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Pollutions

La Norvège autorise une mine de cuivre au détriment de la biodiversité arctique

En février 2019, le gouvernement norvégien a donné son feu vert pour un gros projet de mine de cuivre en Arctique. Avec à la clé : des boues toxiques néfastes pour la faune aquatique et pour les rennes. La communauté autochtone sami et les associations écolos se mobilisent contre cette « catastrophe environnementale ».

  • Tromso (Norvège), reportage

« Ce projet est une catastrophe environnementale », s’indigne Jorunn Vallestad, conseillère de l’association Les Amis de la Terre en Norvège. Depuis maintenant dix ans, les associations environnementales et la communauté Sami [1] contestent la permission de la société Nussir d’installer une usine d’extraction du cuivre aux alentours du fjord Reppafjord dans la commune du Kvalsund. Le ministère du Commerce et de l’industrie vient d’accepter une troisième licence qui permettrait à la société de rejeter deux misontllions de tonnes de déchets de métaux lourds par an dans l’océan.

Comme l’explique Torvald Falch, conseiller auprès du Parlement sami de Norvège, qui suit l’affaire depuis ses débuts, « qu’il s’agisse des instituts de recherche ou des associations locales, nationales ou internationales, tous déclarent que le projet aura un impact très négatif sur l’environnement et le peuple sami ». Pourtant, le gouvernement et la firme Nussir tiennent un discours bien différent. Le ministre du Commerce et de l’industrie Torbjorn Roe Isaken a déclaré que les activités de la firme ne produiraient pas d’effets inacceptables sur l’environnement et créeraient de nouveaux emplois. Qu’en est-il réellement ?

« La population de saumons est à peine en train de remonter que l’État prévoit déjà d’extraire de nouveau du cuivre »

D’après plusieurs rapports, le fjord ne s’est pas encore remis des activités minières des années 1970. Pour Jorunn Vallestad, « la population de saumons est à peine en train de remonter que l’État prévoit déjà d’extraire de nouveau du cuivre ». Le projet est également de plus grande envergure qu’auparavant : il s’étend sur huit kilomètres et pourrait affecter durablement la qualité de l’eau, en plus de comporter des fuites de cuivre et de métaux dangereux.

Ces rejets, invisibles à la surface, auront de lourdes conséquences sur la biodiversité marine du fjord et des fjords voisins car les particules et les microparticules des déchets se dispersent en suivant les courants. L’institut de recherche marine de Norvège affirme que cela pourrait détruire des écosystèmes entiers. Bien que les autorités affichent dans leur communiqué officiel que cela n’impactera pas les espèces vivantes à la surface, les études démontrent que la réduction des stocks d’espèces sous-marines provoquera une diminution de la quantité de nourriture disponible pour les poissons de surface.

Concernant la flore, quelques millimètres de boues minières suffisent à affecter la composition et la quantité des petits animaux dans les sédiments. L’exposition à long terme aux résidus de l’extraction de cuivre réduit également la densité de la flore, ce qui contribue à la perte de biodiversité en général.

Les activités minières auront un impact significatif sur l’élevage de rennes d’une communauté sami

Le projet de mine de cuivre est contesté par le Parlement sami et par la Fédération norvégienne sami en raison de ses conséquences sur l’élevage de rennes et l’environnement. En effet, au commencement de l’affaire, l’Institut de recherche de Norvège (Norut) a publié un rapport sur les conséquences des activités minières sur l’élevage des rennes. Elles ont lieu sur l’une des plus grandes routes de migration : près de 9.000 rennes se déplacent des plaines du Finnmark, où ils passent l’hiver, jusqu’aux lieux de reproduction où ils pâturent pendant l’été. Bruit, pollution, occupation des lieux de reproduction… Le rapport juge que les activités minières auront un impact significatif sur l’élevage de rennes des siidas, une communauté sami.

Torval Falch signale qu’« avant tout projet qui concerne des ressources naturelles, une étude préliminaire doit être réalisée ». Puisque cela n’avait pas été le cas pour ce projet, le Parlement a commandé une étude préliminaire supervisée par Michael Hoel, professeur d’économie à l’Université d’Oslo, spécialisé sur les questions énergétiques et climatiques.

Les moyens de pression des citoyens norvégiens et des Samis semblent cependant limités. Kristina Labba, chercheure et enseignante Sami à l’Université de Tromsø sur les droits des peuples autochtones, dit à Reporterre :

Il est dur de contester le projet juridiquement, car le régime est en grande partie basé sur la longue tradition de législation minière norvégienne importée de l’étranger au XVIe siècle. »

Ce principe octroie le « droit d’explorer des minéraux » et « d’extraire les minéraux découverts ». Cependant, ce droit entre en contradiction avec de nombreux autres, notamment ceux récemment acquis par les peuples autochtones.

Le Parlement sami a porté plainte auprès du gouvernement suite à la décision du 14 février. « Si cette plainte est rejetée, nous comptons aller devant la Cour suprême de justice », dit Torvald Falch. Cela serait une première pour l’institution.

Nature and Youth, l’une des associations environnementales et de jeunesse les plus importantes en Norvège, a déclaré que ses membres étaient prêts à mettre en place des actes de désobéissance civile pour stopper le déversement des résidus miniers en mer. D’après Jørge Næss Karlsen, en charge de l’affaire pour l’association, 2.900 personnes auraient déjà donné leur accord en signant une pétition.

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