L’effet nocif des nouveaux OGM cultivés en France

Image d'illustration, tournesols. - Flickr / CC BY 2.0 / Daniel Jolivet
Image d'illustration, tournesols. - Flickr / CC BY 2.0 / Daniel Jolivet
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Certaines plantes sont rendues tolérantes aux herbicides pour faciliter le désherbage. Selon une étude, ces dernières entraînent une utilisation accrue de ces produits toxiques et ne sont pas efficaces. Mais elles sont soutenus par l’État.
La courte histoire des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), destinées à faciliter le désherbage, ressemble à la chronique d’un échec annoncé. La nouvelle étude publiée dans Weed Research le 11 janvier 2022 sur les variétés de tournesol résistantes aux herbicides cultivées en France ne relate pas autre chose. Conduite par l’Anses et l’Inrae, les résultats montrent que la culture de ces variétés s’accompagne d’une utilisation accrue d’herbicides. « Comme on le craignait, et comme l’Anses l’avait pointé dans son analyse de risques en 2020, les VRTH se sont accompagnées d’une augmentation du nombre de doses d’herbicides utilisés dans les cultures », souligne Guillaume Fried, premier auteur de l’étude et chargé de projet recherche à l’Anses.
Les VRTH sont des variétés de plantes agricoles rendues volontairement tolérantes aux herbicides à l’aide de modifications génétiques ciblées. Depuis leur apparition sur le marché français en 2009, ces variétés sont dans le collimateur des associations paysannes et écologiques, mais aussi de l’Anses. Les tournesols VRTH sont résistants à deux herbicides, l’imazamox et le tribenuron.
Une technique déjà obsolète
Le comble est que cette augmentation des herbicides ne s’accompagne pas d’une réduction de l’ambroisie, une plante envahissante particulièrement problématique pour la culture de tournesol. L’ambroisie est parfois même plus présente dans les champs des VRTH que dans les cultures conventionnelles. L’étude montre que le problème est moins les VRTH elles-mêmes que les pratiques agricoles qui lui sont associées : celles-ci font l’impasse sur d’autres formes de lutte contre les mauvaises herbes. « L’utilisation des VRTH peut donner une fausse confiance dans une seule méthode de lutte chimique au détriment d’autres pratiques connues et efficaces », dit Guillaume Fried. Dans les cultures conventionnelles, les herbicides sont souvent associés à des rotations avec une plus grande diversité de cultures, ce qui limite le développement de l’ambroisie.
Autre problème, les herbicides deviennent inefficaces à cause de la résistance développée par l’ambroisie. Une résistance retrouvée sur une des quinze parcelles analysées dans le cadre de cette étude. Selon une autre étude publiée en 2021, cette résistance de l’ambroisie à l’imazamox et le tribenuron est aujourd’hui retrouvée dans toutes les régions où la plante est fortement présente (Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, Centre). « On est sans doute encore au début de l’évolution de la résistance, mais le risque d’extension est élevé », selon Guillaume Fried. Les deux herbicides concernés sont par ailleurs « connus pour générer des résistances ».
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À peine dix ans après leur création, ces VRTH sont donc déjà obsolètes contre l’ambroisie, alors que c’était l’argument commercial de ces variétés génétiquement modifiées. Un argument qui a porté ses fruits puisque ces variétés couvrent déjà près de 30 % des surfaces de tournesol.
Résultat : moins de plantes sauvages
Autre effet de la culture des VRTH et de l’utilisation associée des herbicides : une diminution de la diversité des plantes sauvages dans les champs. « On a recensé en moyenne vingt variétés dans les parcelles de tournesol bio, quatorze en conventionnel et douze avec les VRTH », précise Guillaume Fried. Une baisse significative et préoccupante car « chaque plante offre des fonctions écologiques différentes, parmi lesquelles des services bénéfiques. Par exemple, certaines favorisent les auxiliaires de cultures comme les insectes favorables à la lutte biologique », souligne le botaniste.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont suivi 239 champs de tournesols dans trois départements français (Cher, Côte-d’Or, Isère), grâce aux informations données par les chambres d’agriculture. Il n’existe pas de registre national des cultures VRTH, malgré l’obligation faite à l’État d’assurer un suivi de ces cultures. En effet, le Conseil d’État lui a imposé en 2020 de suivre les recommandations de l’Anses en matière d’évaluation des risques liés à ces variétés. Et l’a condamné en novembre 2021 pour ne pas l’avoir fait. InfOgm rappelle que la culture des VRTH est illégale depuis que la Cour de justice européenne a statué en 2018 qu’elles relèvent de la réglementation sur les OGM.