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Énergie

Le Linky, nocif pour la santé ? Réponses aux remarques des lecteurs

« Linky n’est pas un ami », l’enquête que Reporterre a consacrée au compteur « communicant », a suscité de nombreuses réponses, souvent vives. Enfin, essentiellement le troisième article des cinq de la série, celui qui traite de la question de nocivité des compteurs. Nous avons rassemblé vos remarques et cherché à y répondre.

Rien n’est dit sur les dizaines de témoignages [des électrosensibles] qui ont été déposés (le mien est le 3e). Et nous sommes très loin de l’exhaustivité. je connais moi-même des personnes qui sont obligées de couper leur alimentation électrique lors de leur présence dans leur domicile et qui n’ont pas témoigné à ce jour. Sans parler de celles qui ne savent pas faire le lien entre leurs problèmes et la présence du [Linky], ou encore qui ne connaissent pas l’existence de la possibilité de témoigner.
Marie-Christine Monet

  • Reporterre — En dépit de nombreux témoignages, Reporterre a choisi de se concentrer sur les preuves scientifiques. Or, si l’Anses a reconnu en mars dernier la réalité des symptômes des personnes se disant électro-hypersensibles, le lien de causalité n’est pas prouvé entre les symptômes décrits et l’exposition aux champs électromagnétiques. Des hypothèses sont actuellement examinées pour déterminer l’origine de ces maux, et il est évident que si ceux-ci sont liés au compteur Linky, Reporterre en fera l’écho. Quoi qu’il en soit, nous considérons comme sérieux et problématique l’électrosensibilité, sur laquelle nous avons contribué à attirer l’attention, et avons recueilli des témoignages émouvants. En aucun cas, il ne faut abandonner les recherches sur l’électrosensibilité.

Concernant votre dernier article sur Le Linky, vous dénoncez des propos anxiogènes sur la pollution électromagnétique et les « experts » que vous citez sont censés rassurer les gens. Mais le CPL [courant porteur en ligne] actuel n’émet pas qu’une fois par jour, mais bien en permanence, l’association Priartem l’a vérifié ainsi que des militants qui ont fait des tests. De plus, le CPL actuel, utilisé par les gens chez eux pour leur informatique, n’est pas comparable avec le CPL génération 3 qui est beaucoup plus puissant. »
Philippe

  • Reporterre — Une partie des militants anti-Linky mettent en avant le danger sanitaire potentiel qui serait provoqué par les compteurs Linky. Au cours de notre enquête, nous n’avons pu prouver la véracité de cette allégation. Aucune étude officielle ne permet de constater des dangers sur la santé, bien qu’il soit nécessaire de procéder à davantage d’études sur les impacts de l’exposition quotidienne des ondes, dont Linky n’est qu’un élément, pour en obtenir la certitude. Si des craintes sont élevées par des militants, les arguments scientifiques de ceux-ci n’ont pour le moment pas été suffisamment solides pour résister aux faits. Ce qui n’empêche pas certains d’entre eux de contester les études qui ne vont pas dans leur sens. 
Si le CPL génération 3 a été conçu pour fonctionner entre 10 et 490 kHz pour s’adapter aux caractéristiques de chaque pays, il se limite en France à des fréquences entre 35 et 90 kHz. Il s’agit, comme nous le décrivons dans notre article, de basses fréquences, et non de hautes fréquences comme avec les réseaux wifi ou de téléphonie mobile. L’émission maximale du CPL G3 est limitée à 20 dBm, soit 0,1 watt. Dans les faits, il s’agit le plus souvent d’une puissance moins élevée. 
Il ne faut pas confondre l’émission d’un signal une fois par jour et le fait que le compteur Linky superpose au secteur 230 V / 50 Hz une fréquence entre 35 et 90 kHz. Le principal argument des militants anti-ondes est que le conducteur parcouru par le courant électrique rayonne une petite partie de l’énergie qui y circule, car il n’est pas « blindé ». Concernant le Linky, la part du 0,1 W rejetée est tellement faible que, passé une dizaine de centimètres, il devient impossible de la quantifier avec les appareils adéquats.

Dans votre article, vous oubliez l’ERL [émetteur radio Linky], qui fonctionne comme le wifi, et les concentrateurs, qui fonctionnent en GSM. »
David X

  • Reporterre — En l’absence de toute étude sur les caractéristiques de l’ERL et alors qu’il n’a pas été déployé, il a paru hasardeux de le lier à la question des ondes sans fait avéré. Évidemment, nous resterons à l’affût de toute nouvelle information à son sujet pour pouvoir en discerner l’impact potentiel.
 Concernant les concentrateurs, ces derniers sont disséminés sur le territoire et récupèrent les données des Linky pour les transmettre à Enedis. Théoriquement, ils pourraient en effet poser problème. Pour que quelqu’un en subisse des effets négatifs, il faudrait que le transformateur soit à moins de 3 mètres de sa personne et que l’exposition s’effectue sur une longue période. Un transformateur collé à un mur qui mène à une chambre ou un salon par exemple. Mais ces cas sont exceptionnels.

