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Culture et idées

Goût, santé, écologie… vivent les aliments de saison !

Peu à peu, l’agro-industrie nous a détachés du rythme naturel. Dans son « Manifeste pour la saisonnalité », Véronique Chapacou plaide en faveur d’un retour à une alimentation de saison : bonne au goût, pour la santé, pour les équilibres écologiques, elle est une arme de résistance face aux ravages de l’agrobusiness.

Adieu les pêches, bonjour le raisin ! Avec la rentrée vient la fin des fruits et légumes d’été… Enfin « normalement ». Car il est aujourd’hui possible — facile même ! — de trouver des cerises en décembre, des fraises en février, des pommes en juin. « Nous avons perdu le cours des saisons, l’agro-industrie s’est engouffrée dans cette faille et nous a offert la possibilité de tout, toute l’année », constate Véronique Chapacou dans son Manifeste pour la saisonnalité, qui vient de paraître.

Un petit ouvrage de 24 pages pour se remettre les idées en place. À mi-chemin entre le « guide du mieux consommer » et l’appel à la résistance. Car l’autrice, qui a déjà écrit plusieurs livres culinaires, en est convaincue : manger de saison permet de lutter contre la standardisation de notre alimentation, de soutenir les producteurs locaux, de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de porter un coup décisif à l’agro-industrie. Rien que ça !

Le livre a d’abord un intérêt pédagogique : on y apprend plein de choses. Par exemple, que les pommes et poires qui sont encore vendues en juin ont été conservées de longs mois dans des containers réfrigérés énergivores, voire ont subi « un traitement hormonal permettant le blocage de la production d’éthylène » (une hormone végétale qui provoque le mûrissement). Ou encore que les poissons ont aussi leur saisonnalité : mieux vaut les manger hors de leur période de reproduction afin de permettre aux populations de se reconstituer. La saison des coquilles saint-jacques va d’octobre à mars, celle des sardines d’avril à novembre…

Au-delà des conseils, Véronique Chapacou analyse les mécanismes par lesquels l’agro-industrie s’est détachée des rythmes naturels. En modifiant génétiquement les huîtres, elle a évacué le « problème » des coquillages laiteux. En mettant au point des serres chauffées avec de la lumière artificielle — qui consomme jusqu’à sept fois plus d’énergie que des cultures en pleine terre —, elle s’est affranchie des barrières hivernales. En stimulant, à l’aide d’hormones, les chèvres, elle a modifié la période de lactation des bêtes, qui normalement ne produisent pas de lait en hiver (mais on aime tant la bûche de chèvre à Noël !). En stimulant (toujours), à l’aide de lumière, les poules pour qu’elles pondent en hiver.

« Être curieux » et « reprendre le contrôle de notre alimentation » 

Les « évolutions » de l’agro-industrie ont, de fait, « changé notre façon de consommer », en nous affranchissant des contraintes naturelles, regrette l’autrice. Qui nous invite à renouer avec le plaisir des saisons :

Rien n’égale le plaisir de retrouver un cabécou ou un pélardon au printemps, de se régaler avec un saint-nectaire fermier arrivé à pleine maturité en été, de partager un munster au lait cru bien affiné en automne ou de retrouver le croquant de la tyrosine d’un très vieux comté en hiver. »

Selon Véronique Chapacou, nous avons tout et tous à gagner dans ce retour de la saisonnalité. Les aliments de saison sont plus goûtus, souvent plus nutritifs mais également moins chers. Comme ils sont produits localement et nécessitent moins d’intrants ou de technologies, leur empreinte écologique est aussi bien moindre.

Arrivés à pleine maturité, les aliments de saison sont meilleurs pour notre santé. Un maximum de saveur mais surtout un maximum de vitamines, de minéraux, d’oligo-éléments. Rien n’est dû au hasard si l’été nous donne des fruits et des légumes gorgés d’eau, rafraîchissants… et l’hiver, des fruits et légumes plus roboratifs, contenant des sucres lents, plus de vitamines et de minéraux. »

Et l’autrice de nous pousser à « être curieux », à « reprendre le contrôle de notre alimentation ». Comment ? En privilégiant les circuits courts, en scrutant les étiquettes ou en refusant les tentations productivistes (la tarte aux framboises en mars, c’est non)… Soit. Mais bien qu’on finisse le livre convaincu par le diagnostic, les solutions nous laissent sur notre faim.

Car si Véronique Chapacou souligne avec justesse la responsabilité de l’agrobusiness et de la grande distribution, la voie qu’elle préconise passe, avant tout, par des « changements de comportements » individuels. Sans doute est-ce nécessaire, mais la sauvegarde des terres et des emplois paysans ou le refus de la standardisation nécessiteront plus qu’une prise de conscience citoyenne. Tant que les dirigeants nationaux et européens n’impulseront pas la révolution agricole, nos coups de fourchette bien intentionnés resteront autant de coups d’épée dans l’eau. Peut-être faudra-t-il alors, le temps des cerises revenu, sortir aussi les fourches.


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