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Notre-Dame-des-Landes

Entre les défenseurs de la Zad et l’État, des négociations sous la menace

Lundi 7 mai, les défenseurs de la Zad avaient rendez-vous avec la préfète de Loire-Atlantique Nicole Klein. Le dialogue a repris, estiment-ils, mais la menace d’une nouvelle opération d’expulsion mardi 15 mai est pesante.

« On nous a soufflé un peu de chaud, un peu de froid », a résumé Dominique Fresneau, à la sortie de la préfecture. Lundi 7 mai, la délégation des ex-opposants à l’aéroport, désormais défenseurs des projets nés sur la Zad, avait rendez-vous avec la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein. « On a fait le point avant l’ultimatum du 14 mai », poursuit M. Fresneau, porte-parole de l’Acipa (Association des riverains opposés à l’aéroport).

Le Premier ministre a en effet prévenu que les expulsions reprendraient à cette date, pour ceux qui n’ont pas présenté de dossier de projet agricole. « On veut continuer le dialogue, mais on a demandé comment on pouvait construire ensemble, avec cette épée de Damoclès sur la tête des habitants », poursuit le représentant associatif.

Les projets agricoles seront examinés par le comité de pilotage sur le foncier de la Zad le 14 mai. A noter que la réunion sera présidée par le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert. Restent en suspens les questions des projets non-agricoles (artisanat, culture) et des habitats. C’est sur ces sujets que la délégation a tenté d’obtenir des précisions.

Autour de la table se trouvaient donc les membres de la délégation - représentants des habitants de la Zad, de l’Acipa, des agriculteurs qui sont restés malgré le projet d’aéroport et des agriculteurs solidaires du mouvement (Copain 44) – face à l’équipe de la préfecture, notamment la préfète et le directeur de la Direction des territoires et de la mer (DDTM), qui est en charge d’instruire les dossiers déposés par les zadistes.

« On considère que les projets non-agricoles font partie intégrante du projet de territoire de la Zad », insiste Camille, habitant de la zone, qui rappelle qu’« il n’y a aucune garantie que les lieux de vie associés aux projets agricoles seront préservés. » La délégation souhaiterait donc obtenir des conventions d’occupation précaires (valables un an), non seulement pour les projets agricoles, mais aussi pour les projets non-agricoles et les habitats des personnes qui les portent. Cela permettrait de stabiliser la situation dans l’attente de démêler l’imbroglio juridique de la propriété des terres, et donnerait le temps aux projets de se formaliser, se déclarer, se « légaliser », en quelque sorte.

Lundi, un tout petit pas a été fait dans cette direction, estime Marcel Thébault, agriculteur « historique » de Notre-Dame-des-Landes. « C’est la première fois qu’on nous dit qu’il serait possible de demander une convention de location pour une maison dans la Zad. Cela donnerait un statut à des gens », espère-t-il. « J’ai le sentiment qu’on est dans un début de négociation, qu’il y a une chance que les gens autour de la table commencent à se comprendre », ajoute-t-il prudemment. Il souligne également « l’énergie mise par la DDTM dans l’examen des dossiers agricoles. Cela s’est passé de façon cordiale. Mais la DDTM n’a pas l’initiative politique… » Ni même la préfète d’ailleurs. « A chaque étape, Paris garde la main », observe encore l’agriculteur.

C’est d’ailleurs sans doute Paris qui décidera de l’ampleur de l’opération policière qui devrait reprendre le 15 mai au matin. Qui est menacé d’expulsion ? « À partir du moment où les gens se déclarent, même si ce n’est pas un projet agricole, ils ne devraient pas être expulsés », croit avoir compris Dominique Fresneau. « La préfète nous a fait savoir qu’à chaque fois qu’elle était venue sur le terrain, elle avait été confrontée à des gens qui ne voulaient pas se déclarer et que ceux-là seraient donc expulsés. Cela ne nous rassure pas sur les critères de sélection ! Et puis, il y a des gens qui aimeraient rester vivre ici, mais qui n’ont pas de projet précis. Il faut du temps pour monter un projet », reprend-t-il.

Les défenseurs de la Zad reconnaissent être dans le flou. L’opération du mois d’avril, qui devait procéder à des « expulsions ciblées », selon les mots de la préfète, a en fait été de grande ampleur. Tous les scénarios semblent à nouveau ouverts.

Afin de sortir de l’incertitude, la délégation a donc demandé un calendrier de réunions, notamment sur les sujets de l’habitat et des projets non-agricoles. « À chaque fois ils nous baladent avec des dates butoir. On veut voir à plus long terme que la menace suivante », explique Camille. « On n’a pas de date pour une prochaine réunion, pas de calendrier, c’est un peu décevant », indique Dominique Fresneau.

En attendant, la présence des forces de l’ordre reste très importante sur la zone. Sur les 2.500 gendarmes présents au début de l’opération, seuls 900 se seraient retirés. Les contrôles et les barrages restent quotidiens. « C’est problématique car on est en période d’intense activité agricole, on a besoin des routes. La dernière fois, le camion du laitier a été arrêté pendant une heure à un barrage des forces de l’ordre, le temps que ces messieurs fassent leur changement d’équipe », raconte Marcel Thébault.

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