Faire mieux avec moins : à Concarneau, les low-tech ont leur festival

Le collectif français Low-Tech Lab s'était implanté à Lesbos (Grèce), en 2019. - © Mathilde Doiezie /Reporterre
Le collectif français Low-Tech Lab s'était implanté à Lesbos (Grèce), en 2019. - © Mathilde Doiezie /Reporterre
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Vélos cargos, fours solaires… Jusqu’au 3 juillet, dans le Finistère, un « festival de la low-tech » vise à faire découvrir au grand public ces technologies sobres en ressources et en énergie.
Pas de scène, de stroboscopes ou de guitaristes en délire. Le festival de Concarneau (Finistère), qui commence samedi 25 juin et se déroule jusqu’au 3 juillet, promet d’être différent. Ce sont plutôt les déshydrateurs solaires, les vélos cargos et les mouches soldat noires (utiles auxiliaires de compostage et sources de protéines) qui seront à l’honneur. Le Low-tech Lab, l’association qui organise ce « festival de la low-tech », espère profiter de l’évènement pour sortir la démarche du cercle des initiés. L’idée : montrer que les innovations sobres ne sont pas l’affaire d’une « bande de gens farfelus », mais un pivot autour duquel l’ensemble de la société pourrait s’organiser.
« C’est la première fois que nous organisons un évènement de cette ampleur », explique Quentin Mateus, chargé des enquêtes du Low-tech Lab. Jusqu’à présent, les principes de la « low-tech » — c’est-à-dire les procédés économes en ressources et en énergie, en opposition à la « high-tech » — étaient surtout débattus dans le cadre de colloques relativement confidentiels. L’occasion de s’ouvrir au grand public était toute trouvée : le Nomade des mers, le catamaran qui a sillonné les océans pendant six ans à la recherche des meilleurs systèmes « basse technologie », rentrera le 25 juin au port. La fête organisée pour le retour du charismatique équipage permettra à tous de se familiariser avec la démarche et de découvrir d’autres acteurs du mouvement.

Au programme des festivités : des ateliers de construction, des conférences, des visites de la « tiny-house » autonome mise au point par le Low-tech Lab, des démonstrations de poêles bouilleurs et de fours solaires… Et aussi des concerts et des films, projetés sur grand écran à la force du mollet. Par souci de cohérence, le festival fonctionnera uniquement grâce aux technologies douces. Des remorques construites pour l’occasion seront utilisées pour transporter les matériaux utiles à la construction du « village », qui sera autonome en énergie grâce à des batteries et à des panneaux solaires recyclés.
« Avec la crise énergétique et alimentaire, ça intéresse de plus en plus de monde »
L’évènement signe, pour l’association, « la fin d’un cycle ». Après avoir documenté et expérimenté à leur échelle les bénéfices des technologies sobres, ses membres veulent désormais les faire rayonner à grande échelle, des collectivités locales aux entreprises. « Il faut démystifier le concept et permettre à chacun de se l’approprier, de changer son regard dessus », pense Quentin Mateus. L’enjeu est de taille : la démarche a longtemps souffert d’une image rétrograde, et suscité la méfiance des citoyens et des pouvoirs publics. « Si l’on faisait un sondage dans la rue pour savoir si les gens voudraient vivre dans une ville low-tech, ou pire, prendre un avion low-tech, je ne suis pas sûr qu’il y aurait beaucoup de réponses positives », nous disait l’année dernière Philippe Bihouix, ingénieur et auteur de L’Âge des low-tech — vers une civilisation techniquement soutenable (Seuil, 2014).

Les choses commencent cependant à changer : « Avec la pandémie, la crise énergétique et alimentaire, la guerre en Ukraine, ça intéresse de plus en plus de monde », observe le cofondateur du Low-tech Lab Clément Chabot. L’association n’a jamais été autant sollicitée, notamment par des acteurs politiques et institutionnels. « L’un des indicateurs que l’on a, c’est le nombre de communautés locales qui souhaitent être accompagnées dans une démarche low-tech. En 2018, il y en avait une ou deux, dit Quentin Mateus. Aujourd’hui, il y en a une quinzaine. » Dans un rapport publié en janvier, préparé en partenariat avec les mairies de Bordeaux, Lille, Lyon, Paris, Poitiers et Strasbourg, le Labo de l’écologie sociale et solidaire prône l’avènement de villes et métropoles low-tech, et détaille, dans un « guide pratique » les mesures pour y parvenir.

« On commence à observer une reconnaissance institutionnelle »
Les établissements publics commencent également à se pencher sur le sujet, désormais perçu comme crédible. En mars, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) y a consacré une étude d’une cinquantaine de pages. Elle y estime que les technologies sobres sont un « outil intéressant de la transition écologique », et appelle les pouvoirs publics à lever les nombreux obstacles culturels, réglementaires et financiers qui freinent leur déploiement à grande échelle. « On commence à observer une reconnaissance institutionnelle de l’intérêt des low-tech, et de comment elles peuvent contribuer à la résilience des territoires et au développement de l’emploi local », analyse Philippe Bihouix (par ailleurs directeur général adjoint de l’Arep).
Si le concept n’est pas encore tout à fait entré dans le langage courant, l’ingénieur voit dans ces manifestations d’intérêt un signal encourageant. « L’être humain est plus un imitateur qu’un innovateur. Il y a toujours des gens qui adoptent des choses plus vite que d’autres. Quand ça marche chez l’un, d’autres l’imitent. » Cette semaine de festivités autour des technologies sobres pourrait y contribuer. Un jour, peut-être, les technologies douces ne seront plus cantonnées au « village » d’un festival, mais feront leurs preuves dans toutes les villes de France.
• Chaque jour durant la semaine du 27 juin, Reporterre vous racontera les innovations et idées du Festival de la Low-Tech.