La ré-autorisation du glyphosate de nouveau ajournée à Bruxelles

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Pesticides EuropeLes États membres de l’Union européenne ne parviennent pas à s’accorder sur l’autorisation d’utiliser le glyphosate, la matière active de l’herbicide Roundup de Monsanto, prend fin le 30 juin mais le renouvellement de son homologation a été ajourné.
- Actualisation - Lundi 6 juin - Ce lundi, les Européens n’ont pu trouver un accord sur l’interdiction du glyphosate. La Commission européenne proposait aux États membres de prolonger l’autorisation du glyphosate pour 12 à 18 mois. Mais elle n’a pu obtenir de majorité en faveur de cette prolongation, la décision de l’Union reste donc en suspens (détails ici).
Alors qu’une nouvelle étude publiée lundi 16 mai est venue alimenter la polémique scientifique autour du caractère cancérogène du glyphosate, aucune majorité qualifiée n’a pu se dégager à l’issue des échanges qui se sont tenus mercredi 18 mai et jeudi 19 à Bruxelles au sein du comité technique dénommé « Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed ». Peu d’informations ont filtré pendant les deux jours de cette réunion fermée à laquelle la société civile n’était pas invitée. Plusieurs pays avaient exprimé leur intention de s’opposer à une nouvelle autorisation, parmi lesquels la France.

Si Ségolène Royal a depuis longtemps pris position contre ce pesticide, qui est la matière active du Roundup, l’herbicide vendu par Monsanto, c’est la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui est montée au créneau ces derniers jours. Invitée de la matinale de France Info mercredi 18 mai, elle a rappelé les engagements du président de la République, François Hollande, à interdire le glyphosate en France, lors de la dernière conférence environnementale : « Indépendamment des débats sur le caractère cancérigène ou non du glyphosate, (…) les études dont nous disposons montrent que c’est un perturbateur endocrinien » justifiant le principe de précaution en vigueur qui a conduit à demander d’autres études d’ici 2017. « Mais en attendant, nous ne renouvelons pas l’autorisation du glyphosate. »
De son côté, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, s’est réjouie du résultat, indiquant dans un communiqué : « J’ai été en contact avec plusieurs de mes homologues européens pour leur demander de soutenir le retrait de cette proposition de règlement. D’autres pays, notamment l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Autriche, le Portugal ont fait savoir qu’ils s’abstiendraient ou qu’ils voteraient contre en cas de vote, ne permettant pas de dégager une majorité suffisante pour que la proposition de la Commission puisse être adoptée. »
Entre oppositions et abstentions, la majorité qualifiée de 55 % des États membres représentant 65 % de la population européenne n’était pas atteinte et il a fallu reporter une nouvelle fois une décision qui se fait pourtant urgente.
Une satisfaction pour les ONG mobilisées dans la lutte contre le glyphosate : « C’est une bonne nouvelle, nous dit François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Cela montre que les États se sentent de plus en plus concernés par la question, ils sont embêtés vis-à-vis d’un choix qu’ils devront assumer ensuite. » Selon un sondage récent commandité par l’ONG, plus de deux tiers des Français interrogés sont ainsi opposés au renouvellement du glyphosate.
« La pression citoyenne a obligé les responsables politiques à rester fermes sur le principe de précaution »
Une pétition lancée par Avaaz sur le sujet a ainsi récolté près d’1,5 million de voix sur internet, en quelques semaines. « De nombreux observateurs s’attendaient à voir le renouvellement de l’autorisation du glyphosate expédié il y a quelques mois, mais les gouvernements commencent à comprendre que leurs citoyens refusent d’être des cobayes. Monsanto et d’autres géants de l’industrie chimique ont l’habitude d’obtenir gain de cause ; cette fois-ci, la pression citoyenne a obligé les responsables politiques à rester fermes sur le principe de précaution », a commenté Pascal Vollenweider, directeur de campagne pour Avaaz.
« Dès lors qu’un doute subsiste sur la nocivité d’une substance, il ne s’agit plus de tergiverser, a estimé de son côté la Ligue contre le cancer dans un communiqué commun avec Foodwatch et Générations futures. Décider aujourd’hui ou demain ne change rien au débat : il faut protéger la santé des citoyens et appliquer strictement le principe de précaution inscrit dans nos textes européens. »

Si les conséquences à court-terme de ce report restent inconnues — une nouvelle réunion avec une nouvelle proposition de la Commission pourrait être convoquée avant la fin juin — Greenpeace a appelé la Commission à « changer de cap », elle qui continue « d’ignorer les préoccupations des scientifiques indépendants, des députés européens et des citoyens européens », déclarait la directrice de la politique alimentaire de Greenpeace Europe, Franziska Achterberg.
Et la pression de la société civile ne va pas se relâcher : Générations futures a déposé plainte mercredi 18 mai auprès du procureur de la République pour tromperie aggravée. L’association estime que plusieurs autorités concernées ont sciemment « sous-évalué les dangers réels posés par le glyphosate ».