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José Bové : « En évacuant des lieux symboliques, l’État ne fait que renforcer la détermination de tout le monde »

L’assaut des gendarmes contre les habitants de la Zad de Notre-Dame-des-Landes lancé lundi 9 avril a conduit à de nombreuses destruction. L’eurodéputé José Bové réagit à cette opération.

José Bové est député européen EELV depuis 2009. Il s’est engagé dans le syndicalisme agricole dans les années 1970, lors du mouvement d’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac. Il est resté agriculteur sur le plateau jusqu’à son élection comme député européen.


Reporterre — Comment avez-vous perçu les interventions de l’État à Notre-Dame-des-Landes ?

José Bové — Je suis d’accord sur le fait que la remise en circulation de la départementale [la « route des chicanes »] devait suivre l’abandon du projet d’aéroport. Le fait qu’elle était bloquée posait problème pour la libre circulation de tous. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on abandonne de la sorte un processus d’installation et de confortation des agriculteurs en place, de reconnaissance des projets développés depuis des années sur la Zad. Tout le monde était conscient que le processus serait long. C’est dans ce cadre que les négociations ont démarré, que des commissions et des rencontres ont été mises en place pour réunir la préfecture, les organisations agricoles, les associations et l’ensemble des composantes de la lutte, y compris des gens à priori sans droit ni titre.

Pourquoi ne pas avoir laisser plus de temps au dialogue ? Je n’ai pas la réponse. Toujours est-il qu’on est un certain nombre à avoir essayé d’empêcher les expulsions et les destructions, à différents niveaux de décision. On n’y est pas arrivé et on se retrouve maintenant dans cette situation catastrophique.



En lançant les expulsions, en détruisant des projets agricoles, quel message l’État envoie-t-il ?

Il n’a pas tenu compte des discussions en cours. Certains squats, notamment les Cent Noms, faisaient partie de ces lieux où le débat n’était pas encore tranché. On allait vers une demande de régularisation, commencée par des premiers contacts. La destruction et l’évacuation de ces lieux font tomber toute forme de dialogue. Je ne comprends pas la stratégie de l’État et je ne vois pas quel message il envoie en agissant ainsi. En évacuant des lieux symboliques, il ne fait que renforcer la détermination de tout le monde. J’ai le sentiment que ces décisions ne se jouent pas au niveau de la préfecture, mais au ministère de l’Intérieur, voire à Matignon.



L’État a-t-il des intérêts à ce que la situation dégénère ?

En agissant de cette manière, en détruisant des installations symboliques comme les Cent Noms, un cap de solidarité est dépassé par rapport à une intervention qui aurait ciblé la route départementale. Aux Cent Noms, il y avait des animaux, du maraichage, des projets. Détruire ce lieu, était-ce une bévue ? Un acte délibéré ? En tout état de cause, ça mobilise et, aujourd’hui, il y a plus de monde qu’hier pour défendre la Zad.

Lundi, sur la Zad.



Vous avez développé un plan pour la Zad, en faveur d’une gestion collective des terres. Ce plan vous parait-il compromis aujourd’hui ? 

Sur le fond, non. Il s’inscrit sur le long terme. Ce qui est compromis, c’est toute la dynamique d’apaisement sur le terrain. On allait dans le bon sens.

Il ne faudrait pas que ceux qui étaient en faveur de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes puissent prendre comme une revanche en empêchant tout projet novateur sur ce territoire. Ce serait une erreur de leur part. Ce qui s’est passé depuis deux jours ne fait que renforcer la mobilisation. Je crains qu’on aille dans une spirale de violence. La question de la route a peut-être été un prétexte pour lancer une offensive générale pour mettre à bas tout ce qui pouvait être alternatif.



Dans quelle position cette situation place-t-elle Nicolas Hulot ?

Il n’a pas pu intervenir hier après-midi. Sans en avoir discuté directement avec lui, je sais qu’il ne s’attendait pas, lui non plus, à cela. En revanche, je ne sais pas comment les décisions ont été prises, qui a décidé des lieux démantelés, y compris quand il n’y avait aucune raison qu’ils le soient.



Que préconisez-vous aujourd’hui ?

Je demande l’arrêt des opérations de gendarmerie sur le territoire. Il est urgent de sortir de cette spirale de violence et d’éviter qu’arrive un drame. Autrement, on ne sortira jamais de cette situation par le haut. Le projet d’aéroport a été abandonné, ça me semble quand même invraisemblable qu’on se retrouve dans une situation comparable à 2012 et l’opération César.

  • Propos recueillis par Alexandre-Reza Kokabi

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