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Culture et idées

Festival « off » d’Avignon : nos trois coups de cœur

Vous avez jusqu’au 29 juillet pour aller au Festival d’Avignon. Comédie, road trip rural, mythe féministe revisité... Reporterre a sélectionné trois spectacles.

Le festival d’Avignon se tient jusqu’au samedi 29 juillet. Quelles pièces aller voir en cette dernière semaine de représentations ? Écologie, agriculture, féminisme : Reporterre a sélectionné pour vous trois pièces engagées.

« Coupures » : un village, un maire et des antennes-relais

L’intrigue de cette comédie pourrait être inspirée de bien des articles de Reporterre. Le jeune maire écolo dynamique d’une commune rurale apprend un jour que son village a été choisi pour y implanter des antennes relais nouvelle génération. Branle-bas de combat au conseil municipal, qui est radicalement contre. Mais c’était sans connaître tous les arguments de l’opérateur… Et trop croire au pouvoir des élus locaux. Car l’État, relayé par la voix de son ministre et de sa préfète, a décidé que ce serait comme cela, et pas autrement. Et puis les installateurs d’antennes savent comment convaincre, d’autant que le jeune maire est également gérant d’une ferme bio en difficulté. Dans ce tourbillon de déconvenues, il commence à perdre pied... En parallèle, une association locale décide de relayer les inquiétudes des habitants et organise une réunion publique pour demander des comptes à l’élu, qui va devoir s’expliquer.

Avec beaucoup d’humour, un rythme soutenu et une histoire qui nous tient en haleine jusqu’à la fin, cette pièce réussit à poser des questions de fond aux défenseurs de la cause écologique. À quoi cela sert-il de tant se battre alors que l’effet réel de nos actions sur la crise climatique est si faible ? Les beaux principes peuvent-ils résister à l’épreuve de la réalité ?

Plusieurs clichés assumés — celui de l’élu local corrompu par exemple — servent une narration efficace. Les six comédiens multiplient les rôles avec talent dans une mise en scène dynamique et plutôt sobre (donc écolo !). Mention spéciale pour le violon, discret mais qui en quelques notes nous fait tour à tour haleter, rire, pleurer.

Le tout est au service d’une morale claire : quelle que soit votre cause, si vous êtes élu, appuyez-vous sur la parole des citoyens avant tout, faites en sorte que chaque voix compte.

« Coupures », compagnie La poursuite du bleu, 1 h 30. Théâtre des béliers d’Avignon à 10 h (relâche le lundi). À voir aussi à Paris à partir du 25 août.



« La Trouée », un road trip rural

« Vous êtes d’où ? », demande la comédienne aux spectateurs à peine installés dans la salle. Difficile question. Est-ce là où vous êtes né ? Où vous avez grandi ? Où vous vivez aujourd’hui ? Pour elle, impossible de se dire parisienne, là où elle est allée s’installer pour ses études. Mais peut-elle se sentir appartenir à un lieu – un trou plutôt – où, comme ne cesse de le répéter dans sa tête la petite voix de sa mère, « il n’y a rien » ? Une campagne grise, plate, froide, avec des champs à perte de vue. Des trottoirs de la capitale aux plaines picardes, Cécile Morelle nous emmène dans sa quête d’identité et son enfance à la ferme, celle de sa grand-mère, Mado. Qui disait tout le temps : « Quand on s’appelle Madeleine, on ne pleure pas. »

Une histoire qui s’entremêle à d’autres, actuelles, d’agricultrices rencontrées par la comédienne. Des femmes qui vivent encore dans un monde où l’on préfère céder la ferme au petit cousin plutôt qu’à la fille ; où le formulaire administratif du « conjoint collaborateur » est par défaut au féminin ; où beaucoup n’ont pour statut que celui de « femme de paysan » ; où le travail féminin n’a jamais été payé ni reconnu et où quand on fait les mêmes tâches que les hommes, il faut cumuler avec celles des femmes.

Un théâtre à la fois enraciné, intime et documentaire, qui questionne notre rapport à la terre, à nos origines et un monde agricole encore très conservateur. La mise en scène est soignée, douce et inventive, joue avec les sons et les odeurs pour se rendre drôle et amère comme des souvenirs.

« La Trouée », compagnie Le Compost (1 h 25). Théâtre Le Train bleu à Avignon, 12 h 50 les jours pairs. D’autres dates ailleurs en France à partir de septembre.

« Méduse.s », viol et vengeance

Avec bienveillance, les trois comédiennes nous avertissent en début de spectacle : à tout moment de la pièce, toute personne mal à l’aise peut sortir. Ce n’est pas que vous allez voir des artistes nus ou des scènes violentes. Non, c’est que le sujet dont on va traiter pourrait faire revivre à certaines et certains des moments extrêmement douloureux. On va parler de viol.

Plus précisément, les autrices partent du mythe de Méduse, cette femme aux cheveux serpents et au regard pétrifiant, décapitée par Persée. Est-elle vraiment un monstre ? N’est-elle pas plutôt une femme animée d’une juste colère ? Car on oublie souvent une partie de son histoire : avant de se métamorphoser, Méduse était une jeune fille, violée par le dieu de la mer Poséidon. Ainsi, pour la première fois, le récit se fait à partir de son point de vue. Elle s’attarde d’abord sur sa jeunesse innocente, stoppée nette par l’horrible agression. Suivent la honte, l’injustice d’être celle qui en supporte les conséquences, ainsi que la colère et l’envie de se venger qui submergent. Vient après la fuite, l’entraide entre femmes, la réparation. Un récit qui résonne avec ce qui se passe encore aujourd’hui, et qui devient donc choral, entrecoupé des témoignages de personnes qui ont vécu, elles aussi, chacune de ces épreuves.

Les comédiennes filment avec un smartphone des encres de couleur évoquant à la fois le sang et les méduses dans un aquarium, ainsi que toutes sortes de matières et de parties du corps en gros plan. Un micro enregistre froissements et déchirements. Ce travail sonore et visuel bluffant, tout au long du spectacle, permet de suggérer les chairs meurtries, la douleur, la tornade d’émotions que provoquent de tels drames. C’est poignant.

Certains reprocheront peut-être aux autrices d’avoir voulu réécrire l’histoire. On leur objectera que c’est la fonction des mythes d’être sans cesse réappropriés, pour qu’ils continuent de nous aider à faire société.

« Méduse.s », collectif La Gang (1 h 10). Théâtre des Doms à Avignon, 15 h.

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Une sélection de spectacles engagés

Choisir un spectacle à Avignon parmi plusieurs centaines de représentations par jour n’est pas chose aisée. Vous pouvez piocher parmi la présélection des œuvres candidates au prix Tournesol, remis chaque année à des pièces engagées. Différentes thématiques sont répertoriées : écologie, racisme, féminisme, migrations, social, etc.

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