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22 juillet 2019 / Jean SivardièreLa gratuité des transports en commun favorise-t-elle vraiment leur utilisation ? Pas tant que ça, selon l’auteur de cette tribune, qui explique qu’elle peut aussi réduire les investissements nécessaires pour l’amélioration du réseau.
Jean Sivardière est vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut).
À court terme, les avantages de la gratuité sont indéniables : l’usage des transports collectifs est simplifié et augmente. L’offre initiale étant médiocre (pas de transports en site propre, fréquences faibles), les recettes sont faibles, la gratuité n’est pas trop coûteuse pour la collectivité locale (4,5 M€/an à Dunkerque). C’est à plus long terme que les difficultés apparaissent.
Quatre objectifs, en partie liés, sont cités par les élus partisans de la gratuité.
Mais la démarche de gratuité est inutile pour atteindre ces objectifs :
Par ailleurs, la gratuité des transports est dangereuse à moyen terme.
Défendre les usagers ne consiste pas à réclamer les tarifs les plus bas possibles, voire la gratuité, une fausse bonne idée malgré ses apparences séduisantes à court terme : à moyen terme, ses effets pervers desservent les intérêts des usagers et de la collectivité.
En conclusion, la notion de gratuité détourne l’attention du problème de fond : la place excessive de la voiture dans l’espace public. Dans les villes qui l’ont instaurée, la gratuité sert souvent d’alibi pour éviter d’avoir à prendre des mesures impopulaires auprès des automobilistes. Les usagers des transports, les citadins et les contribuables attendent des élus non pas des solutions de facilité, démagogiques car le risque — celui d’une paupérisation du transport public — n’est pas énoncé, mais du courage politique.
Dans les grandes agglomérations, la gratuité est dangereuse en raison de son coût pour la collectivité alors que les besoins insatisfaits sont énormes : la priorité doit aller aux investissements. Selon Jean-Marc Ayrault, alors maire de Nantes, « instaurer la gratuité, c’est renoncer à 2 km de tramway par an ».
Dans les petites agglomérations, l’offre de transport public gratuit reste bas de gamme. À Saint-Amand-Montrond (Cher), pas de service entre 12 et 14 h, avant 9 h et après 18 h. À Vitré (Ille-et-Vilaine), les bus ne transportent que des scolaires. À Péronne (Somme), le dernier service quitte le centre-ville à 17 h 30 et les usagers sont mécontents : « Je préfère payer mon trajet pas cher, comme l’année dernière, et avoir plus de bus dans la journée » ; « C’est bien le bus gratuit, mais si c’est pour attendre le prochain pendant plus d’une heure ou rentrer à pied, je ne vois pas l’intérêt » (Le Courrier picard).
S’il faut financer la gratuité, il devient difficile, même dans les petites agglomérations, de financer aussi la forte amélioration de l’offre qui nécessaire pour attirer l’automobiliste… En définitive, la gratuité renforce la fracture territoriale entre les villes où le transport est gratuit mais l’offre médiocre, voire indigente, et les métropoles dont les habitants disposent d’une offre correcte et où, peu à peu, le rôle de la voiture régresse.
Source : Courriel à Reporterre
Photo :
. chapô : un bus à haut niveau de service à Metz (Moselle). Wikipedia (Abxbay/CC BY-SA 3.0)
- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.