Essence, salaires, RIC : qu’est-ce qui a changé pour les Gilets jaunes ?

Des Gilets jaunes, en mars 2019, près de la gare de péage de l’autoroute A36 à Autechaux (Doubs). - © Guillaume Clerc/Reporterre
Des Gilets jaunes, en mars 2019, près de la gare de péage de l’autoroute A36 à Autechaux (Doubs). - © Guillaume Clerc/Reporterre
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Gilets jaunes Énergie SocialTrois ans après la naissance du mouvement, les revendications économiques, politiques et sociales des Gilets jaunes sont toujours d’actualité. Prix de l’essence, RIC, pouvoir d’achat… Qu’ont-ils obtenu ?
Gilets jaunes, saison 2 ? C’est en tout cas ce qu’annonce un groupe Facebook du même nom, qui rassemble 10 000 membres. Hausse du prix de l’électricité et du gaz, hausse du prix des carburants… Le mouvement social qui fête son troisième anniversaire pourrait bien redémarrer. Tour d’horizon des enjeux économiques soulevés à l’automne 2018 et toujours d’actualité.
- Carburant : un prix à la pompe inégalé depuis 2012
C’était l’un des catalyseurs qui avait déclenché le mouvement : le prix élevé et la hausse envisagée par le gouvernement de la taxe sur le carburant (TICPE). À la mi-octobre 2018, le prix du gazole atteignait 1,53 euro, selon les données du ministère de la Transition écologique. Cet automne, il dépasse ce seuil symbolique : le coût moyen du litre de gazole dépassait 1,57 euro vendredi 19 novembre.
Le gouvernement n’est pas directement responsable et les causes de cette hausse sont multiples. La reprise économique brutale après les confinements a entrainé une demande supérieure à l’offre mondiale. Le prix du gaz a explosé. Dans ce contexte, le Premier ministre a proposé la création d’un chèque carburant de 100 euros. Un dispositif retoqué le 17 novembre par les sénateurs, les élus Les Républicains le considérant comme trop onéreux et mal ciblé. Les deux Chambres doivent encore se concerter.
- Énergie : un gel qui n’empêche pas d’avoir froid
Moins évoqués que ceux de l’essence, les tarifs de l’électricité et du gaz domestique étaient aussi au cœur des revendications des Gilets jaunes. Quinze jours après le début du mouvement, le gouvernement a gelé, le temps d’un hiver, les prix du gaz et de l’électricité. Un répit de courte durée. Ainsi, depuis le 1er janvier 2019, le tarif réglementé du gaz a augmenté de 32 %, dépassant ces dernières semaines le pic de l’automne 2018, encore une fois pour cause de situation économique mondiale.
Le 30 septembre, dans un effort d’anticipation, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé « un bouclier tarifaire » avec un gel des augmentations des tarifs réglementés de gaz en cette fin d’année et « tout au long de l’année 2022 ». Bouclier validé lundi 15 novembre par la Commission de régulation de l’énergie. Celui-ci permet d’éviter immédiatement la hausse de 21 % du gaz qui aurait dû avoir lieu le 1er novembre, et celle, de 21 % également, de décembre. Ce tarif réglementé disparaitra pour les particuliers dès juillet 2023, dernière étape de la libéralisation du marché débutée au début des années 2000.
Concernant l’électricité, la hausse de 4 % des tarifs réglementés est maintenue pour février prochain, elle sera « compensée par une baisse des taxes », selon le gouvernement. Par ailleurs, au lendemain de la journée contre la précarité énergétique, EDF a annoncé qu’elle ne couperait pas l’électricité en cas d’impayés, même en dehors de la trêve hivernale. Le courant sera maintenu avec une puissance nettement réduite et limitée à mille watts. De quoi s’éclairer et garder le frigo allumé mais pas de se chauffer.
- Salaires : une hausse en trompe-l’œil
Smic net à 1 300 euros et indexé sur l’inflation : contre les fins de mois difficile, les Gilets jaunes revendiquaient dès le début des augmentations de salaire généralisées. En guise de réponse, le gouvernement avait consenti à une hausse de 1,8 % du Smic début 2019 et finalement portée à 1,5 % — il s’élève aujourd’hui à 1 258 euros net mensuels. Cette hausse a été assortie d’une suppression de la part salariale des cotisations sociales. Une entourloupe pour faire croire que le salaire augmentait et qui a conduit au passage à fragiliser le lien de solidarité, notamment entre salariés et chômeurs.

La réforme de l’assurance chômage, elle, entraîne la précarisation de centaines de milliers de personnes. 1,15 million d’allocataires auront une allocation journalière plus faible (de 17 % en moyenne) selon une étude d’impact de l’Unedic.
Seule avancée : la taxation renforcée des contrats courts, pour en limiter l’usage. Mais celle-ci est entrée en œuvre plus tard que prévu.
- Démocratie : une classe dirigeante toujours plus enfermée dans ses certitudes
Revendication constante du mouvement, le référendum d’initiative citoyenne (RIC) n’est finalement jamais entré en vigueur. Et les maigres exercices de participations citoyennes, du « grand débat » du printemps 2019 à la Convention citoyenne pour le climat ont souligné l’incapacité du pouvoir à prendre en compte le résultat des instances de concertation et de débat qu’il a lui-même mis en place.
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Seul semblant d’horizontalité nouvelle : le travail parlementaire est finalement autant ignoré et méprisé que la parole citoyenne.
Une somme d’éléments qui pourraient s’agréger et apporter une reprise du mouvement dès ce samedi, alors que des appels à « sortir des ronds-points » pour reprendre la mobilisation courent dans de nombreux groupes de Gilets jaunes. Mais, comme toujours, le mouvement n’obéit pas à des règles mathématiques. La violence de la répression policière a dissuadé plus d’une d’afficher collectivement et dans la rue ses convictions.