Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

ReportageLibertés

La police a parqué et brutalisé des manifestants non-violents à Paris

Des incidents ont éclaté dimanche 29 novembre à l’issue de la chaine humaine pour le climat. Mais les « hommes en noir » qui les ont suscités ont rapidement disparu. Et la police a ensuite parqué et brutalisé des centaines de citoyens non-violents qui occupaient la place de la République. Reporterre était là et a filmé.

Dimanche, entre 13 h et 14 h : alors que la chaîne humaine qui a joint les places de la République et de la Nation se dissout, la tension monte place de la République. Vers 14h30, quelques dizaines de personnes cagoulées et tout de noir vêtues – pour éviter les polémiques autant que les risques d’instrumentalisation, Reporterre a décidé de ne pas catégoriser cette frange d’activistes violents – se confrontent avec la police.

Assez rapidement pourtant, les fumées des gaz lacrymogènes et les grenades assourdissantes ont mis fin aux échauffourées. Aucune vitrine cassée n’est d’ailleurs à déplorer. Les manifestants cagoulés disparaissent sans qu’apparemment aucune interpellation n’ait lieu.

La place est occupée par des centaines de personnes. Il est environ 15h30 quand le cordon policier s’organise concrètement, dans l’angle nord-ouest de la place rectangulaire de la République, à Paris. Un peu plus loin, l’entrée du boulevard Magenta est entièrement bloquée par plusieurs véhicules policiers. En quelques minutes, toutes les issues se sont refermées. C’est une prison à ciel ouvert qui attend désormais, pour plusieurs heures, ces centaines de manifestants qui chantaient et dansaient alors pour le climat.

De l’autre côté de la rangée de CRS, d’autres sont encore libres de leur mouvement, dans un périmètre pourtant très largement encadré par les forces de l’ordre. Séparés d’une cinquantaine de mètres par le cordon policier, la solidarité s’établit par chants interposés. « Libérez nos camarades » entonne-t-on du côté libre. Puis les captifs entament un « C’est à babord, qu’on gueule le plus fort » auquel le « tribord » répond immédiatement, en chœur.

L’ambiance est encore bon enfant. Des clowns et des fleurs tentent de faire résonner un autre message face aux boucliers policiers. Des jeunes et des moins jeunes s’asseoient alors en rang, du côté libre. Quelques instants plus tard, leur pacifisme ne récolte que les coups de matraque et les gaz lacrymogènes. Reporterre a pu filmer l’une de ces exactions policières.

-  Voir la vidéo :

Dispersée, la foule se replie et découvre un peu plus loin un autre groupe de manifestants encerclés par les camions et les policiers. Au niveau de la rue du faubourg du Temple, une centaine de personne est ainsi parquée par les CRS. Pendant plus d’une heure, ils vont être exfiltrés un à un – pas toujours avec douceur, bien entendu – avant d’être embarqués dans de grands bus aux vitres à moitié blanchies. Hagards, sans aucun autre moyen de révolte que la sidération, les spectateurs « libres » assistent à ces interpellations inexpliquées.

Le bus policier pour les interpellations.

Tandis que quelques caméras de télévisions étrangères filment la scène, on découvre les profils variés des dangereux suspects : des personnes à l’âge aussi avancé que les cheveux ne sont blancs, des groupes d’amis séparés violemment, des jeunes qu’on devine à peine étudiants… Pourquoi eux ? Un activiste roumain venu travailler dans le cadre des négociations partage son émotion : « Ce sont des abus très graves, il n’y a même pas eu de sommation. D’autant plus que ce ne sont visiblement que des militants climatiques ! ».

Il n’y avait dans les zones de parcage policier aucun des « hommes en noir » qui ont suscité les incidents au début d’après-midi. Peu importe, ils ont servi sur un plateau cette logique de répression non moins violente. « C’était malheureusement à prévoir, dit un organisateur de la Coalition Climat 21, qui avait justement déconseillé de manifester pour cette même raison. Il suffisait du moindre débordement, incontrôlable, pour justifier toute une ligne de sécurité et de répression ».

"Nous ne sommes pas venus pour les COPs (’flics’, en anglais), nous sommes venus pour la COP. Devons-nous les ignorer ?

Pendant plusieurs heures, trois à quatre cents manifestants ont donc été séquestrés, dans des conditions difficiles selon les différents témoignages que Reporterre a pu recueillir. « Certains ont été blessés par des grenades désencerclantes, et n’ont pas pu recevoir de soins malgré leurs plaies ouvertes. Pendant quatre heures, nous avons dû rester immobiles, dans le froid et la nuit, sans eau ni toilettes, pendant que les policiers se comportaient avec violence », dit le journaliste Gaspard Glanz, qui a filmé de nombreuses scènes de l’après-midi.

Jointe par téléphone alors même qu’elle était bloquée dans le même périmètre, Léa Vasa, conseillère municipale du 10e arrondissement de Paris, insiste sur le sang-froid des otages : « C’est très calme et pacifiste, on joue un peu de musique en attendant de voir qui est le prochain à se faire embarquer. Cela semble totalement arbitraire ». D’autres responsables politiques, comme Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste, se sont eux aussi retrouvés prisonniers, ainsi que plusieurs journalistes, français et étrangers.

Hier soir à 21h, la préfecture de police indiquait à Reporterre les derniers chiffres : 289 interpellations et 174 garde-à-vue. Un bilan qui se voulait « provisoire », avant la nuit. La liste des militants écologistes visés par la police pourrait bien encore s’allonger.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende