les riches, un autre hit techno imparable : la députée LFI Raquel Garrido, qu’on se plaît à imaginer à une free party, danse et chante avec allégresse quand le camion passe devant elle. Celui-ci, d’ailleurs, ne cesse de trembler — la sono est à fond, et les militants qui se dandinent sur son toit aussi.

Hélène, elle, tient fermement le micro. L’une des joues de cette « artivisite » d’Alternatiba, également chanteuse, est recouverte de paillettes mauves. Le regard de la jeune femme de 29 ans brille d’une force « vitale ». « Le côté artistique, festif, permet de créer des ponts plus facilement. On fête notre lutte, notre rage, et l’amour que l’on porte au monde que l’on souhaite voir advenir. » Autour d’Hélène, les mouvements des danseuses professionnelles des collectifs Minuit 12 et There’s a way donnent du rythme à la marche. Leur énergie, débordante, donne envie à chacun de les imiter.
« La grève, ça n’est pas un truc triste, c’est un truc humain ! »
C’est d’ailleurs ce que fait Stéphane, 51 ans. « Ce que Macron arrive à faire avec cette réforme, c’est recréer du lien et de la solidarité, dit-il. On a envie d’être ensemble, de danser ensemble. » Et d’ajouter, en référence aux nombreuses critiques sexistes reçues par Mathilde Caillard après la publication de sa vidéo de danse : « À l’inverse de ces personnes, je ne pense pas que ce type d’action décrédibilise la lutte. Au contraire : la grève, ça n’est pas un truc triste, c’est un truc humain ! »
Trois heures plus tard, Stéphane est toujours là. « Pas de retraité⋅es sur une planète brûlée », titre qui sortira sur les plateformes dans les prochains jours, continue d’ambiancer les manifestants. Une dame regarde passer le camion. À l’arrière de sa veste, il est écrit « We can do it » [Nous pouvons le faire].
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