L’article « Linky dangereux pour la santé ? Ce n’est pas démontré » [est] très orienté par l’avis de la « sommité » Anne Perrin, mais en conflit d’intérêts avec les industriels dont a parlé Sophie Kaepeline dans son témoignage Lettre d’une personne électrohypersensible face au vaste merdier du monde de la téléphonie mobile. Moran Kerinec [l’auteur de l’article] n’a pas cherché plus loin. Il aurait pu demander l’avis d’un autre scientifique dont l’avis est à l’opposé de celui d’Anne Perrin, comme le Pr Belpomme, par exemple […].
Alain

  • Reporterre — Membre du Haut Conseil pour la santé publique, la docteur Anne Perrin est spécialisée en biophysique dans le domaine des risques électromagnétiques. Elle a conduit des recherches sur les effets biologiques et sanitaires des radiofréquences et des micro-ondes pendant vingt ans au Service de santé des armées puis à l’Institut de microélectronique et photonique de l’université Grenoble-Alpes. Elle a par ailleurs écrit en collaboration avec Martine Souques le livre Champs électromagnétiques, environnement et santé. Or Martine Souques travaille chez EDF à l’évaluation des risques sanitaires liés aux champs électromagnétiques. C’est sur la base de ce travail commun qu’Anne Perrin se voit considérée comme une « lobbyiste des ondes » par certains militants anti-ondes, qui n’apportent pas davantage de preuves remettant en cause sa probité.
    Les recherches d’Anne Perrin ont été opposées à celles du professeur Belpomme, plus crédibles, selon les opposants au compteur. Ce dernier est actuellement visé par une plainte de l’Ordre des médecins pour d’éventuels manquements à la déontologie. Mais le Pr Belpomme, joint au téléphone par Reporterre, rejette les accusations du conseil de l’Ordre et assure qu’en cas de jugement défavorable à son encontre, il ira en appel. Quant à l’effet de Linky sur la santé, le Pr Belpomme nous dit : « Aucune étude n’existe pour l’instant prouvant cet effet. Mais il y a énormément de témoignages de personnes électro-sensibles signalant un effet. Il est possible que les faibles effets du Linky soient la petite goutte d’eau qui fait déborder le vase de l’électro-sensibilité chez certaines personnes. »

Les compteurs Linky provoquent-ils des incendies ?

  • Reporterre — Une quinzaine de faits divers semblent prouver que oui. Or, quand on se penche sur le détail de ces incidents, il est difficile de certifier que le compteur est bien la cause d’un départ de feu. De nombreuses suspicions existent, mais dans les cas que Reporterre a pu confirmer, le problème vient principalement de la pose du Linky. Celles-ci ont parfois été bâclées par les entreprises prestataires engagées par Enedis, et il n’est pas rare qu’un technicien d’EDF se retrouve à corriger les erreurs de l’installateur. 
Reporterre a tenu à rester prudent en l’absence de certitude. Cependant, un cas dramatique a été mis en avant par des sites anti-Linky : la mort dans un incendie d’un habitant de Meurthe-et-Moselle. Beaucoup y voient « le premier mort dû à Linky ». Selon la version officielle, le compteur de l’homme décédé serait un compteur classique. 
Mais souligne Stéphane Lhomme, le communiqué d’Enedis assure que le compteur Linky était intact alors que l’article de L’Est républicain décrivant l’accident assure que le compteur était fondu. En tout état de cause, l’affaire n’est pas tranchée.
  • Des lecteurs ont par ailleurs fait part à Reporterre de ce que certains appellent « l’affaire Promotelec », qui a suscité l’ajout suivant à l’article concerné :

Dans un article publié le 6 mars 2018, l’association Promotelec, spécialisée dans le confort et de sécurité dans l’habitat, écrivait que « dans le cas où les sections de câbles ne sont pas adaptées aux nouveaux réglages, des accidents (feu) peuvent se produire le jour où le particulier fait la demande auprès d’Enedis d’augmenter la puissance de son compteur à distance pour répondre à des besoins en énergie plus conséquents (ex : achat d’un jacuzzi). » Pour éviter ce risque, l’association recommande l’intervention d’un installateur électricien pour assurer que les sections entre le tableau électrique et le disjoncteur sont bien conformes au niveau de puissance établi. L’article a depuis été modifié, et ne fait plus cas de la possibilité d’incidents impliquant des départs de feu. Un « acte de censure », selon les opposants, qui voient derrière cette modification la possibilité qu’Enedis, membre de Promotelec, ait pu intervenir pour raboter la publication.

  • Interrogé par Reporterre, Promotelec s’est défendu d’avoir amendé son article pour éviter qu’il puisse « servir de caution à des gens malintentionnés ». Son porte-parole poursuit : « À partir du moment où la rédaction d’un article peut prêter à confusion, c’est que les termes choisis n’ont pas été les plus pertinents. Nous rédigeons beaucoup d’articles, il peut il y avoir des coquilles ou des mots mal choisis, défend l’association, nous avons donc modifié le texte en reprenant les termes de tous les acteurs auxquels nous sommes associés, et tels qu’ils sont décrit dans le tome 2 de l’Officiel de l’Electricité ». Parmi ces acteurs, on retrouve notamment EDF et sa filiale Enedis, bien que Promotelec réfute fermement avoir reçu des instructions pour modifier le texte de la part de l’un ou l’autre.

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